Une pétition pour renommer l’Hôpital de l’Enfant-Jésus, à Québec
L'instigateur souhaite que l'établissement soit renommé en l’honneur d'Irma LeVasseur, la première femme médecin canadienne-française.

Irma LeVasseur, la première femme médecin canadienne-française (archives)
Photo : Bibliothèque et archives nationales du Québec
Des voix s’élèvent pour que l’Hôpital de l’Enfant-Jésus devienne l'Hôpital Irma-LeVasseur, en l’honneur de la cofondatrice de l’établissement de santé. Une pétition en ligne a déjà récolté plus d’un millier de signatures.
Lancée par le citoyen Jacques Roberge il y a quelques semaines, la pétition est accessible sur le site change.org sous le titre Changement nom hôpital de l'Enfant-Jésus pour Irma LeVasseur
.
L'homme n'a pris connaissance de l'existence de la femme il n'y a que quelques semaines. Il n'arrivait pas à imaginer le peu de place accordée à la femme dans l'histoire, alors qu'elle a ouvert la voie à plusieurs femmes médecins au Québec, dont sa propre fille.
« [C'était] une femme avant-gardiste, une femme fonceuse, une femme extraordinaire qui est vraiment tombée dans l'oubli depuis ce temps-là. »
La pétition qu'il a lancée demande donc que le CHU
de Québec profite de la construction du mégahôpital de l’Enfant-Jésus pour rebaptiser l’édifice en l’honneur de celle qui a été pionnière dans l’exercice de la médecine chez les femmes.Il est des destins inexplicables. Celui de la Dre Irma LeVasseur étonne encore. Comment, de son vivant, a-t-on pu passer à côté d’une pareille femme? Comment pouvons-nous aujourd’hui ignorer sa contribution?
peut-on lire sur la page de la pétition.
En début d'après-midi mercredi, la pétition avait récolté plus de 1800 signatures.
À écouter :
Qui est Irma LeVasseur?
Irma LeVasseur est née à la fin des années 1870 dans le quartier Saint-Roch, à Québec. Refusée dans les facultés de médecine francophones, elle a dû s’exiler aux États-Unis pour faire ses études, à l'Université Saint-Paul, au Minnesota.
Elle n'avait même pas le droit de faire ces études-là parce que l'on considérait que le cerveau de la femme n'était pas instrumenté pour faire de telles études
, explique en entrevue à l’émission Première heure l’auteure Pauline Gill, qui a écrit une trilogie de romans historiques sur la Dre LeVasseur.
Même après l’obtention de son diplôme, elle n’a pas pu revenir exercer la médecine au Québec avant plusieurs années, et a dû s’établir temporairement à New York.
Le Collège des médecins, avant de lui octroyer un permis d'exercice exige d'elle certains cours d'appoint en médecine. Elle s'adresse à l'Université Laval pour s'inscrire à ces cours-là, mais l'Université Laval refuse
, explique l'historienne Lucie Desrochers. La femme a dû s'adresser à l'Assemblée législative pour finalement obtenir une dérogation lui permettant d'obtenir son permis du Collège sans avoir à suivre les cours.
Ayant de la difficulté à se faire respecter par plusieurs de ses collègues, sa carrière au Québec a été parsemée d’embûches. Elle a dû faire sa place de façon très pénible et avoir l'appui d'au moins un ou deux médecins masculins pour pouvoir commencer à pratiquer même si elle était beaucoup plus formée et spécialisée que ses collègues médecins
, ajoute Pauline Gill.
Elle est la première médecin canadienne-française à pouvoir exercer au Québec. Irma LeVasseur était spécialisée en pédiatrie. Elle a non seulement contribué à la fondation de l'Hôpital de l’Enfant-Jésus, mais aussi du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, à Montréal, et de l'école Cardinal-Villeneuve, un établissement spécialisé pour les enfants handicapés.
Les femmes et la toponymie
Lucie Desrochers trouve excellente l'idée de renommer l'hôpital en l'honneur d'Irma LeVasseur. Les femmes sont encore trop souvent oubliées dans notre histoire. Elles sont oubliées dans la toponymie, notamment. Il y a des progrès qui ont été faits bien entendu sous la pression du mouvement des femmes. Mais ce n'est pas suffisant, il faut continuer ce mouvement-là
, estime-t-elle.
C'est d'ailleurs l'inégalité de reconnaissance de l'apport des hommes et des femmes dans l'histoire qui motive Jacques Roberge. L'édifice de la Caisse de dépôt et placement du Québecb qui est devenu l'édifice Jacques-Parizeau, ça s'est fait presque instantanément après la mort de Jacques Parizeau. 60 ans après la mort d'Irma LeVasseur, il n'y a toujours presque rien à son nom
, déplore-t-il.
La réflexion du CHU
Le souhait de Jacques Roberge pourrait se voir réalisé, puisque le CHU
de Québec-Université Laval n'est pas fermé à l'idée d'offrir une reconnaissance particulière à la Dre LeVasseur. Une réflexion est d'ailleurs en cours concernant la dénomination des bâtiments du CHU , y compris le futur nouveau complexe hospitalier.Le CHU de Québec-Université Laval, c'est une organisation qui a à coeur de faire la reconnaissance de son patrimoine, de son histoire
, affirme le porte-parole Jean-Thomas Grantham.
Le plus grand amphithéâtre de l'Hôpital de l'Enfant-Jésus porte déjà le nom de la docteure. Une place lui a également été dédiée sur le terrain du CHSLD
de Limoilou, situé en face de l'hôpital.Avec la collaboration d'Erik Chouinard, de Claude Bernatchez et de Raphaël Beaumont-Drouin