54 potentielles tombes anonymes retrouvées dans la Première Nation de Keeseekoose

Le chef de la Première Nation Keeseekoose, Lee Kitchemonia, lors de la conférence de presse pour annoncer la découverte de 54 potentielles tombes anonymes sur les sites d'anciens pensionnats pour Autochtones.
Photo : Radio-Canada / Cory Herperger
La Première Nation de Keeseekoose, en Saskatchewan, annonce que 54 potentielles tombes anonymes ont été retrouvées sur les sites d’anciens pensionnats pour Autochtones de la communauté.
L’annonce a été faite lors d’une conférence de presse tenue par la Fédération des nations autochtones souveraines de la Saskatchewan (FSIN).
Écoutez notre histoire
, demande le chef de la Première Nation de Keeseekoose, Lee Kitchemonia, aux Canadiens. Ces corps étaient de vraies personnes. Pensez à vos enfants que vous embrassez avant qu’ils ne partent pour l’école. Vous les reverrez. Mais ces corps retrouvés ne reviendront jamais.
« La guérison n’est pas un enjeu politique, c’est un enjeu humain. »
L’un des pensionnats en question était la St Philip’s Indian Residential School, qui avait été géré par l’Église catholique de 1928 à 1969.
Les recherches ont été effectuées par radar.
Après le choc, place à la guérison
Pour le chef Lee Kitchemonia, ces fouilles n’ont fait que prouver ce que beaucoup savaient déjà. Ce qu’il trouve particulièrement difficile, c’est de savoir que ces potentielles tombes se trouvaient à proximité de la communauté.
Nous passions à cet endroit tous les jours
, témoigne M. Kitchemonia. Il ne s’agit pas d'incidents isolés, mais de meurtres qui ont été cachés. Quelqu’un doit répondre de ces actes.
Le chef de la Première Nation ajoute que ces trouvailles sont un pas de plus vers la guérison des victimes et des survivants des pensionnats. Il note toutefois que cette découverte soulève également de nombreuses questions sur ce qui s’y est réellement passé.
M. Kitchemonia se demande maintenant si plus de tombes seront trouvées.
De son côté, le directeur des fouilles et ancien leader de la communauté, Ted Quewezance, explique que les victimes des pensionnats pour Autochtones revivent le traumatisme et la douleur chaque fois que des tombes non marquées sont trouvées.
Lui-même victime des pensionnats, il rappelle l’importance de mettre de l’avant les histoires horribles qui se sont produites dans ces établissements.
Nous voulons faire le deuil et guérir, mais pour cela, nous devons partager nos histoires
, explique M. Quewezance.
« La vérité est importante. C’est ce qui va nous permettre de passer au travers. »
Il prône maintenant le pardon, sans pour autant oublier ce qui s’y est passé.
Le pardon est difficile, mais il redonne le pouvoir aux victimes
, explique M. Quewezance. C’est le choix que j’ai fait pour amorcer ma guérison.
Commencera maintenant le travail de recherche pour identifier les 54 victimes, leur donner un nom et leur offrir une cérémonie.
M. Quewezance dit compter sur l’appui de l’Église catholique pour fournir les documents nécessaires qui permettront d’identifier les victimes.
Un soutien aux victimes
L’archevêque de Regina, monseigneur Donald Bolen, était sur place. Il a tenu à souligner le courage des victimes et de la communauté.
Nous devons entendre vos histoires. Je ressens vos émotions et vos souffrances
, a déclaré monseigneur Bolen. Je suis vraiment désolé de l’abus, du racisme et des traumatismes intergénérationnels que vous avez vécus. Je sais que les excuses sont un début et non une fin. Il faut maintenant des actions concrètes.
Il ajoute que l’Église va appuyer les communautés dans leurs recherches et qu’elle fournira tous les documents nécessaires pour mettre en lumière ce qui s’est réellement passé dans les pensionnats pour Autochtones.
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De son côté, la cheffe nationale de l'Assemblée des Premières Nations, RoseAnne Archibald, a reconnu que la cérémonie d’aujourd’hui est difficile et qu’elle fait revivre la douleur aux victimes et aux survivants.
Elle décrit les pensionnats comme des institutions d’assimilation et de génocide. Il est impossible pour elle de les lier au monde de l’éducation.
Ces 54 jeunes enfants qui ne sont jamais rentrés chez eux font partie d’un groupe de milliers d’enfants à travers le pays. Ces institutions ont détruit des générations et laissé des blessures profondes encore ressenties aujourd’hui
, note la cheffe Archibald.
Pour elle, il n’y avait aucune bonne intention derrière les pensionnats. Ces établissements n'étaient qu’un moyen, selon elle, d'enlever aux Autochtones leur langue et leur culture.
« Nous savions ce qui se passait dans ces institutions, mais nous ne voulions pas l’admettre »
Ces découvertes sont la preuve qu’il y a eu un génocide au Canada. Ce n’est que le début. Rappelons-nous qu’il y a plus de 130 institutions du genre à travers le pays
, indique Mme Archibald.
Elle souhaite maintenant qu’Ottawa reconnaisse que les victimes et les survivants ont besoin d’un soutien qui va au-delà des fouilles par radar.
Tous les niveaux de gouvernement doivent prendre des actions concrètes pour montrer que la situation est prise au sérieux
, note la cheffe nationale. On ne peut pas seulement tenir une conférence de presse chaque fois qu’on découvre de nouvelles tombes.
La classe politique s’excuse
Le lieutenant-gouverneur de la Saskatchewan, Russell Mirasty, était également sur place pour s'adresser aux victimes et aux survivants. Il connaît bien leur douleur, puisqu’il est lui-même un survivant des pensionnats pour Autochtones.
M. Mirasty a lui aussi souligné que la vérité est le seul moyen de passer à la prochaine étape du processus de guérison.
Il demande aux Canadiens de s’unir et d’ouvrir leur esprit pour apprendre ce qui s’est réellement passé dans les pensionnats.
Le ministre des Relations Couronne-Autochtones, Marc Miller, s’est quant à lui adressé à la communauté de Keeseekoose par visioconférence depuis Ottawa.
Il a reconnu que ces 54 jeunes victimes n’ont jamais eu la chance de connaître l’amour de leur famille ni de découvrir la beauté de leur culture et de leurs traditions.
Aujourd’hui est un autre rappel de l’abus commis sur des enfants dans les pensionnats. Nous avons tous honte de ces trouvailles. Notre gouvernement va respecter les vœux des communautés pour leur permettre de faire leur deuil et de guérir
, a indiqué le ministre Miller.
Le premier ministre de la Saskatchewan a lui aussi réagi.
Sur les réseaux sociaux, Scott Moe indique que la province soutient les communautés affectées et que son gouvernement continuera de travailler avec les victimes pour les aider à passer au travers de la douleur.
La FSIN
affirme que du soutien psychologique sera disponible en raison de la nature troublante des informations diffusées lors du point de presse.NDLR : La FSIN
avait indiqué à tort dans son communiqué de presse que la gouverneure générale, Mary Simon, serait présente à la conférence. Or, le bureau de la gouverneure générale nous informe que Mme Simon ne sera pas présente. Le bureau des communications de la gouverneure générale indique ne pas avoir été informé de l'envoi du communiqué de presse de la FSIN mentionnant la présence de Mme Simon.