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Manifestations et blocages : Ottawa invoque la Loi sur les mesures d’urgence

Plan rapproché de Justin Trudeau, l'air grave, en conférence de presse.

Justin Trudeau a annoncé que les mesures d'urgence s'appliquaient dès maintenant, de manière ciblée.

Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld

Radio-Canada

Le premier ministre canadien Justin Trudeau invoque la Loi sur les mesures d'urgence pour mettre un terme aux manifestations qui bloquent le centre-ville d’Ottawa et des postes frontaliers du pays. La décision entre en vigueur dès maintenant, a-t-il annoncé en conférence de presse lundi après-midi.

Il s'agit de la première fois qu'un gouvernement a recours à cette loi qui avait remplacé en 1988 la défunte Loi sur les mesures de guerre.

La portée de ces mesures sera limitée dans le temps, ciblée géographiquement, raisonnable et proportionnelle à la menace pour la sécurité du Canada, a déclaré M. Trudeau.

La loi donne davantage d'outils aux forces policières lorsque des rassemblements constituent des activités illégales et dangereuses, comme des blocages et des occupations, a expliqué M. Trudeau. La GRC peut aussi, là où c'est nécessaire, appliquer les lois provinciales et municipales.

Après 18 jours de siège à Ottawa, le gouvernement Trudeau invoque la Loi sur les mesures d'urgence. Il ne veut pas appeler l'armée en renfort, mais souhaite donner plus de pouvoirs aux policiers. Le point avec Christian Noël.

Le gouvernement peut également désigner des endroits jugés critiques, comme les zones frontalières ou aéroportuaires. Le premier ministre Trudeau a ajouté que la loi permettait aussi de s'assurer que des services essentiels, comme le remorquage, puissent être effectués.

« Il ne s'agit plus d'une manifestation légitime en raison d'un désaccord sur une politique gouvernementale. Il s'agit maintenant d'une occupation illégale. Il est temps pour ces gens de retourner à la maison. »

— Une citation de  Justin Trudeau, premier ministre du Canada

Justin Trudeau a toutefois répété plus d'une fois qu'il n'a pas l'intention de déployer l'armée dans les endroits ciblés. La Loi sur les mesures d'urgence n'est pas quelque chose à prendre à la légère. Ce n'est pas le premier outil qu'on prend, ou même le deuxième ou le troisième, a insisté le premier ministre.

Toutes les options sont sur la table; cette activité illégale doit cesser, et elle va cesser, avait déclaré vendredi Justin Trudeau, après que le gouvernement de l'Ontario eut décidé de déclarer l'état d'urgence dans sa province.

Une loi raisonnable

David Lametti, ministre fédéral de la Justice, a estimé en soirée, dans une entrevue à l’émission 24-60, qu’il s’agissait d’une loi raisonnable, ciblée, temporaire, mesurée et qui sera transparente pour le Parlement .

« Il y a un processus parlementaire nécessaire selon la loi pour que les partis politiques puissent revoir ce qu’on est en train de faire et avoir leur mot à dire.  »

— Une citation de  David Lametti, le ministre fédéral de la Justice

Interrogé au sujet de l'opposition du Québec à la mesure, le ministre de la Justice a souligné que le gouvernement fédéral ne touchera pas la juridiction provinciale concernant la Sûreté du Québec ou les polices municipales.

Ça reste toujours dans les compétences du Québec, mais on ajoute les ressources de la GRC comme on a fait en Ontario, a-t-il expliqué. M. Legault ne devrait pas être inquiet et les autres premiers ministres non plus.

Par la voie financière aussi

Concrètement, les plateformes de sociofinancement seront plus sévèrement encadrées et les comptes bancaires utilisés pour soutenir financièrement les barrages illégaux pourront être gelés ou suspendus sans ordonnance d’un tribunal, a indiqué la ministre des Finances et vice-première ministre, Chrystia Freeland.

Les organisateurs du mouvement qui a paralysé le coeur d'Ottawa ont reçu du financement par l'entremise de la plateforme GoFundMe, tout d'abord, puis de la plateforme chrétienne GiveSendGo.

Les plateformes de sociofinancement et les services de paiement qu'elles emploient devront s'enregistrer auprès du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE). Elles seront aussi appelées à alerter les autorités si elles remarquent des comptes suspects.

Par ailleurs, les camionneurs dont les camions servent à des barrages jugés illégaux pourront eux aussi voir le compte de leur entreprise gelé. Les manifestations seront interdites dans certaines zones sensibles, comme les zones frontalières ou les aéroports.

Conformes à la Charte

Le premier ministre Trudeau a insisté sur le fait que les mesures prises par le gouvernement doivent se conformer à la Charte des droits et libertés. Il n'y a donc pas de suspension des libertés civiles, contrairement à ce qu'affirment certains messages vus sur les réseaux sociaux.

Un peu plus tôt en journée, le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, avait confirmé que son parti appuierait le recours à la Loi sur les mesures d'urgence.

Jagmeet Singh touche sa barbe avant de répondre à une question.

Le chef du NPD, Jagmeet Singh, est favorable à l'imposition de la Loi sur les mesures d'urgence, mais il se veut néanmoins critique de la gestion de crise du gouvernement Trudeau.

Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld

Il n'en avait pas moins déclaré que le recours à cette loi d'exception montre la faillite du premier ministre, qu'il accuse d'un manque de leadership depuis le début de l'affaire.

« Depuis des semaines, le gouvernement fédéral, le premier ministre, a laissé le convoi s’installer [dans] la capitale, bloquer les frontières, et à cause de ça, on est maintenant dans cette crise. »

— Une citation de  Jagmeet Singh, chef du NPD

Avant l'annonce d'Ottawa, le chef bloquiste Yves-François Blanchet était demeuré ferme. Nous comprenons que le gouvernement ne compte pas recourir à l’armée, mais s’en donne le pouvoir sans autre préavis : le recours à l’armée apparaît très prématuré tant que les effectifs policiers ne sont pas déployés pour convaincre les occupants de lever le siège, a-t-il écrit dans une déclaration transmise aux médias.

Si le gouvernement avait soutenu la police d’Ottawa plus tôt, la question des mesures d’urgence ne se poserait pas, a ajouté le chef bloquiste.

Au pays, il n'y a pas de consensus des provinces vis-à-vis de la proposition du gouvernement, a noté, de son côté, la cheffe intérimaire du Parti conservateur, Candice Bergen, qui déplore le manque de consultation dans ce dossier. Son parti a présenté aujourd'hui, sans succès, une motion demandant un plan de déconfinement d’ici le 28 février.

Luc Berthold, chef adjoint du Parti conservateur a souligné que son parti avait demandé au premier ministre il y a plusieurs jours de poser des gestes concrets pour apaiser les tensions et faire en sorte que ces manifestants se sentent entendus.

Il a toutefois précisé que son parti demande la fin du blocus illégal, souhaitant au passage trouver une solution pacifique.

Après 18 jours de siège devant le Parlement, Justin Trudeau invoque la Loi sur les mesures d'urgence pour sortir de la crise. La loi s'applique dès maintenant, et ce, partout au Canada. Reportage de Christian Noël.

Les opposants campent sur leurs positions

Sans surprise, l’une des organisatrices du mouvement de contestation aux mesures sanitaires, Tamara Lich, s’oppose à ce genre de mesure. Chaque fois que le gouvernement va plus loin dans la limitation de nos libertés, notre volonté grandit et l’importance de notre mission devient de plus en plus claire, a-t-elle déclaré lundi.

Elle qualifie la mesure d’extrême, alors que les opposants aux mesures sanitaires manifestent dans le calme.

« Lorsqu’un gouvernement enlève un droit fondamental comme le droit de manifester, il se dirige vers la tyrannie et perd toute crédibilité. »

— Une citation de  Tamara Lich

Les représentants du mouvement déplorent l’absence de dialogue avec le gouvernement Trudeau.

Peu d'ouverture parmi les provinces

Tour à tour, les premiers ministres du Québec, du Nouveau-Brunswick, du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta se sont opposés à l'imposition des mesures d'urgence sur leur territoire.

Toutefois, l'Ontario et la Colombie-Britannique se sont montrés intéressés par une intervention accrue d'Ottawa.

La Loi sur les mesures d'urgence pourrait ne pas avoir à être utilisée à bien des endroits au pays, a répondu à cela le premier ministre Trudeau. Ce serait l'idéal que ces premiers ministres qui disent qu'ils ont tout en main continuent de garder tout en main, a-t-il cependant ajouté.

Les indices laissant croire que le gouvernement Trudeau entendait intervenir pour mettre fin aux manifestations de Canadiens qui réclament la fin des mesures sanitaires se multipliaient.

De façon très inhabituelle, Justin Trudeau avait réuni, dimanche soir, son Cabinet pour discuter à la fois de la situation en Ukraine et des manifestations d’opposants aux mesures sanitaires.

À Ottawa, des manifestants, issus principalement de l'industrie du camionnage, bloquent les abords du parlement depuis maintenant 18 jours, au grand dam des résidents. D'autres manifestants bloquent la circulation aux postes frontaliers de Coutts, en Alberta, d'Emerson, au Manitoba, et de Surrey, en Colombie-Britannique.

Des manifestants qui bloquaient le pont Ambassador, reliant Windsor et Détroit, ont pour leur part été délogés par des policiers dimanche, de sorte que la circulation a repris lundi matin.

Un premier test pour la Loi sur les mesures d'urgence

Le premier ministre Justin Trudeau invoque la Loi sur les mesures d'urgence pour mettre un terme aux manifestations qui bloquent le centre-ville d’Ottawa et des postes frontaliers du pays. Entrevue avec Patrick Taillon, constitutionnaliste et professeur à la Faculté de droit de l'Université Laval.

La Loi sur les mesures d’urgence, qui a remplacé l’ancienne Loi sur les mesures de guerre en 1988, permet au gouvernement fédéral de faire ce qu’il juge nécessaire pour venir à bout d’une crise nationale.

Le texte législatif précise qu'une telle crise résulte d'un concours de circonstances critiques à caractère d’urgence et de nature temporaire qui met gravement en danger la vie, la santé ou la sécurité des Canadiens et échappe à la capacité ou aux pouvoirs d’intervention des provinces.

La loi spécifie que le gouvernement fédéral doit consulter les provinces concernées avant de déclarer l’état d’urgence.

Cette déclaration doit s'accompagner d'une motion déposée dans les jours qui suivent devant les deux chambres du Parlement. La motion doit indiquer les motifs justifiant la déclaration de l'état d'urgence et inclure un compte rendu des consultations avec les provinces.

La Chambre des communes et celle du Sénat doivent approuver le recours à l'état d'urgence pour que ce dernier puisse demeurer en vigueur, pour une durée maximale de 30 jours. Si l'une des deux chambres s'oppose à la déclaration, l'état d'urgence est immédiatement abrogé.

Avec les informations de La Presse canadienne, et CBC

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