Santé mentale chez les aînés : « on n’a plus de vie »

De nombreuses personnes âgées ont vécu difficilement la pandémie, mais particulièrement la cinquième vague de COVID-19 (archives).
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De nombreuses personnes âgées ont vécu difficilement la pandémie, mais particulièrement la cinquième vague de COVID-19. La Rimouskoise Antonine Michaud a même l’impression qu’elle et ses congénères souffrent de perte cognitive depuis le dernier confinement.
En plein cœur de la cinquième vague, une centaine de milieux de vie pour personnes aînées du Bas-Saint-Laurent étaient touchés par des éclosions de COVID-19. Certaines étaient en situation de vigie et la majorité des personnes décédées avaient 80 ans ou plus.
Les multiples éclosions ont imposé un resserrement des mesures sanitaires au sein des Centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) et les résidences privées pour aînés (RPA) et forcé davantage l’isolement des personnes âgées.
On avait des repères, des activités et des liens au printemps
, rappelle Antonine Michaud, membre du conseil d’administration et ancienne présidente du Club des 50 + de Sainte-Yves, à Rimouski.
Depuis la mi-décembre, elle note que certaines personnes avec qui elles étaient en contact ont perdu des facultés cognitives. Certaines personnes ne font plus partie de nos clubs [d’activités], ils sont déphasés. Même moi, je me rendais compte que je perdais le goût de faire des choses
, témoigne Mme Michaud. Ça a fait vieillir ces gens-là
.
Elle déplore que les personnes âgées aient vécu de l’âgisme, depuis le début de la pandémie, en plus d’avoir été oubliées. Nous qui vivions dans nos maisons, c’était moins pire. Toutefois, pour ceux qui vivaient en résidences… J’ai vu mes beaux-frères et mes belles-sœurs en résidence qui recevaient leur nourriture au bas de la porte comme si on nourrissait un chien dans une cage
, témoigne Mme Michaud.
« À notre âge, deux ans, ça vaut beaucoup parce qu’il ne nous en reste pas 50 ans à vivre. »
La santé mentale et physique des aînées a été rudement mise à l’épreuve depuis le début de la pandémie, selon la directrice du programme de soutien aux personnes aînées du Centre intégré de santé et des services sociaux (CISSS) du Bas-Saint-Laurent, Élizabeth Lavoie.
La cinquième vague a fait ressortir de la fragilité et de la vulnérabilité
, évoque-t-elle.
Quant à elle, la directrice des Programmes en santé mentale du CISSS
, Claudie Deschênes, a observé une augmentation des interventions auprès de personnes âgées qui présentaient des idées suicidaires.La détresse se fait sentir. Qui dit détresse, dit anxiété exacerbée. Certaines idées noires peuvent surgir
, explique-t-elle.
Selon une étude américaine, l’isolement des personnes âgées en résidence pendant la première année de la pandémie aurait fait plus de dommages que la COVID-19 elle-même.
Excès de zèle dans les résidences pour aînés
Le mois dernier, le premier ministre François Legault implorait les propriétaires de résidences pour aînés d’éviter l’excès de zèle
devant la COVID-19. Des personnes âgées étaient contraintes à manger seules dans leur chambre. Est-ce que des résidences du Bas-Saint-Laurent ont appliqué les mesures sanitaires trop rigoureusement ?
Quand on fait face à une éclosion dans un milieu de vie, l’équipe de prévention est en œuvre, mais aussi l’équipe de déconditionnement. [...] C’est une balance de la gestion de risque entre la prévention des infections et de la prévention du déconditionnement. On a essayé de minimiser tous les risques au Bas-Saint-Laurent
, justifie Élizabeth Lavoie.
L’impact émotif a été plus grand dernièrement auprès des aînés, avoue quant à elle Claudie Deschênes. On a été touché de façon plus minimale que dans les autres régions au début de la pandémie. Force est de constater qu’on voit une plus forte intensité de la propagation du virus, alors on doit mettre en place certaines mesures
.
Le CISSS
lance une campagne de sensibilisationLe CISSS
du Bas-Saint-Laurent lance une campagne auprès du public afin d’inciter la population à contacter les personnes âgées de leur entourage pour les aider à reprendre des activités plus normales.Élizabeth Lavoie invite les proches de personnes âgées à être attentives à leurs besoins. Elle recommande de signaler rapidement au réseau de la santé des situations plus problématiques.
Quand un aîné est plus mélancolique, que les transferts sont plus difficiles, qu’il a peur d’aller marcher parce qu’il est moins habile, s’il ne prend pas part à sa routine comme avant...on demande aux gens de le nommer, et de faire une référence vers les CLSC pour être capable d’avoir des interventions personnalisées à ce moment-là
, mentionne-t-elle.
La campagne qu'élabore le CISSS
vise le grand public, les proches aidants et le personnel du réseau de la santé.Depuis le 12 février, n’importe quel visiteur est admis dans les CHSLD
et les RPA , à condition qu’il possède une preuve de vaccination adéquate. Deux visiteurs à la fois sont admis.Antonine Michaud se réjouit de retrouver tranquillement sa routine d’avant. Elle a même participé à un cours de danse mardi après-midi aux côtés d’une vingtaine de participants. Les gens étaient heureux. Enfin, on revient à la vie, c’est ça qu’on se dit
, rapporte la dame. Quand bien même qu’il ferait mauvais dehors, je pense qu’on aurait du soleil dans les yeux
.
Avec les informations de Denis Leduc