CDPQ Infra remet en question les conclusions de l’ARTM sur le REM de l’Est

Dans un breffage technique adressé aux médias vendredi, CDPQ Infra a expliqué avoir utilisé une méthodologie différente et des outils plus récents pour estimer le transfert modal (archives).
Photo : Radio-Canada / Jean-Claude Taliana
Le maître d'œuvre du Réseau express métropolitain (REM) de l’Est, CDPQ Infra, remet en question les critiques que l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) a formulées à l’égard du projet, plus tôt cette semaine.
L’Autorité a produit un avis largement défavorable au projet, dont les grandes lignes ont été résumées dans un communiqué (Nouvelle fenêtre) publié mardi. L’avis a donné lieu à de sévères critiques de l’opposition à l'égard du gouvernement Legault, qui dit toujours appuyer le projet.
Mais selon CDPQ Infra, l’ARTM sous-estime la part de nouveaux usagers du transport en commun qui seront amenés sur le réseau – le transfert modal
– et interprète mal l’ampleur des besoins qui seront desservis par le REM de l’Est, de même que son impact sur la ligne verte du métro de Montréal.
La proposition qu’on a faite avec le REM de l’Est, elle répond intégralement au mandat de créer un réseau structurant
, s’est défendu Denis Andlauer, directeur principal, stratégies transport, à CDPQ Infra.
Je n’ai entendu personne, dans les experts qui sont autour de moi, venir me proposer une option alternative qui serait meilleure que ce qu’on propose.
Est-ce qu’elle règle tous les problèmes de mobilité de la région de Montréal? Non, ça va en prendre beaucoup d’autres, des projets
, a-t-il cependant admis.
Un transfert modal sous-estimé
Dans un breffage technique adressé aux médias vendredi, CDPQ Infra a expliqué avoir utilisé une méthodologie différente et des outils plus récents pour estimer le transfert modal.
Selon l’ARTM, le projet n’entraînera qu’un nombre modeste de nouveaux usagers du transport collectif
, de sorte que 94 % de l’achalandage du REM de l’Est sera simplement enlevé aux services existants
, a-t-elle indiqué par communiqué.
CDPQ Infra soutient que l’ARTM a largement sous-évalué le transfert modal. Plutôt qu’environ 6 %, elle l’estime à 17 %, soit presque le triple – cela représente près de 8000 usagers dans la période de pointe du matin. Un nombre très important
, selon M. Andlauer.
Dans un système de transport collectif, aller chercher 17 % de nouveaux usagers, j’ai pas beaucoup d’exemples
, a-t-il ajouté. Et je fais ça depuis 35 ans.
Parmi les facteurs qui expliquent cette différence, il y a le fait que l’ARTM utilise un vieux modèle d’analyse qui tient compte exclusivement des déplacements en transport collectif, excluant le transport routier
, selon CDPQ Infra.
La filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), quant à elle, a la capacité d’analyser de manière détaillée l’ensemble des déplacements
, motorisés ou non, a assuré M. Andlauer.
Toujours selon CDPQ Infra, l’ARTM n’a tenu compte que de la période de pointe du matin, alors que CDPQ Infra a également pris en considération celle de l’après-midi et procédé à une modélisation sur 24 heures.
L’Autorité s’est aussi basée sur le projet de référence proposé en décembre 2020, tandis que CDPQ Infra a adapté ses analyses en fonction de l’évolution du projet. L’ARTM ne nous a pas demandé de mise à jour, ce qu’on aurait fait avec plaisir, d’ailleurs
, a déploré M. Andlauer.
Enfin, CDPQ Infra a procédé à une analyse des préférences basées sur des enquêtes de terrain, ce que l’Autorité n’a pas fait.
Réduire la pression sur la ligne verte
Si l’ARTM craint que le REM de l’Est n’enlève des usagers aux services existants, notamment la ligne verte du métro
, CDPQ Infra voit cela comme un avantage, puisque la ligne verte approche de sa saturation
. Le REM permettra donc de réduire la pression, souligne la filiale infrastructures de la Caisse de dépôt et placement du Québec.
Le REM de l’Est offre un potentiel additionnel net de 13 000 passagers à l’heure vers le centre-ville, offrant aux deux réseaux une capacité résiduelle pour plusieurs années
, ajoute CDPQ Infra dans une présentation lors du breffage.
Ça vient donner ni plus ni moins que de l'oxygène
, a déclaré M. Andlauer. Ce n’est pas de la cannibalisation, c’est plutôt une complémentarité.

Près de 40 % des besoins de déplacement dans l’Est visent le centre-ville et Montréal centre, souligne CDPQ Infra (archives).
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
L’ARTM a aussi noté dans son communiqué que le projet ne répond que partiellement aux besoins des résidents de l’Est de l’île et de la couronne nord-est
, puisque seulement 12 % des déplacements, dans les secteurs qui seront desservis par le projet, se destinent au centre-ville
.
Or, si elle ne conteste pas ces chiffres, CDPQ Infra désigne d’autres conclusions que celles de l’Autorité pour dire que le projet répond à des besoins significatifs.
Le maître d'œuvre indique que, d’après des chiffres qui n’avaient pas été rendus publics, issus de l’avis de l’ARTM, près de 40 % (63 000 usagers) des besoins de déplacement dans l’Est visent le centre-ville (12 %) et Montréal centre (27 %)
, cette dernière zone – plus étendue – débutant à l’ouest de l’autoroute 25.
Le REM de l’Est répond à ce besoin
, soutient CDPQ Infra, et 75 % de l’achalandage du REM de l’Est
se destine à ces deux zones, souligne-t-elle.
CDPQ Infra compte-t-elle néanmoins modifier des aspects du projet à la lumière des critiques de l’ARTM? On y travaille
, a assuré M. Andlauer, et son organisation en est toujours à étudier l’avis dans le détail, a-t-il précisé. Le projet continue à évoluer.
Il s’est d’ailleurs dit surpris
des résultats auxquels est arrivée l’ARTM et aurait aimé avoir l’occasion d’en discuter au préalable, étant donné les nombreuses tribunes
permettant l’échange entre les deux instances.
L’appui de la Ville est nécessaire
En ce qui a trait au rôle de la Ville de Montréal dans le processus décisionnel, CDPQ Infra assure toujours qu’elle a une place prépondérante.
La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a plusieurs fois réclamé un « comité conjoint » avec CDPQ Infra pour avoir son mot à dire sur les décisions concernant le REM de l’Est dans les derniers jours.
Or, il y a des comités stratégiques qui incluent la Ville de Montréal sur une base hebdomadaire
, a assuré Jean-Vincent Lacroix, directeur des communications de CDPQ Infra. Il a également cité un comité d’experts indépendant, le haut lieu d’échanges sur toutes les questions d’intégration
et d’aménagement urbain – qui doit bientôt rendre son rapport – dans lequel la Ville de Montréal est présente.
Le changement potentiel de tracé de la rue Sherbrooke à l'avenue Souligny – évoqué en exemple du manque de pouvoir décisionnel de la Ville par Mme Plante jeudi – a été discuté au sein de ce comité-là
, selon M. Lacroix.
La décision qu’on a prise, c’est d’aller dans l’espace public avec cette alternative-là pour consulter les gens, donc c'est peut-être là qu’il y a eu un accroc
, a-t-il proposé.
Mais CDPQ Infra le répète : Il faut l’appui de la Ville de Montréal, elle fait partie de la décision ultime
.