Le long chemin de l’accueil de réfugiés ukrainiens dans l’Est-du-Québec

Des réfugiés qui fuient la guerre en Ukraine arrivent au poste-frontière de Medyka, en Pologne (archives).
Photo : Associated Press / Daniel Cole
Au moment où plusieurs villes du Québec souhaitent participer à la mobilisation pour accueillir des réfugiés ukrainiens, la réalité derrière leur arrivée pourrait entraîner de nombreux délais.
Le président de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) et maire de Gaspé, Daniel Côté, rappelle que le gouvernement du Québec doit mettre sur pied des services psychosociaux et linguistiques avant que les municipalités et les villes qui ont levé la main puissent vraiment recevoir des réfugiés.
Comment on trouve un toit pour ces gens? C’est là que l’UMQ intervient, mais on doit commencer par les villes qui ont été ciblées, parce qu’il y a une différence entre des réfugiés et des migrants
, a-t-il expliqué en entrevue à Bonjour la Côte.

Le maire de Gaspé et président de l'UMQ, Daniel Côté (archives)
Photo : Radio-Canada / Luc Manuel Soares
Parmi les villes ciblées comme lieux de première installation, Rimouski a été choisie en raison de ses compétences d’accueil déjà développées. Ailleurs dans l’Est-du-Québec, plusieurs villes souhaitent participer à la mobilisation, notamment Gaspé et Sainte-Anne-des-Monts.
Le maire de Gaspé signale que des entreprises de l’Est-du-Québec se disent prêtes à embaucher des réfugiés, mais il rappelle que les réfugiés arrivent souvent traumatisés.
Avant de parler du marché du travail, on doit se rappeler que ces gens-là sortent d’un pays qui est en guerre. Quand le conflit armé sera terminé, il y a de fortes chances que ces gens risquent d’avoir envie de retourner chez eux pour rebâtir leur pays
, croit le maire.
Des villes de l’Est-du-Québec doivent aussi composer avec une pénurie de logements.
L’heure est à leur offrir un toit, de la nourriture, et à s’assurer qu’ils soient en sécurité et qu’ils passent à travers cette crise. C’est cette main qu’on leur tend et on va y aller une étape à la fois.
Les réfugiés et les immigrants, ce sont deux choses
, a précisé la coordonnatrice du service d’accueil aux personnes immigrantes du centre Alpha Lira de Sept-Îles, Hélène Lejeune, en entrevue à Bonjour la Côte. Les immigrants vont arriver dans des situations plus favorables et par choix. Les réfugiés ne veulent pas quitter leur pays. [C'est] parce qu’ils n’ont pas le choix, parce que leur vie est en danger.
Les réfugiés peuvent débarquer les mains vides, sans valises, sans économies et sans papiers, avise-t-elle.
On risque de voir arriver des Ukrainiens à Sept-Îles, mais d’après moi, ce sera des gens qui vont arriver dans leur famille, parce qu’on a une petite communauté ici à Sept-Îles
, croit Mme Lejeune.
Elle est d’avis que bien des obstacles attendent les Ukrainiens, notamment l’apprentissage du français, qui pourrait s’avérer difficile.

Hélène Lejeune, du Centre Alpha Lira de Sept-Îles (archives)
Photo : Ann-Sophie Gravel
Avocat spécialisé en droit de l’immigration, Maxime Lapointe signale que les réfugiés doivent passer des tests biométriques lors d’une demande d’obtention d’un visa canadien, ce qui est difficile à faire pour les Ukrainiens en fuite. Ottawa a annoncé la semaine dernière qu’il facilitera le traitement des demandes de visa pour ceux qui fuient la guerre.
C’est peut-être une exigence qui pourrait éventuellement tomber. Les empreintes digitales, on peut les prendre à l’intérieur du Canada. Le Canada veut essayer le plus possible [d'exercer un contrôle], mais de l’autre côté, le Canada doit avoir des mesures efficaces et rapides
, fait valoir M. Lapointe.
Le long chemin de l’accueil de familles syriennes
Or, avant de pouvoir accueillir des réfugiés qui fuient un conflit armé, des années peuvent s’écouler.
La porte-parole du comité de parrainage Syrie-Matanie, Claire Lamarre, en sait quelque chose. Son comité a décidé il y a quelques années de faire venir deux familles syriennes au pays.
Elle souligne que les garants doivent assumer les frais pour subvenir aux besoins essentiels des personnes parrainées pendant leur première année d’établissement au Québec. On parle de moyens financiers pour le logement, pour la nourriture et pour les vêtements pour une année. C’est un apport financier important
, a-t-elle dit en entrevue à Bon pied, bonne heure!.
Il y a quatre ans, leurs efforts ont porté fruits : la famille Ateia s'est installée à Matane.
Le couple de néo-Matanais est en communication avec une autre famille syrienne qui vit temporairement au Liban, les Daadouch. Les membres de cette famille attendent depuis quatre ans l’autorisation du gouvernement canadien afin d’immigrer eux aussi à Matane.

La famille Ateia multiplie les démarches depuis quatre avant afin d'accueillir une famille de réfugiés syriens.
Photo : Radio-Canada / Jean-François Deschênes
Meshlen Nassar et Hussam Ateia ont eux-mêmes été réfugiés pendant deux ans au Liban. J’espère être capable de les faire venir vite ici. On connaît [la vie au Liban]. C’est vraiment difficile
, raconte Mme Nassar. La vie est très dure au Liban. Tout le monde cherche de l’argent, du travail, mais maintenant, il manque plusieurs choses, de la nourriture
, renchérit M. Ateia.
Selon Mme Lamarre, la pandémie de COVID-19 est une des principales raisons qui expliquent le retard dans le traitement du dossier de la famille Daadouch. Et maintenant, la guerre en Ukraine pourrait retarder une fois de plus l’immigration des Syriens.
On garde espoir. C’est très long, et ici, on est dans notre confort. On se met à leur place, comment c’est dur, et on se sent impuissant
, avoue-t-elle.

Claire Lamarre est porte-parole du comité de parrainage Syrie-Matanie, fondé en 2016.
Photo : Radio-Canada / Jean-François Deschênes
Ottawa compte investir 117 millions de dollars supplémentaires pour accélérer le traitement des demandes des réfugiés ukrainiens.
Mme Lamarre ne peut qu’applaudir à cette initiative d’Ottawa en espérant que le gouvernement canadien n’oubliera pas les dossiers des familles syriennes qui attendent depuis de longues années.
La guerre en Ukraine commence maintenant, mais en Syrie, ça fait longtemps. Beaucoup de monde est parti, c’est très dur pour tout le monde.
Au moment d’écrire ces lignes, le ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada n’avait pas répondu à la demande de Radio-Canada en ce qui concerne la priorité des dossiers d’immigration de familles syriennes dans le contexte de l’assaut russe en Ukraine.
La Ville de Rimouski, l’organisme Accueil et intégration Bas-Saint-Laurent (AIBSL) et la Table de concertation immigration Bas-Saint-Laurent tiendront une conférence de presse lundi sur la possibilité d’accueillir des réfugiés ukrainiens. Les démarches seront longues, selon nos informations, avant qu’un premier réfugié ukrainien puisse fouler le sol rimouskois.
D’après un reportage de Jean-François Deschênes