L’isolement des aînés plus mortel que la COVID-19?

Un infirmier auprès d'une résidente d'un centre de soins. (Archives)
Photo : Associated Press / The Philadelphia Inquirer / Tim Tai
L’isolement des personnes âgées en résidence pendant la première année de la pandémie aurait fait plus de dommages que la COVID-19 elle-même, selon une vaste étude américaine qui a recensé les décès dans 15 000 centres d’hébergement.
Pour arriver à cette conclusion, les auteurs de l’étude ont comparé les décès dans les centres de meilleure qualité, plus efficace dans l’application des mesures sanitaires, avec ceux des centres au bas de l’échelle.
L’analyse des données révèle qu’au total, le nombre de morts a été de 8,4 % plus élevé dans les centres dits de meilleure qualité même si les décès associés à la COVID-19 étaient beaucoup moins nombreux dans ces établissements. Les chercheurs arrivent donc à la conclusion que l’isolement des aînés, les mesures de confinement et les visites limitées, sinon interdites, ont précipité le décès de nombreuses personnes âgées.
Nos résultats suggèrent que des directives plus équilibrées mettant l’emphase sur la santé des résidents, plutôt qu’uniquement tenter de limiter la propagation d’une seule maladie, auraient pu donner de meilleurs résultats
, avancent les auteurs.
Selon le professeur à la Faculté des sciences infirmières de l’Université Laval, Philippe Voyer, le Québec doit absolument tirer des leçons de ces conclusions. On a encore aujourd’hui des gens qui peuvent être isolés dans leur chambre en CHSLD ou en RPA pendant 30 jours. Ça, ces pratiques-là, elles sont de plus en plus difficiles à défendre sur le plan scientifique.
« La pratique d’isoler les gens, on pourrait l’abandonner parce qu’au bout de la ligne c’est celle qui a fait le plus mal et qui a fait en sorte qu’il y a eu une surmortalité chez la clientèle. »
Pour consulter l'étude complète de l'Université de Notre Dame [en anglais], cliquez ici (Nouvelle fenêtre).
Pas une critique du passé
Philippe Voyer précise que ses propos ne sont pas une critique de ce qui a été fait dans le passé
, mais plutôt un appel à remettre les mesures de confinement des aînés en question maintenant que le virus est mieux connu. Le message que ça nous envoie cette étude-là c’est de dire : "écoutez, on est rendu en 2022, on est vraiment ailleurs par rapport à la COVID dans notre capacité de la gérer, de la traiter".
Dans les derniers jours, le premier ministre François Legault a d’ailleurs demandé aux propriétaires de résidence pour aînés d’éviter l’excès de zèle
face à la COVID-19, déplorant que des personnes âgées étaient contraintes à manger seules dans leur chambre depuis des semaines alors que les repas à quatre dans la salle commune étaient permis par le gouvernement.
Quant aux isolements prolongés, les directives du ministère de la Santé envoyées aux CHSLDavoir une approche de gestion de risques afin de prendre une considération les impacts d’un isolement préventif
sur la santé mentale et physique des usagers. L’implication et le consentement de l’usager/résident ou de son représentant légal dans la prise de décision sont nécessaires
, peut-on lire dans le même document.
Améliorations
La directrice des soins infirmiers des CHSLD
Côté-Jardin et Jardins-du-Haut-Saint-Laurent confirme que les pratiques d’isolements ont déjà beaucoup changé depuis la première vague où tous les aînés étaient confinés à leur chambre. Désormais, seuls les résidents qui obtiennent un résultat positif doivent s’isoler.Stéphanie Perron confirme qu’après la première vague, les équipes de soins ont constaté que beaucoup de résidents avaient perdu des capacités autant physiques que mentales
à la suite de la période de confinement.
Les équipes de soins ont aussi mis en place des mesures de repérage précoce des signes de déconditionnement
pour aider le plus rapidement possible les aînés à récupérer d’une période d’isolement.
Assouplissements à venir
Le Regroupement québécois des résidences pour aînés se bat depuis déjà quelques semaines pour un assouplissement des mesures sanitaires.
Les gens sont triplement vaccinés. Il y a des cas, mais il y a très peu d'hospitalisations, donc est-ce qu'on peut les laisser vivre un peu?
demande le PDG Marc Fortin.
Il demande lui aussi à ce que le Québec tire des leçons du confinement de la première vague. Quand vous enfermez des gens pour 3,4 ou 6 semaines dans un 300 pieds carrés, d'un certain âge, le déconditionnement arrive rapidement. […] Il y a des gens qui ne remarcheront jamais. Il y a des gens qui sont décédés. C'est vraiment triste.
Le plan de déconfinement annoncé mardi par le gouvernement Legault prévoit notamment permettre à plus de visiteurs de se rendre dans les CHSLD
et les RPA du Québec.Dans les dernières semaines, seuls les proches aidants y avaient accès, mais à partir du 12 février n’importe quel visiteur sera admis à condition qu’il possède un passeport vaccinal valide. La limite a été fixée à deux visiteurs à la fois dans les RPA
et un seul dans les CHSLD .Avec les informations d'Audrey Paris