Envoyé spécial
Allégations de crimes de guerre et réfugiés traumatisés en Ukraine
Des réfugiés à Lviv, en Ukraine.
Photo : Radio-Canada / Philippe Leblanc
La crise humanitaire prend de l’ampleur chaque jour en Ukraine. Plus de 1,7 million d’Ukrainiens ont fui leur pays. C’est du jamais-vu en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Au même moment, les allégations de crimes de guerre contre l’armée russe sont de plus en plus nombreuses.
Dans la foule dense essayant d'accéder à la gare de Lviv pour quitter le pays, ils sont quatre. Grelottant et exténués. Alina, son fils Daniel, sa maman Nadiia et leur chien Volt sont venus d’Irpin, près de Kiev.
Nous avons fait une partie du trajet en voiture avant de tomber en panne, explique Alina. Nous avons dû nous cacher dans un stationnement souterrain sans lumière ni électricité pendant quelque temps.
La matriarche Nadiia ne peut oublier les victimes des bombardements, les corps qui jonchaient une partie de la route en sortant d’Irpin.
Ils ont lancé des roquettes sur la route, dit Nadiia, traumatisée. On m’a dit que des amis d’un de mes proches parents sont morts dans le bombardement d’une route empruntée par des civils en fuite.
Un peu plus loin dans la file, une autre famille grelotte. Olga, son fils de 17 ans Maxime et leur chat Chip qui miaule d’effroi, caché dans un sac à dos que serre dans ses bras l’adolescent.
Après une journée de déplacement, ils arrivent de Kharkiv, ville encerclée où les bombardements sont incessants.
Nous étions réfugiés dans un sous-sol avec des amis pendant 10 jours, sans manger ni boire, explique Olga. Des enfants de gens que nous connaissons sont nés dans de telles conditions.
Les bombardements s’intensifient en Ukraine. La crise humanitaire prend de l’ampleur. Quelque 200 000 Ukrainiens quittent leur pays chaque jour, comme ces deux familles espèrent pouvoir le faire.
Enquêter sur des allégations de crimes de guerre
Dans un appartement de Lviv, l’odeur du café extrafort embaume l’air. Une petite équipe est engagée dans une furieuse chasse aux preuves. Richard Weir et quatre collègues de Human Rights Watch enquêtent sur les allégations de crimes de guerre.
Ils se penchent notamment sur les attaques d’Irpin en fin de semaine et l'utilisation de bombes à dispersion et à sous-munitions dans quelques villes, des armes bannies. Ils fouillent aussi des cas où les soldats russes auraient sciemment tiré sur des civils ukrainiens.
Nous visitons nous-mêmes les lieux quand c’est possible
, explique Richard Weir qui travaillait de Kiev jusqu’à jeudi dernier. En ce moment, nous nous contentons de faire des entrevues avec des témoins et de scruter des photos et des vidéos.
Ils accumulent les preuves afin de déposer des plaintes pour violation des droits humanitaires et des droits de la personne. Mais il est rare que justice soit faite rapidement.
Il ne faut pas perdre espoir, ajoute Richard Weir. Ça peut prendre du temps. Le premier procès pour exactions commises par le régime de Bachar Al-Assad en Syrie a commencé en janvier cette année.
Cadeau inespéré, Alina et sa tribu, eux, ont trouvé un bon samaritain avec une voiture. Il ne parle qu’anglais et il essaie de convaincre des gens en file qu’il n’est pas un arnaqueur.
Alina voit l’affiche de l’organisation humanitaire sur sa voiture et lui fait confiance. Ils s’entassent avec les valises et le chien dans la voiture. Personne n’a de place pour bouger, mais c’est le bonheur. La voiture file vers l’espoir. Alina et les siens savent qu’ils dormiront en sécurité ce soir, en Pologne.