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Le programme d’électrification fait bondir de 74 % la vente d’autobus thermiques

Les transporteurs scolaires font le plein d’autobus au diesel, au propane et à l'essence, alors que Québec vient d’imposer l’achat de véhicules électriques.

Un panneau arrêt sur le côté d'un autobus.

L’électrification du transport scolaire représente un secteur clé, selon le gouvernement du Québec, pour réduire les émissions de GES.

Photo : Radio-Canada / Martin Chabot

À St-Léonard-d’Aston, au Centre-du-Québec, les autobus du Groupe Guévin, une entreprise familiale de transport scolaire, font partie du décor de la rue Principale depuis 1956.

Après leurs grands-parents et leurs parents, ce sont maintenant deux cousins, Félix Guévin et Alexandre Lemire, qui en sont propriétaires. Deux millénariaux bien au fait des enjeux climatiques.

Et pourtant, l'entreprise a acheté, il y a peu, 22 autobus au propane pour garnir leur flotte, qui compte désormais 80 véhicules.

C'est que depuis le 1er novembre dernier, Québec exige que chaque nouvel autobus scolaire acheté soit électrique (Nouvelle fenêtre). Et si Félix Guévin assure être pour l'électrique, il juge qu'il est encore trop tôt pour amorcer ce virage nécessaire.

Félix Guévin devant un autobus dans le garage de son entreprise.

Félix Guévin, copropriétaire du Groupe Guévin de St-Léonard-d'Aston, au Centre-du-Québec.

Photo : Radio-Canada / Martin Chabot

L’entrepreneur estime que l’autonomie de l’autobus électrique n’est pas suffisante, spécialement en région, où les trajets sont longs et où les conducteurs gardent les autobus chez eux, sans borne de recharge. Il redoute de se retrouver en situation de rupture de services.

On ne voulait pas acheter de l’électrique tout de suite, car on trouvait que le marché n’était pas prêt, résume-t-il.

Dans ce contexte, il n’était pas prêt à payer plus cher pour acquérir un autobus électrique.

Un autobus électrique coûte 300 000 $.

Le gouvernement verse une subvention de 150 000 $ au fabricant la première année du programme, qui se termine le 31 mars 2022. L’aide financière s’élève à 125 000 $ l’année suivante et à 100 000 $ pour la troisième année.

Un autobus au propane coûte environ 120 000 $.

Le choix fait par le Groupe Guévin est loin d’être unique. C’est pas mal généralisé, admet Luc Lafrance, PDG de la Fédération des transporteurs par autobus. Même son de cloche chez Girardin, qui fabrique et vend des autobus (Nouvelle fenêtre).

Il y a eu un boom à travers le Québec pour tous les vendeurs d’autobus scolaires. La clientèle a réagi, témoigne Michel Daneault, vice-président, ventes et services, chez Girardin autobus. Il avance qu'il ne s'est en fait jamais vendu autant de véhicules scolaires depuis que les données sont recensées, soit depuis 1980.

Il y a eu un mouvement de panique qui a amené la clientèle à prendre une décision de retarder, se donner le temps d’apprivoiser la technologie [électrique].

Une citation de Michel Daneault, vice-président, ventes et services, Girardin autobus.

Ainsi, bien que 70 autobus scolaires électriques aient été immatriculés en 2021, un record, la majorité des immatriculations concernent des véhicules thermiques.

Il n'est pas sûr que ce soit une bonne nouvelle pour Québec, qui souhaite électrifier 65 % du parc d'autobus scolaire d'ici 2030, afin de réduire ses émissions de GES de 800 000 tonnes

Le produit n’est pas au point

De l’autre côté du fleuve, à Yamachiche, en Mauricie, Marc-André Blanchard, propriétaire d’Autobus Denpell, nous fait monter à bord de son autobus électrique. Un modèle 2020, acheté en 2019. Le seul véhicule électrique sur les dix que compte sa flotte d’autobus.

Regarde comment c’est silencieux. Pour ça, le produit est merveilleux. M. Blanchard est ravi par la conduite. Lui aussi se dit pour la technologie électrique, mais il en reconnaît les limites actuelles.

Je suis un fervent de l’électrique. J’ai des vélos électriques, une auto électrique, je crois en ça énormément. Mais force est d’admettre qu’à force de temps et d’utilisation, le produit n’est pas au point.

Une citation de Marc-André Blanchard, propriétaire d'Autobus Denpell
Marc-André Blanchard devant un autobus électrique branché à une borne de recharge.

En 2021, les autobus scolaires électriques représentaient 4,5 % des nouvelles immatriculations.

Photo : Radio-Canada / Maude Montembeault

C’est que son autobus a été hors service durant plusieurs mois en raison de différents bris.

Je suis rendu facilement à six ou sept mois. Je dois vous avouer que, depuis un an, j’ai arrêté de comptabiliser parce que ça me choquait et ça me décevait.

Le service offert par Lion Electric l’a aussi déçu.

On est ailleurs, ce sont des ordinateurs. Ce n'est pas la même réalité. Pour eux aussi. La technologie va tellement vite. Eux aussi ont de la misère à suivre et former leur personnel, explique-t-il. Et si leur personnel n’est pas bien formé, c’est un peu difficile de bien nous servir comme transporteur.

Patrick Gervais, vice-président marketing et communications chez Lion Electric, estime cependant qu’il s’agit d’un cas isolé. Je pense que c’est un cas unique et que c’est une très mauvaise expérience. Lion Electric dessert des clients à plusieurs endroits au Québec, dont en Abitibi et à Fermont, où ça se passe bien, selon lui.

M. Gervais se désole de la réticence de certains transporteurs. Il ajoute que plus de 300 ingénieurs travaillent à rendre la technologie encore plus performante pour sa clientèle, partout en Amérique.

Marc-André Blanchard ne veut pas acheter d’autres autobus électriques pour le moment, même avec la hausse du prix de l’essence.

L’électrique est une bonne option, le prix n’en vaut pas la chandelle [...] Le véhicule coûte trop cher.

Une citation de Marc-André Blanchard, propriétaire d'Autobus Denpell

Au ministère des Transports, on est bien au fait de cette résistance, confirme l'attachée de presse Claudia Loupret. Nous sommes conscients que cela bouscule quelque peu les habitudes des transporteurs, mais le statu quo n’est plus une option, fait-elle valoir, rappelant que Québec offre un des programmes de subvention les plus généreux en Amérique du Nord, notamment en finançant les infrastructures de recharge jusqu’à 75 %.

Un changement radical

Michel Daneault dans les locaux de l'entreprise drummondvilloise.

Michel Daneault travaille chez Girardin depuis plus de 30 ans.

Photo : Radio-Canada / Maude Montembeault

Pour nous, ça a été quand même un choc, confie Michel Daneault de Girardin. Le virage vert (Nouvelle fenêtre) ne se fait pas sans difficulté pour lui non plus. Il confie qu’un petit nombre de clients a d’ailleurs annulé des commandes de véhicules électriques.

Que ce soit Félix Guévin, Marc-André Blanchard ou leur Fédération, tous jugent radicale la mesure imposée par Québec. Ils voudraient un virage moins rapide.

Ce qu’on aimerait, c’est que la réglementation soit modulée, allégée, de sorte qu’on ait le choix encore d’acheter d’autres autobus, demande Félix Guévin.

Leurs contrats avec les centres de services scolaires, négociés tous les trois ans, fluctuent en fonction de l’indice des prix à la consommation (IPC). Dans le cas du Groupe Guévin, l’indexation était de 0,72 % dans le dernier contrat, précise le propriétaire, qui dessert deux centres de services scolaires.

On nous force à acheter des électriques dont les sommes sont astronomiques. Le prix ne contrebalance pas l’indexation.

Une citation de Félix Guévin, copropriétaire du Groupe Guévin

Les transporteurs négocient actuellement avec le ministère de l’Éducation une façon de revoir les contrats de transport scolaire et les aménagements possibles en matière d’infrastructures.

La Fédération des transporteurs par autobus croit que le ministère de l’Éducation a aussi un rôle à jouer. Donnez-nous le moyen de faire ce virage-là. Aidez-nous au niveau des opérations. Aidez-nous au niveau des installations. Sans quoi, on n’atteindra pas les objectifs en 2030, plaide Luc Lafrance.

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