Quels sont les pouvoirs de la Loi sur les mesures d’urgence?

Justin Trudeau annonce qu'il invoquera la Loi sur les mesures d'urgence.
Photo : Radio-Canada / Alexander Behne
En invoquant la Loi sur les mesures d'urgence, le gouvernement de Justin Trudeau obtient un certain nombre de pouvoirs supplémentaires pour les 30 prochains jours. Quels sont-ils? Nous avons demandé à la politologue, Stéphanie Chouinard.
Le premier ministre canadien invoque cette Loi pour mettre un terme aux manifestations qui bloquent le centre-ville d’Ottawa et des postes frontaliers du pays.
Cette loi permet au gouvernement canadien de réglementer ou d'interdire des déplacements, de réquisitionner ou d'utiliser des biens, comme des camions-remorques de compagnies privées. Ça permettrait aussi au cabinet d'invoquer des amendes allant jusqu'à 5000 $ et des peines d'emprisonnement allant jusqu'à cinq ans, d'effectuer des paiements d'urgence aux provinces et municipalités pour des demandes d'effectifs policiers sur place,
explique Stéphanie Chouinard, politologue au Collège militaire royal du Canada de l'Université Queens, en entrevue à Vivement le retour.
Ces pouvoirs sont directement en lien avec des avertissements dictés par le gouvernement, tels que le gel des comptes d'entreprises et la suspension des assurances des véhicules semi-remorques qui bloqueraient encore la voie publique au Canada, ou encore le financement immédiat de forces policières de juridiction provinciale.
Par contre, la Loi des mesures d'urgence ne peut suspendre l'application de Charte canadienne des droits et libertés, assure la spécialiste en politique canadienne.
Une loi qui a évolué
La Loi sur les mesures de guerre, invoquée par Pierre Elliott Trudeau lors de la crise d'Octobre de 1970, a grandement évolué. D'abord, son nom a été remplacé dans les années 1980 pour la Loi sur les mesures d'urgence, explique Stéphanie Chouinard.
On a voulu adoucir le ton par rapport à la Loi sur les mesures de guerre. On avait vu durant la crise d'Octobre qu'il y avait eu des abus à l'égard aux droits humains et où des personnes avaient été emprisonnées pendant des jours et des jours sans savoir pourquoi
, ajoute Mme Chouinard.
Déploiement de soldats canadiens?
Cette loi ne sous-entend pas nécessairement le déploiement des Forces armées canadiennes. L'utilisation des forces n'est pas sur la table selon [Justin] Trudeau pour l'instant
, précise la politologue.
Le déploiement de militaires contre des civils canadiens serait la solution de derniers recours, mais pourrait être envisagé s'il y avait escalade de la violence
, poursuit Stéphanie Chouinard Un peu plus tôt aujourd'hui, on a vu à Coutts que la GRC a trouvé une cache d'armement, des armes à feu, des armes de poing, des machettes. Si ces armes à feu avaient été utilisées contre des civils dans la région, là on aurait un argument supplémentaire.
Plusieurs premiers ministres provinciaux, dont François Legault, se sont déjà opposés à l'intervention des Forces canadiennes sur leur territoire. Toutefois, la politologue mentionne qu'il y a une zone grise, car rien n'indique dans la Loi qu'on doit avoir l'accord de toutes les provinces ou que la Loi doit s'appliquer de la même façon sur tout le territoire canadien
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