DPJ : Régine Laurent se questionne sur les intentions du gouvernement Legault

Régine Laurent, présidente de la Commission spéciale sur les droits de l'enfant et la protection de la jeunesse, a été la première à commenter le projet de loi 15 en commission parlementaire, mardi.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Les consultations sur le projet de loi 15, qui modifie la Loi sur la protection de la jeunesse (LPDJ), ont débuté mardi à Québec par la présentation de Régine Laurent. Celle qui a présidé la commission spéciale sur le sujet s'est inquiétée de ce que le projet de loi ne fasse pas passer l'intérêt de l'enfant « au-dessus des autres considérations ».
Mme Laurent, qui témoignait à titre personnel, a reconnu que le projet de loi répond à plusieurs des recommandations
de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse (CSDEPJ).
Mais elle s'est interrogée sur la formulation suivante contenue dans le préambule du projet de loi : considérant que l'intérêt de l'enfant est une considération primordiale dans toute décision prise à son sujet [...]
.
L'intérêt de l'enfant devrait être LA considération primordiale, et non une considération parmi d'autres
, objecte Mme Laurent. Pourquoi ne pas avoir été plus affirmatif et régler cela une fois pour toutes?
D'après Régine Laurent, ce changement de termes
risquerait d'entraîner un changement de paradigme
.
« Pour la Commission, il s’agissait de faire passer l’intérêt de l’enfant avant toute autre considération, a-t-elle rappelé. Et, oui, cela pouvait avoir pour effet de faire passer les intérêts des parents, et autres intervenants, en second plan. »
Le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, qui a présenté le projet de loi le 1er décembre dernier, a dit avoir bien noté cette demande de reformulation pour exprimer la primauté de l'intérêt de l'enfant.
Les intentions du gouvernement
Régine Laurent demande par ailleurs à connaître les intentions du gouvernement
de François Legault quant à la suite qu'il entend donner aux recommandations de la commission qu'elle a présidée.
Elle a notamment rappelé l'une de ses recommandations phares, soit la création d'un poste de commissaire pour le respect et la promotion des droits de tous les enfants
.
Ce commissaire, a expliqué mardi Mme Laurent, portera un chapeau de surveillance des droits des enfants
. Il exercera une vigie
en surveillant la mise en œuvre de programmes et en se demandant s'ils améliorent ou pas le sort des enfants.
Il exercera aussi une surveillance des enfants qui décèdent chaque année au Québec, notamment ceux qui sont sous la responsabilité de l'État
, dit encore Régine Laurent. Et ce, pour avoir une vision globale de ce qui passe
avec ces décès.
La commission d'enquête présidée par Régine Laurent avait été mise sur pied un mois jour pour jour après le décès tragique d'une fillette de sept ans à Granby, le 30 avril 2019. L'enfant était connue et suivie depuis sa naissance par les services sociaux et de santé.
Dans cette affaire, la belle-mère de l'enfant a été reconnue coupable de séquestration et du meurtre non prémédité de l'enfant.
Le rôle de cet éventuel commissaire au bien-être et aux droits des enfants sera différent de celui de la directrice nationale de la protection de la jeunesse, nommée par Québec en mars 2021. Cette dernière, a expliqué Mme Laurent, est une sorte de chef d'orchestre
qui s'assure qu'on harmonise les pratiques, qu'on suit globalement la trajectoire de soins des enfants et qui exerce les contrôles requis pour s'assurer que les directives sont suivies
.
Pas une révolution...
Mardi, les parlementaires ont aussi entendu le point de vue de l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec.
Ce n'est pas le projet de loi 15 qui révolutionnera le sort des enfants
victimes de maltraitance et de négligence au Québec, fait remarquer l'Ordre des travailleurs sociaux, dont le tiers des 15 000 membres travaille auprès de jeunes et de familles.
Pour changer de manière significative et concrète
le sort de ces enfants vulnérables, des investissements s'imposent de manière urgente en promotion et en prévention, selon l'Ordre.
Il faut aussi développer des services de proximité pour les enfants et les familles, insistent les travailleurs sociaux.
Confidentialité des renseignements
Quand le projet de loi 15 aura été adopté, la Direction de la protection de la jeunesse pourra divulguer à toute personne des renseignements confidentiels sans le consentement de la personne concernée.
Cette volonté d'ouverture du législateur est saluée par l'Ordre des travailleurs sociaux, qui y voit néanmoins un péril si des mécanismes de vigilance
ne sont pas mis en place.
Le partage d'information ne doit pas porter préjudice aux personnes ni porter atteinte à leur vie privée, explique Pierre-Paul Malenfant, président de l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec.
Cela dit, de l'avis de M. Malenfant, rien ne doit empêcher l'échange d'informations lorsqu'un enfant est en danger
.
« Aucun enfant maltraité, abusé, négligé ne doit être considéré sous l'angle de : "Je ne peux pas en parler vu le secret professionnel". Il y a une culture à installer par rapport à ça pour éviter la rigidité. »
Cependant, il faut être capable de discriminer ce qu'il est nécessaire et pertinent de divulguer, précise Marie-Lyne Roc de l'Ordre des travailleurs sociaux. Et ça, ça demande de la formation.
En entrevue avec radio-canada.ca, M. Malenfant a précisé que les travailleurs sociaux recevaient une formation d'une durée de deux jours à cet égard. Pour instaurer ces balises et ces bonnes pratiques, il rappelle à Québec que des recherches ont été menées, notamment à l'international.
Des rapports produits plus rapidement
Le projet de loi 15 réclame par ailleurs des travailleurs sociaux qu'ils produisent leurs rapports d'expertise dans des délais plus courts. Mais il faut s'assurer qu'on a les ressources pour ce faire
, prévient M. Malenfant, qui voit dans cette future exigence un fardeau supplémentaire
pour ses membres.
Pour un travailleur social, recommander de placer un enfant hors de son milieu familial, par exemple, est une décision importante. Avant de la prendre, il faut faire le tour
de tout ce que ça implique, dit encore le président de l'Ordre.
La pénurie de main-d'œuvre frappe durement dans les rangs des travailleurs sociaux. Des centaines d'entre eux ont quitté leur emploi, affirme Pierre-Paul Malenfant, qui recommande l'admission d'un plus grand nombre d'étudiants dans les programmes universitaires du Québec.
Mardi, les commissaires ont aussi entendu le son de cloche de l'Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec, de l'Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux.
Les consultations et auditions publiques sur le projet de loi 15 se poursuivent jusqu'à jeudi inclusivement.
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