Blocage d’Ottawa : un colonel est le 7e militaire actif à faire l’objet d’une enquête
Les Forces armées canadiennes soupçonnent le haut gradé d'avoir pris part à la manifestation contre le gouvernement.

Les sept militaires sont soupçonnés de s'être publiquement opposés à la vaccination obligatoire. Certains, dont le colonel, auraient participé au convoi de protestation.
Photo : La Presse canadienne / Lars Hagberg
Un colonel de l'armée canadienne fait l'objet d'une enquête de sa hiérarchie militaire pour avoir possiblement participé à l'occupation du centre-ville d'Ottawa, a appris Radio-Canada. Cette investigation s'ajoute à celles déjà lancées sur six autres militaires actifs.
Cet officier supérieur est le plus haut gradé connu faisant actuellement l'objet d'une enquête au sein de l'armée.
Cette affaire survient alors que des centaines de manifestants opposées aux mesures sanitaires continuent d'occuper des parties du centre-ville d'Ottawa, ce qui a forcé le gouvernement Trudeau à invoquer la Loi sur les mesures d'urgence.
Sa présence possible [à la manifestation] fait partie des efforts d'examen
, indique le porte-parole des Forces armées canadiennes, Daniel Le Bouthillier, qui confirme que le colonel est le septième militaire visé par une investigation.
« S'il est avéré, ce comportement va à l'encontre des valeurs institutionnelles fondamentales et du code de discipline militaire des Forces armées canadiennes, qui exigent des normes comportementales des plus élevées. »
Le colonel est un chef d'unité. L'armée en compte plus de 400. C'est le plus haut gradé parmi les officiers supérieurs. Au-dessus, il n'y a que les officiers généraux (général, lieutenant-général, major-général et brigadier-général).
Plus vous êtes gradé, plus vous donnez un exemple qui est malsain
, réagit le brigadier-général à la retraite Gaston Côté, qui rappelle que des manifestants demandent le renversement du gouvernement. Un commandant d'unité exerce certainement un pouvoir d'influence.
Correctif
Une précédente version de ce texte comprenait la photo ci-haut avec une légende indiquant de façon erronée qu'il s'agit d'une manifestation à Ottawa, alors qu'elle se déroule à Toronto. Nos excuses.
Les militaires qui font l'objet d'une enquête auraient tous exprimé des opinions favorables à la manifestation contre la vaccination obligatoire, mais il n'a pas été possible de savoir si tous ont pris part aux protestations sur la colline du Parlement.
Il est entièrement possible que d’autres [membres] soient l'objet d'une enquête
, reconnaissent les forces armées, puisque les vérifications se font à l'échelle des unités et ne remontent pas nécessairement aux oreilles de la haute hiérarchie.
Contraire au règlement, aux valeurs et à l'éthique
Les militaires canadiens ont le droit d'avoir des opinions personnelles. Le porte-parole de l'armée admet que les membres des forces ne sont pas immunisés
contre l'époque difficile et stressante
, mais la discipline est un autre principe clé qui soutient l'efficacité de l'armée canadienne
.
Les forces armées sont sous le contrôle de civils dûment élus. Les militaires sont donc soumis à une réglementation relative aux commentaires publics sur les politiques de défense et du gouvernement.
« Tout membre qui jette le discrédit sur les Forces armées canadiennes par sa conduite [...], que ce soit par des actions ou des paroles, sera tenu responsable. »
Ceux qui ne respectent pas ces principes font non seulement preuve d'un manque extrême de compréhension de la profession militaire, mais sapent aussi le fondement même des Forces armées canadiennes
, ajoute Daniel Le Bouthillier.
Extrait du règlement des Forces armées canadiennes :
Aucun officier ou militaire du rang ne doit faire ni ne doit dire quoi que ce soit qui : vu ou entendu par un membre du public, pourrait jeter le discrédit sur les Forces armées canadiennes ou sur l'un de ses membres.
Extraits du Code de valeurs et d’éthique des Forces armées canadiennes :
En tout temps et en tout lieu, les employés du ministère de la Défense nationale et les membres des FC [Forces canadiennes] [...] exercent leurs fonctions conformément aux lois, aux politiques et aux directives de façon non partisane et objective [...] [et] font toujours preuve de respect envers le Canada, sa population et sa démocratie parlementaire.
Des enquêtes au sujet de six autres militaires
L'armée a enclenché un processus d'expulsion contre deux membres des forces spéciales antiterroristes présumément impliqués dans l'occupation d'Ottawa.
L'aviateur junior Riley MacPherson, de la base de Comox, en Colombie-Britannique, fait aussi l'objet d'une enquête pour avoir exprimé son appui au convoi de camionneurs alors qu'il était en uniforme.
Dans la même province, l'armée se penche aussi sur le cas du sous-officier James Topp, qui a laissé entendre dans une vidéo publiée sur le réseau TikTok, en uniforme, qu'il allait se rendre à Ottawa pour protester contre la vaccination obligatoire.
Autre vidéo, autre enquête : celle du major Stephen Chledowski, de la base de Gagetown, au Nouveau-Brunswick. Face à la caméra, durant sept minutes, sur YouTube, il a notamment qualifié la vaccination contre la COVID-19 de « génocide ».
Un autre soldat qui n'a pas été nommé par les Forces armées canadiennes fait lui aussi l'objet d'une enquête.
L'année dernière, l'armée avait accusé de mutinerie un autre officier qui aurait exhorté des militaires à ne pas participer à la campagne de distribution des vaccins contre la COVID-19.
En janvier, l’armée a lancé des procédures formelles contre plus de 900 soldats non vaccinés. Aux dernières nouvelles, au moins une soixantaine de militaires qui refusaient de se faire vacciner avaient été expulsés.
Des vétérans et d'ex-agents de la GRC
dans le mouvementParmi les personnes impliquées dans l'organisation de la manifestation des camionneurs à Ottawa se trouvent aussi d'anciens agents de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et d’anciens militaires.
Selon des experts, leur présence parmi les manifestants pourrait affecter la stratégie des policiers et compliquer leur tâche.
Leur soutien expliquerait aussi la réussite tactique des protestataires qui, jusqu'à présent, ont réussi à maintenir leur blocage, par exemple en parvenant à ravitailler les camions malgré l'opposition des forces de l'ordre.
Le groupe Police on Guard, qui s’est formé pendant la pandémie et a appuyé le convoi de camionneurs, a rendu publics les noms de plus de 150 policiers, pour la plupart à la retraite, qui s'opposent aux mesures d'urgence imposées par le gouvernement, telles que la vaccination obligatoire. Plus de 50 anciens soldats des Forces armées canadiennes sont également nommés sur son site.
À l'occasion de la manifestation de Coutts, en Alberta, la police a saisi 13 armes d’épaule, des milliers de munitions et des gilets pare-balles.