Ottawa annonce d’autres sanctions contre la Russie et des livraisons d’armes à l’Ukraine

La vice-première ministre Chrystia Freeland lors de son point de presse, le jeudi 3 mars 2022.
Photo : Radio-Canada / Sean Kilpatrick
Ottawa durcit le ton contre Moscou en annonçant des tarifs de 35 % sur les exportations de la Russie et du Bélarus ainsi que la livraison de milliers de lance-roquettes et de grenades aux forces ukrainiennes. Une procédure accélérée d'accueil des réfugiés ukrainiens au Canada est aussi lancée.
Alors que les forces russes poursuivent leur progression en Ukraine en dépit de la résistance acharnée des militaires et de la population, la vice-première ministre Chrystia Freeland a annoncé jeudi l'imposition par son gouvernement de droits tarifaires de 35 % sur tous les produits exportés au Canada par la Russie et le Bélarus.
Le président Poutine, ses complices […] et l’économie russe paient le prix de cette grave erreur historique. Nous ne pouvons pas lui permettre de réussir et nous ne le ferons pas.
La Russie et la Biélorussie ne bénéficieront plus des avantages, en particulier des tarifs douaniers bas, que le Canada offre aux autres pays membres de l'Organisation mondiale du commerce
, a expliqué Mme Freeland en compagnie de la ministre de la Défense, Anita Anand, et du ministre de l'Immigration, Sean Fraser.
Seule la Corée du Nord était jusqu'ici soumise à de tels tarifs sur ses exportations au Canada, a précisé la ministre Freeland.
Ottawa est le premier gouvernement à révoquer le statut de nation favorisée
à la Russie et au Bélarus en tant que partenaire commercial du Canada.
Depuis mercredi, une dizaine de PDG des géants pétroliers russes Rosneft et Gazprom sont aussi visés par un nouveau train de sanctions canadiennes. En tout, plus de 1000 personnes, entités et entreprises liées à la Russie font l'objet de sanctions canadiennes depuis l'annexion de la Crimée, en 2014, affirme Chrystia Freeland.
Les membres de l’élite financière russe peuvent croire que leurs liens étroits avec les conseils d’administration et les yacht-clubs d’Occident les protégeront, mais ils ont tort
, a-t-elle déclaré.
Nouvelles livraisons d'armes aux Ukrainiens
Étant donné les conditions tragiques dans lesquelles les Ukrainiens doivent affronter seuls la puissante offensive de Moscou, la ministre de la Défense, Anita Anand, a pour sa part annoncé la livraison prochaine de 4500 lance-roquettes M-72 (une arme antichar légère) ainsi que de 7500 grenades aux forces ukrainiennes.
La ministre a aussi confirmé l'octroi d'un million de dollars supplémentaires à l'Ukraine pour l'achat d'équipement d'imagerie satellitaire à haute résolution afin de permettre aux forces ukrainiennes de mieux observer le déplacement des troupes russes.
Depuis dimanche, le Canada a aussi annoncé qu’il fournirait :
- environ 1600 vestes pare-balles et 390 000 paquets de repas individuels – d’une valeur combinée d’environ 10 M$;
- 100 systèmes d'armes antichars Carl Gustaf et 2000 roquettes puisés dans les stocks actuels des Forces armées canadiennes (la valeur approximative de ce don est de 12 M$);
- ainsi qu'une aide non létale de 25 millions de dollars.
L’équipement militaire supplémentaire annoncé cette semaine sera transporté dès que possible par avion du Canada vers un pays allié voisin, d’où la livraison finale à l’Ukraine sera coordonnée
, assure le ministère de la Défense dans son communiqué du jour.
Déjà, deux avions de transport tactique C‑130J Hercules ont quitté le Canada pour l'Europe de l'Est, lundi et mercredi, afin d'acheminer de l'aide à l'Ukraine et soutenir l’OTAN de manière plus générale.
Dans les semaines ayant précédé le début de la guerre en Ukraine, Ottawa avait déjà promis à Kiev 10 M$ en équipement militaire, dont 7,8 M$ d'armes létales. Selon nos calculs, ce sont donc 57 M$ en équipement militaire qui ont été fournis par le Canada à l'Ukraine dans les dernières semaines.

La vice-première ministre et ministre des Finances, Chrystia Freeland (gauche), et la ministre de la Défense nationale, Anita Anand (droite).
Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick
Le ministre Fraser a pour sa part annoncé que le gouvernement Trudeau mettrait en place deux initiatives pour faciliter l'accueil au Canada de réfugiés ukrainiens qui fuient l'offensive russe dans leur pays.
Trudeau refuse toujours d'expulser l'ambassadeur russe
Le premier ministre Justin Trudeau n'a pas participé à l'annonce de jeudi matin ni à la période des questions à la Chambre des communes, en après-midi.
En marge d'un point de presse économique, il a toutefois expliqué à quel point il pouvait être délicat, pour son gouvernement, d'expulser l'ambassadeur russe au Canada, comme le demande l'opposition officielle.
Répondant à la question d'un journaliste sur le sujet, le premier ministre a évoqué la possibilité que Moscou lui retourne la pareille, ce qui pourrait selon lui se révéler désavantageux pour les intérêts canadiens.
Nous devons équilibrer cela [par rapport à] l'impact positif qu'il peut y avoir, que des diplomates canadiens à Moscou peuvent avoir [pour] comprendre ce qui se passe avec la population russe, [pour] soutenir les gens sur le terrain et aider les Canadiens qui pourraient se retrouver pris en Russie en ce moment
, a-t-il déclaré.

Le premier ministre Trudeau a procédé jeudi matin à une annonce à saveur économique à Ottawa.
Photo : La Presse canadienne / Justin Tang
M. Trudeau a également annoncé en marge de ce point de presse que son gouvernement réclame maintenant la suspension de la Russie d'Interpol, l'organisation internationale de police criminelle.
La coopération internationale en matière d'application de la loi dépend d'un engagement collectif envers la Déclaration universelle des droits de l'homme et du respect mutuel entre les membres d'Interpol
, a-t-il expliqué.
M. Trudeau a ajouté que d'autres États avaient également exigé le retrait de Moscou de l'organisation, qui compte 195 pays membres. Il n'a toutefois pas précisé lesquels.
Levée de boucliers au Conseil de l’Arctique
Enfin, les gouvernements du Canada, du Danemark, des États-Unis, de la Finlande, de l’Islande, de la Norvège et de la Suède ont fait savoir jeudi qu’ils suspendent temporairement
leur participation aux réunions du Conseil de l’Arctique qui est actuellement présidé par la Russie.
Le Conseil de l’Arctique, qui réunit les pays dont les frontières jouxtent le cercle polaire, est un lieu de coopération et de dialogue important pour la gestion des relations géographiques et stratégiques dans cette partie du globe de plus en plus convoitée.
Selon un communiqué d’Affaires mondiales Canada, l’invasion de l’Ukraine par la Russie soulève de graves obstacles à la coopération internationale, y compris dans l’Arctique
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Avec les informations de La Presse canadienne