Moscou reconnaît l’indépendance des territoires séparatistes de l’Est ukrainien
Les accords de paix de Minsk n'ont « absolument aucune perspective » d'être mis en œuvre, affirme le maître du Kremlin.

Le président Vladimir Poutine s'est adressé au peuple russe, lundi, à la télévision.
Photo : Reuters / Sputnik / Kremlin / Alexey Nikolsky
Le président russe Vladimir Poutine reconnaît formellement l’indépendance des républiques prorusses autoproclamées de Donetsk et de Louhansk, situées dans la région du Donbass, dans l’est de l’Ukraine, une décision qui lui vaut de multiples condamnations sur la scène internationale.
Au terme d'une longue allocution prononcée à la télévision nationale, lundi soir, M. Poutine a signé des décrets formels à ce sujet, selon le Kremlin, ainsi que des accords d'amitié et d'entraide
avec les séparatistes prorusses.
De plus, Vladimir Poutine a ordonné à l'armée russe de maintenir la paix
dans les territoires séparatistes d'Ukraine. Deux décrets du président demandent au ministère de la Défense que les forces armées de la Russie [assument] les fonctions de maintien de la paix sur le territoire
des républiques populaires
de Donetsk et de Louhansk.
Aucun calendrier pour ce déploiement ni de détails sur son ampleur n'ont été annoncés dans ces documents, qui tiennent chacun en une page et ont été publiés sur le site de la base de données russe des textes de droit.
La Russie a déployé depuis des semaines des dizaines de milliers de soldats aux frontières de l'Ukraine qui, selon l'Occident, sont prêts à envahir le pays voisin.
La reconnaissance de l'indépendance des deux républiques constitue une violation de l’intégrité territoriale de l’Ukraine et met fin à tout espoir de raviver les accords de Minsk, signés en septembre 2014 dans le but d’apaiser les tensions dans le Donbass. Ces accords n'ont jamais été mis en œuvre.
Réquisitoire contre l'Ukraine
Loin de se concentrer sur le sort des républiques prorusses, le président russe a profité de son allocution pour se livrer à un réquisitoire en règle contre l'Ukraine postsoviétique.
Il l'a notamment accusée d'être une colonie américaine dirigée par un régime de marionnettes
. Selon lui, des puissances étrangères gèrent le pays.
Il a aussi estimé que l'Ukraine n'avait jamais eu de véritable tradition d'État, alors qu'elle fait partie de l'histoire de la Russie, et il a reproché à Kiev d'avoir volé du gaz russe par le passé.

Le président russe Vladimir Poutine, lors du Conseil de sécurité russe, lundi, au Kremlin.
Photo : La Presse canadienne / AP/Alexei Nikolsky
Il a également déploré que l'Ukraine cherche à obtenir des armes nucléaires et a soutenu que le pays pourrait être le théâtre d'un déploiement rapide de troupes de l'OTAN.
Le maître du Kremlin a déclaré que l'OTAN avait assuré à Moscou que l'alliance ne s'étendrait pas, indiquant que ses infrastructures s'étendaient désormais jusqu'aux frontières de la Russie. Selon lui, les centres d'entraînement de l'Alliance établis en Ukraine équivalent déjà à des bases militaires.
Le président russe a, de surcroît, intimé à l'Ukraine de cesser immédiatement ses opérations militaires
contre les séparatistes prorusses.
Quant à ceux qui ont pris le pouvoir à Kiev et qui le gardent, nous exigeons d'eux l'arrêt immédiat des opérations militaires, autrement toute la responsabilité de la poursuite de l'effusion de sang reposera totalement sur la conscience du régime en territoire ukrainien.
Une décision télégraphiée
Plus tôt lundi, le président Poutine avait indiqué qu'il s'apprêtait à prendre une décision à ce sujet lors d'une réunion du Conseil de sécurité russe qui réunissait plusieurs ministres, les chefs de services de renseignement et les dirigeants des deux chambres du Parlement, et qui a été diffusée en différé à la télévision.
J'ai entendu vos opinions, la décision sera prise aujourd'hui
, a dit M. Poutine, après que plusieurs des participants, dont le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, et le président de la chambre basse du Parlement, Viatcheslav Volodine, eurent soutenu l’idée de reconnaître les deux républiques.
M. Poutine a toutefois précisé que les deux territoires ne seraient pas annexés ni intégrés au territoire russe, comme la Crimée, autre territoire ukrainien, l’a été en 2014.
Les leaders des républiques de Donetsk et de Louhansk, Denis Pouchiline et Léonid Passetchnik, ont formellement demandé lundi au président russe de reconnaître leur indépendance et de mettre en place une coopération en matière de défense
.
M. Poutine a par ailleurs fait savoir lors de la réunion de son Conseil de sécurité que les accords de paix de Minsk n'ont aucune chance d'être mis en œuvre, et a accusé Kiev de les saboter. Nous avons bien compris qu'ils n'ont absolument aucune perspective
, a-t-il dit.
Cette remarque faisait suite à une présentation de son chargé des négociations de paix en Ukraine, Dmitri Kozak, selon lequel le processus de négociation est au point mort depuis 2019
et que jamais
les autorités ukrainiennes ne les mettront en œuvre.

L'incertitude persiste quant à savoir si une solution diplomatique peut encore survenir entre l'Ukraine et la Russie. Tamara Alteresco est à Rostov, en Russie, près de la frontière.
Discussions entre Kiev et Washington
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a annoncé la tenue d'un conseil de sécurité. Il doit s'adresser à son pays dans la nuit. Il a déclaré avoir discuté des événements des dernières heures avec le président américain Joe Biden.

Joe Biden, président des États-Unis.
Photo : Getty Images / Chip Somodevilla
Les États-Unis ont annoncé des sanctions contre les régions séparatistes en Ukraine. Joe Biden compte publier sous peu un décret qui interdira tout nouvel investissement, commerce et financement à destination ou en provenance des régions séparatistes, ou à l'intérieur de celles-ci, a avisé Washington.
Que cela soit clair : ces mesures sont distinctes et s'ajouteraient aux mesures économiques rapides et sévères que nous avons préparées en coordination avec nos alliés et partenaires si la Russie venait à envahir davantage l'Ukraine
, a précisé la porte-parole de la Maison-Blanche, Jen Psaki.
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Avec les informations de Reuters et Agence France-Presse