Tollé contre la programmation du Festi-Plage de Cap-d’Espoir

Une des têtes d'affiche du festival, Émile Bilodeau, a décidé de ne pas participer à l'événement (archives).
Photo : Steven Melançon
Une quinzaine d'artistes se partageront la scène du Festi-Plage du 27 au 30 juillet. La programmation entièrement masculine du festival suscite toutefois énormément de réactions sur les réseaux sociaux. Le chanteur Émile Bilodeau a décidé de se retirer en soutien aux musiciennes.
Sur la page Facebook de l’événement, des internautes des quatre coins du Québec ont exprimé leur mécontentement.
Le président du Festi-Plage de Cap-d'Espoir, Ghislain Pitre, explique que c’est un hasard et que ce n’était pas voulu.
Il admet par contre qu’il ne tient pas compte de la parité homme-femme lorsqu’il conçoit sa programmation. On ne rentre pas la contrainte femme-homme dans notre programmation, ça ne nous était jamais venu à l’idée. Ça fait 15 ans qu’on organise le festival, et jamais, au grand jamais on n'a tenu compte de ça
, soutient-il.
Le président du festival justifie son choix de programmation par l’impératif de plaire au plus grand nombre. On est à Cap-d'Espoir, on n’est pas à Trois-Rivières ou à Québec, le bassin de population n'est pas grand et il faut plaire à tout le monde, il faut avoir un artiste qui est grand public
, fait valoir Ghislain Pitre.
Selon lui, peu d’artistes au Québec ont la capacité d’attirer de grande foule. On veut avoir 5000 personnes sur la plage, dit-il. Ça nous prend des artistes qui peuvent amener du monde. Au Québec, je dirais que nos têtes d'affiche qui peuvent faire un gros vendredi, un gros samedi et un gros jeudi.
Le président du festival avance aussi que la distance entre Cap-d’Espoir et les grands centres décourage certains artistes de venir jouer en Gaspésie, ce qui complique les choix de programmation. Les artistes qui viennent de Montréal ont 12 heures à se taper [sic]. On est en juillet, c'est une grosse période de festival, donc ils ne veulent pas perdre de journée
, souligne Ghislain Pitre.
Le Festi-Plage de Cap-d’Espoir prévoit engager des dépenses d'environ 650 000 $ cette année. Il ajoute que lui et son équipe travaillent bénévolement pour le festival et qu’ils font de leur mieux.
Un malaise
Sur la page Facebook du festival, les commentaires oscillent entre le blâme, la critique et l'enthousiasme envers les artistes choisis.
L’auteur-compositeur-interprète Émile Bilodeau a annoncé qu'il n'y serait pas et a expliqué que, si son équipe avait su que la programmation était entièrement masculine, il n’aurait pas accepté de participer au festival.
Le chanteur a publié sa décision sur Instagram et n'a pas voulu accorder d'entrevue pour la commenter.
Selon Ghislain Pitre, le festival serait toujours en pourparlers avec Émile Bilodeau et son agence pour trouver une solution. Ghislain Pitre mentionne avoir déjà communiqué avec certaines figures de sa programmation pour leur demander d'inviter des artistes féminines.
De son côté, le rappeur Koriass indique en avoir parlé avec Émile Bilodeau, et être vraiment triste et déçu de la situation.
Le festival n’est pas le seul dans la région à présenter une programmation sans aucune vedette féminine. C’est le cas de la programmation du festival de Petit-Cap.
Dans la programmation passée de plusieurs festivals de la région, la présence masculine domine nettement. C'est le cas aussi de festivals plus prestigieux.
Une amélioration
On espère que ce ne sont que des exceptions parmi la règle
, indique Vanessa Blais-Tremblay en commentant la programmation du Festi-Plage en entrevue à l’émission Bon pied, bonne heure.
La directrice scientifique auprès du réseau Différences et inégalités de genre (DIG) dans la musique au Québec, estime que les femmes et les artistes de la diversité sont tout de même de plus en plus présents sur la scène, mais aussi dans l’organisation et la production.
Il y a presque cinq ans, en juin 2017, le collectif Femmes en musique publiait une lettre ouverte signée par 135 femmes du monde musical pour dénoncer le peu de femmes sur la scène des festivals.
La situation s’est améliorée dans les années suivantes, note Mme Blais-Tremblay. Son réseau, souligne-t-elle, a justement été lancé pour promouvoir la place des femmes sur la scène musicale québécoise.
Elle rapporte qu'il existe maintenant plusieurs autres plateformes et répertoires en ligne afin de faire la promotion des artistes féminines. On n’est pas à la même place qu’on était en 2017 sur le plan des outils pour favoriser une représentativité plus diversifiée sur les scènes.
Un exemple
Elle croit que les festivals devraient être plus conscients du rôle qu’ils peuvent jouer pour créer une plus grande familiarité entre le public et les différents genres de musique. Si on ne présente pas une plus grande pluralité de musique et de parcours, c’est clair que les gens n’en redemanderont pas
, dit-elle.
Myriam-Sophie Deslauriers, cofondatrice du festival Bleubleu de Carleton-sur-Mer et directrice de la programmation, n’en pense pas moins.
Outre la musique, l’exemple de femmes sur scène peut aussi servir d’inspiration, ajoute-t-elle. C’est par l'exemple qu’une petite fille va regarder une fille sur un stage et qui va dire : "Moi aussi, je peux être une chanteuse rock ou une chanteuse folk, une musicienne, une technicienne". C’est super inconscient.
Elle avoue que la parité et la diversité sont au cœur de la programmation de son festival.
« C'est une question de soucis, c’est une question de choix, c’est une question de valeurs. »
Elle admet que la préoccupation doit être là dès le début. Il faut creuser un peu plus, c’est sûr.
Bleubleu alterne entre les spectacles grand public et émergents. Visiblement, le festival connaît un beau succès et les gens sont contents de la programmation, note la cofondatrice de l’événement.
La direction du Festi-Plage entend publier un communiqué mercredi pour faire le point sur la situation.
Avec les informations de Sophie Martin et de Marie-Claude Tremblay