Convoi de camionneurs : Ottawa préoccupé par « l’ingérence étrangère »

La manifestation des camionneurs se poursuivait encore mardi à Ottawa.
Photo : Radio-Canada / Simon Lasalle
Nourriture, diesel, chauffage, chambres d’hôtel : les manifestants d’Ottawa qui occupent le centre-ville depuis 14 jours sont bien équipés, et les organisateurs ne semblent pas manquer d’argent.
Mais d’où proviennent les dizaines de millions de dollars qui financent les contestations antimesures sanitaires et les blocages de camionneurs à plusieurs endroits au pays?
À Ottawa, des députés de tous les partis dénoncent le fait que ces fonds viennent d’autres pays comme les États-Unis, et peut-être même de la Russie ou de la Chine.
Il y a des groupes, soit par du financement, ou des groupes plus extrémistes qui se servent de la situation pour prendre possession d’Ottawa
, estime le député conservateur Pierre Paul-Hus.
L’occupation d’Ottawa par le mouvement baptisé Convoi pour la liberté
a reçu l’appui de nombreuses figures influentes de la droite américaine, notamment de l’ex-président américain Donald Trump, qui a qualifié Justin Trudeau de fou de l’extrême gauche
, dont les politiques sanitaires auraient détruit le Canada
.
Ça fait plaisir aux républicains de droite aux États-Unis, aux trumpistes et aux complotistes, de déstabiliser la démocratie canadienne
, croit le député québécois du Nouveau Parti démocratique (NPD), Alexandre Boulerice.
« De créer une forme de chaos dans la ville d’Ottawa, c’est ce que je dénonce. Et s’il y a des gens de l’extérieur qui financent le chaos chez nous, je le dénonce encore plus. »
Cela préoccupe également la députée bloquiste Kristina Michaud. On a l'impression que ça vient jouer dans notre démocratie, alors qu’elle appartient aux citoyens du Canada et du Québec
, dit-elle.
Dons anonymes et suspicieux
Les organisateurs du convoi à Ottawa ont amassé des dizaines de millions de dollars en quelques semaines; un record. Toutefois, les sommes collectées proviennent en grande partie de dons anonymes, par l'entremise de plateformes de sociofinancement comme GoFundMe et GiveSendGo.
C’est clair qu’ils sont financés par de l’argent étranger
, a lancé le chef du NPD, Jagmeet Singh. Que fait le premier ministre?
Justin Trudeau a répondu que le Canada a travaillé avec ses partenaires internationaux pour surveiller les fonds qui vont aux activités criminelles au pays
, mais sans donner plus de détails.
C’est insuffisant pour de nombreux élus qui souhaitent faire la lumière sur le manque de transparence
et la possibilité d’interférence étrangère
qui entoure ces manifestants. C’est dérangeant que ça ne soit pas encadré
, croit la bloquiste Kristina Michaud.
Le dossier sera à l’étude au Comité permanent de la sécurité publique, jeudi après-midi.
« En politique, on ne peut pas faire de dons de façon anonyme. Alors, quand c’est pour financer un mouvement qui peut déraper, et que n’importe qui de l’étranger peut s’ingérer, ça devient préoccupant. »
Quand des sommes étrangères financent un convoi dont le but avoué est de renverser un gouvernement élu par des gens non élus, ça, c’est une activité illégale et c’est inacceptable
, estime le néo-démocrate Alexandre Boulerice.
Une question de sécurité nationale
Le centre-ville de la capitale canadienne est occupé depuis 14 jours. Le pont transfrontalier le plus achalandé au pays est paralysé depuis le début de la semaine. Environ 350 millions de dollars de marchandises passent chaque jour sur le pont Ambassador, entre Windsor et Détroit.
Ce qui m’inquiète, c’est le manque de transparence
sur la provenance de ces fonds, affirme le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino. C’est un enjeu qui touche l’interférence étrangère et la sécurité nationale.
Selon le NPD, c’est possible que de grandes puissances comme la Chine ou la Russie
, qui ont déjà des antécédents de perturbation de campagnes électorales étrangères, puissent essayer de tirer des ficelles au Canada. On ne le sait pas; c’est pour ça qu’il faut une enquête
, dit Alexandre Boulerice.
Le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE), l’organisme responsable de détecter et de prévenir le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes au pays, doit comparaître en comité jeudi.
GoFundMe a également été convoquée au comité. Cependant, les élus d’Ottawa devront prendre leur mal en patience.
L'entreprise souhaite repousser sa comparution au 3 mars, parce qu’elle doit composer avec une série de contrecoups de relations publiques et juridiques
aux États-Unis depuis qu’elle a annulé la campagne de financement du convoi.
La justice de 10 États américains souhaite intenter des poursuites contre GoFundMe en raison de sa décision qui touche le Canada.