Interprète : la parole au bout des doigts
Joany Gauvin est la seule interprète en langue des signes québécoise à temps plein du Service régional d’interprétariat de l’Abitibi-Témiscamingue. Découvrez son métier.

Joany Gauvin accompagne des personnes sourdes et malentendantes dans différentes sphères de leur vie.
Photo : Radio-Canada / Jessica Gélinas
Le masque a joué un grand rôle au cours des deux dernières années pour limiter les risques de transmettre la COVID-19. Il a toutefois représenté un obstacle pour les personnes sourdes et malentendantes qui doivent lire sur les lèvres.
Les masques, quand c’est arrivé, pendant la pandémie, ça a été une grosse confusion pour les personnes sourdes
, décrit Joany Gauvin.
Il y a des personnes sourdes qui ont des difficultés à lire et à écrire parce qu’à l’époque, avec l’éducation, certains disaient : "Ils sont sourds, ils sont stupides. On ne les éduque pas." Il y a encore des répercussions aujourd’hui
, précise-t-elle.
Même si le port du masque ne sera bientôt plus obligatoire dans les lieux publics, Joany Gauvin ne devrait pas manquer de travail.
Interprète au quotidien
Joany Gauvin peut accompagner les personnes sourdes et malentendantes à l'école, au travail ou lors de rendez-vous personnels par exemple.
Avec ses lèvres, elle reproduit les mots entendus. Elle utilise la langue des signes québécoise et sa voix pour passer de la personne sourde à la personne entendante.
Avant d'accompagner une personne, l'interprète tente d’avoir le plus d'informations possible sur le sujet qui sera abordé pour pouvoir se préparer.
Pour des cours, je demande des PowerPoint, des livres à lire. C’est beaucoup de préparation. Pour des sujets plus complexes, je vais aller faire mes recherches sur Internet. Aller chercher la définition en français pour les mots que je ne suis pas certaine et essayer de trouver des équivalents en langue des signes. Même si je la maîtrise, je ne la maîtrise pas au complet, comme je ne maîtrise pas le français au complet.
La langue des signes québécoise
C’est une langue complexe. Il y a des signes, des mots, des thématiques spéciales comme des choses scientifiques ou médicales. Je ne les connais pas s’il y en a. Je dois essayer de trouver ces signes-là avant le contrat
, explique-t-elle.
Quand c’est une rencontre un à un, c’est plus calme, mais si c’est un cours d’université, une conférence, là je ne peux pas me reprendre, explique l'interprète. Je ne peux pas arrêter tout le monde et dire : "Excuse-moi, je n’ai pas bien compris”. Il faut y aller. C’est une pression de plus.
Répéter les gestes d’un concept qu’elle ne connaît pas est plus difficile pour elle aussi.
C’est une langue qui est belle, qui est riche, qui communique plusieurs choses différentes. [...] Si la personne est fâchée, je dois interpréter fâchée, si elle est triste, je dois interpréter triste. J’ai besoin de me coller à la personne qui parle.
La préparation physique est aussi un élément important dans son travail. Elle doit accentuer le contraste entre sa peau et ses vêtements. Certains clients préfèrent qu’elle porte du rouge à lèvres pour mieux voir les mouvements de sa bouche.
D’autres voient mieux ses mains lorsqu’elle applique du vernis à ongles. Les bijoux peuvent aussi devenir un obstacle à la compréhension.
« Dans ma vie personnelle, les préjugés que j’ai eus, c’est sur le marché du travail. "Tu es sourde, handicapée, tu ne peux pas travailler.” »
Puisqu’elle parle très bien, certains ont tendance à oublier ou à croire que Mélissa Trudel-Martel a une surdité. Je suis une exception à la règle
, dit-elle.
La commis de bureau depuis près de 10 ans à la Ressource pour personnes handicapées avoue que ça n’a pas été facile à ses débuts sur le marché du travail.
J’ai une surdité profonde à très profonde, indique Mélissa Trudel-Martel. Je porte deux appareils auditifs quotidiennement.
Il faut que je prenne la peine d’expliquer. Oui j’ai une surdité. Oui j’ai besoin d’une interprète. C’est plus facile pour moi de comprendre, pour bien répondre à vos questions. C’est juste de prendre le temps d’expliquer ma situation, mais oui il y a des personnes sourdes qui parlent
, décrit Mélissa Trudel-Martel.
Il y a beaucoup de personnes malheureusement qui ne savent pas qu’on a des services en Abitibi et il y a beaucoup de personnes qui se débrouillent seules, qui sont très autonomes et pour qui ce serait facilitant d’avoir un interprète
, souligne Joany Gauvin.
Le service est gratuit pour une personne sourde ou malentendante qui fait une demande pour une interprète. Il y a certaines choses qui peuvent être à payer, mais ce sera plus par les entreprises
, ajoute l'interprète.