•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Masques lavables en milieu de travail : le Québec a-t-il manqué le bateau?

Des masques lavables et jetables sur une table.

Une entrepreneure gaspésienne affirme avoir créé un masque lavable tout aussi efficace qu'un dispositif jetable. Toutefois, l'utilisation de ce masque dans les milieux de travail n'est pas autorisée par Québec.

Photo : Radio-Canada / Isabelle Larose

La présidente de l’entreprise gaspésienne Frëtt Design dénonce « l'immobilisme » du Québec en ce qui concerne l'utilisation de masques lavables dans les milieux de travail. Ses doléances trouvent un écho auprès de scientifiques internationaux.

Depuis deux ans, Frëtt Design a investi près d’un demi-million de dollars en recherche et développement pour créer un masque lavable aussi efficace que les dispositifs médicaux jetables.

On est conformes à la norme internationale ASTM 3502 de l’American Society for Testing and Materials pour les masques barrières. On est aussi conformes à la norme de dispositifs médicaux en Europe, la EN 14683, explique la présidente de Frëtt Design, Michelle Secours.

Michelle Secours photographiée dans son atelier de Caplan.

Michelle Secours est présidente de Frëtt Design ainsi que de la filiale Frëtt Solutions créée au début de la pandémie pour trouver des solutions écologiques aux masques jetables.

Photo : Radio-Canada / Isabelle Larose

Plusieurs scientifiques du monde entier travaillent avec Michelle Secours et attestent la qualité de ses produits.

J’ai fait plusieurs tests qui démontrent que les masques Frëtt Design sont comparables à des N95, rapporte Rudolph Jaeger, docteur en toxicologie biochimique, chercheur scientifique et membre de l'American Board of Toxicology, qui a personnellement testé les masques gaspésiens dans son laboratoire du New Jersey.

Un scientifique dans un laboratoire.

Le toxicologue américain Rudoph Jaeger a testé plusieurs masques de Frëtt Design dans son laboratoire du New Jersey et affirme qu'ils sont aussi efficaces que les masques N95.

Photo : Avec l'autorisation de Rudoph Jaeger

Le consultant scientifique indépendant Antoine Palangié partage les constats du Dr Jaeger.

Ces masques ont une très bonne respirabilité et une excellente filtration, et on ajoute à ça le fait que ce sont des masques durables, précise-t-il. On peut les laver plus d’une centaine de fois et ils vont pouvoir garder ce niveau exceptionnel de performance.

Les masques de l'entreprise gaspésienne sont pourtant vendus à 90 % sur les marchés étrangers, car Québec n’a pas autorisé leur utilisation en milieu de travail en vertu de sa propre norme.

Pourtant, des médecins et des dentistes en portent en France, tandis que des pompiers et des policiers en utilisent aux États-Unis.

« Je trouve que ça n’a pas de sens qu’il y ait des médecins qui utilisent nos masques en France, mais que mes enfants partent encore à l’école avec un masque jetable. »

— Une citation de  Michelle Secours, présidente de Frëtt Design

La femme d'affaires gaspésienne juge la norme québécoise quasi inatteignable et désuète. Elle précise qu’un seul laboratoire est certifié pour faire les tests nécessaires à l’attestation des masques réutilisables, ce qui fait en sorte que la marge d’erreur des tests ne peut pas être comparée.

Le problème au Québec, c’est que la norme n’est pas mise à jour, déplore Mme Secours. L’attestation est très compliquée et ultra-coûteuse à obtenir. Elle ne permet aucune marge de manœuvre. C’est vraiment un procédé complexe et stagnant. Nous sommes bloqués à cause de ça.

Un masque avec un logo de service d'urgence.

Des services d'urgence floridiens utilisent les masques gaspésiens de Frëtt Design.

Photo : Radio-Canada / Isabelle Larose

Pour l’instant, l'organisme québécois responsable de l'attestation des masques en milieu de travail, le Bureau de normalisation du Québec, a autorisé un seul masque réutilisable. Il ne s’agit toutefois pas d’un masque lavable mais plutôt d’un dispositif dont l’entretien doit se faire avec de la chaleur sèche.

Le Québec n’a pas de vision en ce qui concerne l’utilisation des masques réutilisables, déplore Michelle Secours.

Le consultant indépendant Antoine Palangié est lui aussi d’avis que le Québec fait fausse route dans sa gestion des masques réutilisables en milieu de travail.

« Élaborer sa propre norme, surtout pour une population aussi petite que celle du Québec, est un non-sens. Ça ne fait qu’aliéner le Québec du marché possible pour les masques réutilisables. »

— Une citation de  Antoine Palangié, consultant indépendant

Le toxicologue américain Rudolph Jaeger se montre tout aussi critique de la façon de faire québécoise.

Le problème, c'est que le Québec applique une norme conçue pour des environnements de travail avec des niveaux de particules élevés, comme les mines, affirme le Dr Jaeger. Il n’y a pas de raison d’exiger la même chose pour quelqu’un qui est assis derrière un bureau.

Le Bureau de normalisation du Québec indique que c'est la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail qui fixe les critères de la norme québécoise. La CNESST n'a toutefois pas donné suite à nos questions vendredi.

Une catastrophe écologique

Motivée par les conséquences écologiques des masques jetables, Michelle Secours refuse de baisser les bras.

Elle cite avec désarroi une étude de l’Université Concordia qui montre qu'un seul masque altéré par des rayons ultraviolets et par le frottement peut libérer 16 millions de microparticules de plastique après 36 heures dans l'environnement.

Depuis le début de la pandémie, on estime que 129 milliards de masques faciaux sont utilisés chaque mois dans le monde. On est en train de créer la prochaine catastrophe écologique, se désole Michelle Secours.

Des masques dans les poubelles.

Selon des études, 129 milliards de masques à usage unique sont jetés tous les mois sur la planète (archives).

Photo : Radio-Canada / Rob Kruk

On ne va pas lâcher prise, assure l’entrepreneure gaspésienne. On a trouvé une solution. Personne au Canada et probablement personne dans le monde ne fait un produit aussi performant qui se met dans la machine à laver.

L’entreprise de Caplan est en processus d’homologation avec Santé Canada ainsi qu’auprès de laboratoires français pour l'utilisation de ses masques comme équipement médical. L'avenir dira si l'obtention de ces normes pourrait faire bouger le Québec.

Vos commentaires

Veuillez noter que Radio-Canada ne cautionne pas les opinions exprimées. Vos commentaires seront modérés, et publiés s’ils respectent la nétiquette. Bonne discussion !

En cours de chargement...