L’UE ne va pas débrancher toutes les banques russes de SWIFT
La guerre en Ukraine et les craintes pour l'approvisionnement en matières premières continuent de propulser les cours du pétrole vers des sommets inégalés depuis près d'une décennie.

Les quartiers généraux de la filiale européenne de la banque publique russe Sberbank, à Vienne, en Autriche. La banque russe a annoncé mercredi qu'elle quittait le marché européen.
Photo : Getty Images / AFP/ROLAND SCHLAGER
L'Union européenne (UE) va débrancher sept banques russes du système financier international SWIFT, mais deux importantes institutions financières étroitement liées aux secteurs du gaz et du pétrole en seront finalement épargnées.
Le Journal officiel de l’UE publié mercredi spécifie que les banques VTB, Bank Otkritie, Novikombank, Promsvyazbank, Rossiya Bank, Sovcombank et VEB seront exclues du système dès le 12 mars en représailles à l’invasion russe de l’Ukraine.
La sanction ne vise cependant ni Sberbank, première banque du pays, ni Gazprombank, bras financier du géant des hydrocarbures, par lesquelles transitent la majeure partie des paiements pour les livraisons de gaz et pétrole russes à l'UE.
Un responsable européen a fait valoir que les banques visées, choisies en étroite coopération
avec Londres et Washington, sont les premières concernées par le financement de l'effort de guerre
de Moscou.
L'Allemagne et l'Italie s'étaient alarmées ces derniers jours de ne plus pouvoir payer leurs approvisionnements de gaz russe, dont ils sont très dépendants, en cas de blocage de l'accès à SWIFT des banques russes responsable de ces transactions.
Nous ne sommes pas allés jusqu’à un bannissement général de tout le système bancaire
, a convenu le responsable européen. Il s’est avéré impossible de distinguer dans le système SWIFT les ordres de paiement concernant les hydrocarbures et les autres
, a-t-il justifié.
La Pologne, très active dans son soutien à Kiev, avait plaidé pour qu'un plus grand nombre de banques russes soient visées par les sanctions, selon des sources diplomatiques. 300 banques et institutions russes utilisent les services de SWIFT.
Le système SWIFT est une plateforme de messagerie sécurisée qui permet des opérations comme le transit des ordres de paiement ou de transferts de fonds entre banques. En exclure des banques est considéré comme une arme atomique financière.
SWIFT compte environ 11 000 membres et n'a pas de véritable concurrent dans le monde. La Chine a créé un autre réseau, encore petit à ce stade, disent des responsables européens, et malgré l'existence d'un système russe, baptisé SPFS, SWIFT restait utilisé pour environ 70 % des transactions en Russie même.
Les banques visées par les sanctions pourront continuer des échanges avec des banques étrangères via d'autres moyens, notamment par courriel ou par télécopieur, mais cela est moins rapide, moins sécuritaire et plus coûteux, en particulier pour des montants très importants.
Promsvyazbank, Rossiya Bank et VEB faisaient déjà partie de la liste des personnes et entités russes frappées d'un gel des avoirs dans l'UE dans le premier train de sanctions européennes décidé il y a une semaine, après la reconnaissance des entités séparatistes du Donbass.
Depuis l'annexion de la Crimée par Moscou en 2014, l'UE avait déjà restreint drastiquement l'accès de banques russes – dont Sberbank, VTB, Gazprombank et VEB – aux marchés de capitaux européens.
Au total, environ 80% du système bancaire russe est visé d'une façon ou d'une autre par des sanctions financières de l'UE adoptées jusqu'à aujourd'hui, a assuré le responsable européen. Plusieurs banques publiques russes étant déjà soumises à des sanctions depuis l'annexion de la Crimée.
Les États-Unis, la Grande-Bretagne et le Canada ont aussi annoncé au cours des derniers jours leur décision d'exclure certaines banques russes de SWIFT, sans préciser lesquelles.
Le Journal officiel de l'UE a également entériné mercredi l'interdiction pour les Européens de participer à des projets cofinancés par le fonds souverain russe RDIF et l’interdiction en Europe, avec effet immédiat, des médias russes RT et Sputnik, considérés comme des relais du Kremlin.
À lire également :
Le prix de l'or noir continue de grimper
La guerre en Ukraine et les craintes pour l'approvisionnement en matières premières continuent de propulser les cours du pétrole vers des sommets inégalés depuis près d'une décennie mercredi, tandis que le gaz naturel et l'aluminium atteignaient de nouveaux records.
La flambée des cours de l'or noir est repartie de plus belle après la décision des pays exportateurs de l'OPEP+, menés par l'Arabie saoudite et la Russie, de ne pas augmenter plus que prévu leur production, malgré l'ascension des cours, qui attise une inflation galopante.
Le WTI américain cotait à 110,95 $US (141 $CA) en hausse de 7,29 % vers 9 h 20 après avoir grimpé jusqu'à 112,51 $US (143 $CA), un record depuis 2013. Le Brent de la mer du Nord gagnait 6,50 % après avoir atteint 113,94 $US (144,80 $CA), un plus haut depuis 2014.
Le gaz naturel était lui aussi entraîné à la hausse, le TTF néerlandais s'envolant de 36.27 % à 168,77 euros (240 $CA) le mégawattheure (MWh), après avoir touché 194,715 euros (275 $CA), un sommet historique. Le gaz britannique tutoyait pour sa part son record historique de décembre dernier.
La Russie est le deuxième plus grand exportateur de pétrole brut au monde et représente plus de 40 % des importations annuelles de gaz naturel de l'Union européenne.
« La guerre en Ukraine entraîne une forte réduction des exportations énergétiques de la Russie, même si celles-ci sont exemptées de sanctions. Les transporteurs s'abstiennent de prendre des cargaisons d'énergie russe par crainte d'éventuelles sanctions et des risques qu'ils encourent quant à leur réputation. »
Le risque est désormais que l'Occident subisse une pression croissante pour sanctionner les exportations russes de pétrole et de gaz
, estime Neil Wilson, analyste chez Markets.com, de quoi encore galvaniser les cours de l'énergie.
Le conflit russo-ukrainien intervient au moment où les prix du brut étaient déjà en train de grimper fortement en raison de l'insuffisance de l'offre et d'une forte reprise de la demande dans le monde provoquée par la levée, dans de nombreux pays, des restrictions sanitaires imposées pour lutter contre la pandémie.
L'annonce mardi par l'Agence internationale de l'énergie de la mise sur le marché de 60 millions de barils tirés des réserves de ses pays membres – dont la moitié débloqués par les États-Unis – n'a en rien calmé les cours.
À moins d'un apaisement géopolitique [...] nous pourrions voir une poursuite de cette tendance
avec des effets domino sur la plupart des types d'actifs et sur les prix à la consommation
, avertit Walid Koudmani, de XTB.
Bond du prix des métaux
Les métaux industriels étaient déjà entraînés dans la course folle, les ruptures d'approvisionnement en provenance de Russie étant de plus en plus probables
, souligne Daniel Briesemann, de Commerzbank.
Le géant danois du transport maritime Maersk a annoncé mardi la suspension des nouvelles commandes en provenance et à destination des ports russes, hors denrées alimentaires, médicales et humanitaires, du fait des sanctions internationales.
Si d'autres compagnies maritimes suivent cet exemple, il deviendra sans doute de plus en plus difficile d'exporter des matériaux depuis la Russie
, poursuit l'analyste.
Le LME Index, indice qui intègre les prix de l'aluminium, du cuivre, du plomb, du nickel, de l'étain et du zinc échangés sur le marché des métaux London Metal Exchange, avait également atteint mardi un sommet historique, témoignant de la flambée générale des cours des métaux industriels.
Un mouvement particulièrement marqué pour l'aluminium et le nickel, qui dépendent fortement des exportations russes.
La tonne d'aluminium a atteint mercredi 3580 $US (4550 $CA) sur le marché londonien des métaux de base (London Metal Exchange, LME), un nouveau sommet historique, quand le nickel a battu un nouveau record depuis 2011 à 26 505 $US (33 680 $CA) la tonne.
En 2021, la Russie était le troisième producteur d'aluminium au monde après la Chine et l'Inde, selon les données du World Bureau of Metal Statistics, et exporte une grande partie de sa production vers la Turquie, le Japon, la Chine, les États-Unis et l'Union européenne.