Couche-Tard centralise ses unités d’affaires dans l’est du Canada

Alain Bouchard, fondateur et président exécutif du conseil d'administration de Couche-Tard
Photo : La Presse canadienne / Ryan Remiorz
La championne de la décentralisation, Couche-Tard, fusionne ses deux unités d'affaires au Québec et dans les Maritimes, a appris Radio-Canada. La multinationale de Laval explique cette décision par l’existence d’une « grande intégration » entre les deux divisions.
Ce regroupement marque la création de la plus grande unité d’affaires du réseau mondial d’Alimentation Couche-Tard en termes du nombre de magasins, soutient l’entreprise, et nous permettra de faciliter la vie de nos clients d’autant plus avec des offres et promotions alignées.
Les divisions Québec Ouest
et Québec Est et Atlantique
deviennent ainsi l'unité d'affaires Est du Canada
. Elle regroupera 1200 magasins d'entreprise et affiliés dans 5 provinces, principalement sous l'enseigne Couche-Tard et Circle K, et leurs 9000 employés.
Les travailleurs en magasins ne sont pas touchés par ce changement, mais des membres du personnel administratif ont dû être assignés à de nouveaux postes. Très peu
de licenciements auraient eu lieu. L’unité est dirigée de Québec par Pierre Peters.
Les deux unités de l’Ontario et des provinces de l’Ouest demeurent intactes.
Un changement au modèle d’affaires?
La structure de gestion décentralisée
de Couche-Tard est l’une des plus grandes forces
reconnues de l’entreprise, où chaque magasin est exploité comme un centre de profits distincts
pour mieux répondre à la demande locale.
Nous soutenons nos gérants de magasin à l’aide d’une solide équipe de direction chevronnée et des ressources en capital adéquates qui, à notre avis, leur procurent un avantage concurrentiel important
, peut-on lire dans la notice annuelle 2021 au sujet de la décentralisation.
Le professeur de stratégie à la Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval, Yan Cimon, estime que cette fusion pourrait paver la voie vers d'autres gestes d'efficience opérationnelle chez Couche-Tard
, étant donné les faibles marges de profit dans le commerce du détail. Tout gain opérationnel qu'on peut faire, c'est un gain qui va contribuer au succès du modèle d'affaires
, dit-il.
M. Cimon doute, cependant, que Couche-Tard sombre vers une centralisation à outrance parce que, bien évidemment, vous aurez compris que le commerce de proximité est hyper-local et il faut garder ce lien
.
Ça illustre que le modèle de Couche-Tard doit continuer d'évoluer pour rester pertinent dans l'environnement changeant du commerce de détail.
La menace des voitures électriques
Il est difficile de savoir si la quête d’une meilleure efficience opérationnelle par la centralisation d’unités d’affaires deviendra une nouvelle stratégie pour créer de la valeur chez Couche-Tard. Cette décision n'affecte pas le modèle d’affaires décentralisé de l’entreprise
, précise l'entreprise.
À l’heure actuelle, le détaillant compte une quarantaine d'unités d'affaires sur la planète. Au dernier trimestre, les ventes canadiennes représentaient 13 % des revenus de l'entreprise. La fusion des divisions de l’Est du pays doit donc être relativisée.
Il reste que beaucoup s'interrogent sur la façon dont Couche-Tard affrontera le risque, à long terme, que pose l’arrivée des voitures électriques. Non seulement la demande de carburant sera en baisse, mais l’affluence en succursale le sera aussi, par le fait même.
Le gestionnaire de portefeuille chez Medici, Pierre-Olivier Langevin, croit d’abord que la culture d’autonomie
telle que promue par le fondateur Alain Bouchard va demeurer
et que les acquisitions continueront d’être le cheval de bataille de Couche-Tard dans une perspective de croissance.
Si tout le monde achetait des véhicules électriques demain matin parmi les nouveaux véhicules vendus, ça prendrait 12 ans pour tous les changer aux États-Unis
, avance-t-il avant de souligner que la transition sera encore plus longue dans les marchés émergents comme l’Asie.
Les commerces de proximité, même sans carburant, auront également toujours leur place à l'avenir, selon lui. Il cite en exemple l’acquisition par Couche-Tard d’un réseau de simples dépanneurs à Hong Kong pour près de 360 millions de dollars américains en 2020.
On voit aussi que les dirigeants commencent à parler d'incursions dans d'autres types d'entreprises, observe M. Langevin. On a parlé de magasins à un dollar, de restauration.
En janvier 2021, Couche-Tard a tenté sans succès de mettre la main sur le géant de l’alimentation français Carrefour pour plus de 25 milliards de dollars.
Les investisseurs ont pendant un instant perdu confiance dans l’entreprise, mais depuis son titre à la Bourse de Toronto a repris près de 30 % de sa valeur. Sa capitalisation boursière dépasse aujourd’hui les 52 milliards de dollars.
Avec la collaboration de Gérald Fillion