Les bourses Perspective Québec offertes dans des programmes contingentés
Pourtant, le but du programme est de former plus de diplômés.

Les bourses Perspective Québec continuent de susciter beaucoup de critiques dans la province.
Photo : getty images/istockphoto / seb_ra
Les nouvelles bourses Perspective Québec vont-elles réellement permettre de former plus de diplômés dans des secteurs en pénurie de main-d'œuvre, comme le souhaite le gouvernement Legault? Rien n’est moins sûr, car dans certains domaines qui donnent droit aux bourses, le nombre d’étudiants admis chaque année est plafonné, a constaté Radio-Canada.
C’est le cas, par exemple, des baccalauréats en travail social et en criminologie, ainsi que du doctorat en psychologie, à l’Université Laval, qui sont contingentés à environ 150, 110 et 40 étudiants, respectivement.
C’est aussi le cas de formations dites à capacité d’accueil limitée
, comme les baccalauréats en génie des eaux, en enseignement de l’anglais langue seconde et en design graphique.
Dans ces domaines, des bourses pouvant aller jusqu’à 20 000 $ seront offertes dès l’automne pour augmenter le nombre de personnes qualifiées dans les professions priorisées par le gouvernement
, peut-on lire sur le site web des bourses Perspective Québec.
Pourtant, il ne manque pas d’étudiants intéressés par ces disciplines. C’est plutôt le contraire. À l’École de travail social et de criminologie de l’Université Laval, la directrice Renée Brassard indique que la vaste majorité des applications sont refusées chaque année.
En travail social et criminologie, nos demandes d'admission se situent autour de 600, 700 étudiants [par année] pour une capacité d'environ 110 et 150.
Pas de magie
Autrement dit, même si le gouvernement promet de généreuses bourses aux étudiants, cela améliorera peut-être leur sécurité financière, note Mme Brassard, mais cela ne permettra pas aux universités de recruter plus de candidats comme par magie.
La principale limite pour nos programmes de formations professionnelles [...] c'est les capacités professorales. C’est les ressources humaines
, indique-t-elle.
Si on voulait former davantage, certainement que ça va nécessiter davantage de ressources humaines pour former ces étudiants-là et contribuer à ce qu'il y ait plus d'étudiants qui sortent de nos programmes.

Renée Brassard, directrice de l'École de criminologie et de travail social de l'Université Laval
Photo : Skype / Capture d'écran
Il s’agit d’un nouvel angle mort du programme de bourses Perspective Québec, doté d’une enveloppe de 1,7 milliard de dollars sur quatre ans.
Depuis quelques semaines, plusieurs organisations étudiantes, professionnelles, syndicales et politiques ont dénoncé le programme, le qualifiant notamment de discriminatoire
.
Radio-Canada révélait mardi dernier que les bourses seront offertes, par exemple, aux étudiants de certaines formations collégiales dont le taux de placement est inférieur à celui d’autres formations exclues du programme.
Lente augmentation des cohortes à prévoir
La question du contingentement des programmes n’est pas unique à l’Université Laval. À l’Université de Montréal, par exemple, pas moins de 85 % des candidatures au doctorat en psychologie sont refusées chaque année.
Par courriel, l’Université de Montréal dit ne pas être contre l’augmentation des cohortes
, mais souligne qu’il faudra d’abord s’assurer que la qualité de la formation soit maintenue
Pour ce faire, il doit y avoir suffisamment de places de stage, de personnel de soutien pour accompagner les étudiants et étudiantes et, évidemment, de professeurs
, ajoute l’attachée de presse Julie Cordeau-Gazaille.
L’augmentation des cohortes se fera donc tranquillement.
L’Université Laval confirme aussi par courriel qu’il sera difficile de rehausser la capacité d’accueil en prévision de l’automne prochain
.

Des programmes de l'Université Laval sont exclus des bourses Perspective Québec.
Photo : Radio-Canada / Alexandre DUVAL
Plusieurs facteurs sont en cause. Pour le doctorat en psychologie, par exemple, "l’espace disponible dans les laboratoires ou ateliers spécialisés" vient s’ajouter aux limites du corps professoral, précise le conseiller en relations médias, Jérôme Pelletier.
Ce dernier note cependant que dans les programmes à capacité d’accueil limitée, comme les baccalauréats en enseignement de l’anglais langue seconde et génie des eaux, il reste souvent des places disponibles parmi les cohortes d’étudiants.
Les bourses [Perspective Québec] pourraient donc avoir un effet intéressant sur le nombre d’inscriptions dans ces programmes.
Au moment d’écrire ces lignes, le ministère de l’Enseignement supérieur n’avait pas encore répondu aux questions de Radio-Canada.
Mobilisation
Un des aspects les plus largement dénoncés du programme de bourses Perspective Québec demeure l’exclusion du programme de techniques en travail social, au niveau collégial.
Une manifestation est d’ailleurs prévue vendredi matin, à Longueuil, devant les bureaux du ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant.
Plus tôt cette semaine, la porte-parole du Parti québécois en matière d’enseignement supérieur, Méganne Perry Mélançon, a envoyé une lettre à la ministre Danielle McCann pour l’implorer d’inclure le programme de techniques en travail social.
Plusieurs organisations du réseau de la santé et des services sociaux appuient cette revendication. Une pétition à cet effet a d’ailleurs recueilli plus de 8600 signatures sur le site de l’Assemblée nationale.
Jusqu’à présent, la ministre McCann n’a pas démontré d’ouverture à cette proposition, indiquant que la liste des formations admissibles aux bourses Perspective Québec a été élaborée de concert avec les autres ministères concernés.