•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Pollution : le producteur de nickel Glencore dénonce une « chasse aux sorcières »

Un plan large et éloigné du port de Québec.

Un rapport de 2013 a déterminé que le port de Québec était la principale source du nickel dans l'air de Limoilou. (Archives)

Photo : Radio-Canada / Carl Boivin

La minière Glencore Canada soutient que les limites de nickel dans l’air « trop sévères » du Québec mènent à des « chasses aux sorcières » qui minent la réputation de l’entreprise. L’entreprise déplore qu’elle soit trop souvent montrée du doigt à tort pour les dépassements fréquents des normes dans les mesures de qualité de l’air de Limoilou.

On cherche un coupable, on fait une chasse à la sorcière, notre nom a été mentionné à quelques reprises, c'est là le bobo, a expliqué Amélie Rouleau, directrice des affaires publiques pour la mine Ragland exploitée par Glencore.

Selon elle, la norme qui établit la moyenne annuelle maximale à 14 nanogrammes de nickel par mètre cube d’air n’a pas de base scientifique valable. Par conséquent, elle estime que les dépassements envoient un signal erroné dans la population que leur santé est potentiellement en jeu.

Le ministère de l’Environnement affirme d’ailleurs que les faiblesses méthodologiques des études sur lesquelles est basée la norme actuelle une des raisons de vouloir faire passer la limite à 20 nanogrammes par mètre cube, comme c’est le cas en Ontario et en Europe.Pour une entreprise, c'est important d'avoir les normes les plus constantes possibles, parce que c'est ce qui nous permet d'avoir un peu de prévisibilité, fait valoir Alexis Segal, directeur des relations gouvernementales pour Glencore.

Depuis 2019, la minière est la seule entreprise qui gère du nickel en vrac au port de Québec. L’entreprise affirme qu’elle mesure régulièrement les rejets de nickel dans l’air en provenance de ses installations portuaires, mais refuse de partager les résultats de ces analyses et de dire si ses opérations contribuent aux dépassements fréquents dans le quartier Limoilou.

Amélie Rouleau souligne que plusieurs dizaines de millions de dollars ont été investis dans les dernières années pour limiter au maximum les rejets de nickel dans l’air. Aucune opération de transbordement de nickel ne se déroule à ciel ouvert.

Plus de surveillance

La Ville de Québec recommande de surveiller plus étroitement les quantités de nickel dans l’air pour identifier les sources de pollution. La seule station de mesure qui s’assure du respect des normes révèle qu’elles sont dépassées sur 7 % à 10 % des relevés.

Pour les mesures quotidiennes, le gouvernement souhaite faire passer la limite moyenne acceptable de nickel dans l’air de 14 nanogrammes par mètre cube à 70 nanogrammes. Dans l’état actuel des choses, même cette nouvelle norme cinq fois plus permissive serait dépassée sur 1 % à 5 % des mesures.

Dans une présentation devant les élus municipaux réunis en comité plénier, le directeur de la prévention et du contrôle environnemental à la Ville de Québec a démontré que les concentrations de nickel dans l’air sont plus élevées dans certains secteurs de Québec que partout ailleurs au Québec.

Le Vieux-Limoilou est de loin le secteur où on retrouve le plus de nickel dans l'air au Québec.

Le Vieux-Limoilou est de loin le secteur où on retrouve le plus de nickel dans l'air au Québec.

Photo : Gracieuseté : Ville de Québec

Tout en précisant qu’il reviendra aux élus de se prononcer sur l’augmentation des limites permises proposées par le ministère de l’Environnement, Mathieu Alibert recommande néanmoins une meilleure surveillance du nickel dans l’air des quartiers centraux de Québec.

Une seule station, située dans le Vieux-Limoilou, mesure les concentrations une fois tous les deux jours. Étant donné que la norme est une norme sur l’air ambiant, on pense que pour l’appliquer, une seule station c’est insuffisant selon nous pour arriver à faire la preuve hors de tout doute de l’origine de la contamination.

Il serait donc souhaitable, selon le département de la prévention et du contrôle environnemental, d’ajouter des stations de surveillance de la qualité de l’air et d’augmenter la fréquence des échantillonnages.

Mathieu Alibert ajoute que de manière générale, des normes plus strictes ont un effet bénéfique pour la réduction des émissions. Après, il faut tenir compte du contexte local, et de l'engagement des différents partenaires. Je ne veux pas présumer de leur volonté à bien s'intégrer dans le milieu et réduire leurs impacts.

Les moyens de sévir

Dans sa propre présentation devant les élus, le sous-ministre adjoint au ministère de l’Environnement a fait valoir que le gouvernement avait tous les pouvoirs nécessaires pour sévir contre les entreprises qui contrevenaient aux normes en matière de qualité de l’air.

Jacob Martin-Malus a précisé que depuis 2018, 23 inspections avaient été menées dans des entreprises du port de Québec. Trois avis de non-conformité avaient été remis, mais aucun concernant les émissions de nickel dans l'air. Je vous confirme que le ministère a ce qu’il faut pour pouvoir assurer le suivi de la législation et de la réglementation québécoise, assure-t-il.

Il précise aussi que les nouvelles normes de 70 nanogrammes par mètre cube sur une base quotidienne et de 20 nanogrammes par mètre cube sont des valeurs limites à respecter en tout temps par l’industrie. Les normes actuelles sont moins contraignantes puisqu’il s’agit d’une cible à atteindre, plutôt qu’un maximum absolu.

Le directeur général du Conseil régional de l’environnement (CRE), Alexandre Turgeon, rétorque que le port de Québec a plutôt démontré à mainte reprise qu’il était un mauvais citoyen corporatif. Il y a eu une attitude assez fréquente des utilisateurs du port, et du Port qui a supporté les contestations juridiques, en disant : "Nous n'avons pas à nous plier aux juridictions du gouvernement du Québec et à celle de la Municipalité parce qu'on est sur un territoire fédéral, et ils ont gagné devant les tribunaux".

« On a souvent la fâcheuse impression que ce territoire-là du port de Québec est aux pollueurs ce que les îles Caïmans et les Bermudes sont à ceux qui font de l'évasion fiscale. »

— Une citation de  Alexandre Turgeon, directeur général du Conseil régional de l’environnement

Inégalités sociales de santé

La santé publique de la Capitale-Nationale, elle aussi invitée à détailler sa position devant les élus, rappelle que les résidents de la Basse-Ville ont de 1,3 à 2 fois plus de risques d'avoir des problèmes de santé pour des raisons sociales, économiques et environnementales.

Le Dr André Dontigny juge que les risques pour la santé des nouvelles normes proposées sont minimes. Au-delà d'une question de norme, il estime toutefois que tous les partenaires doivent poursuivre leurs efforts pour faire diminuer les concentrations de nickel dans Limoilou et la Basse-Ville.

La santé publique travaille toujours à l'élaboration d'un mémoire qui sera déposé d'ici le 20 février dans le cadre des consultations du gouvernement du Québec. Le maire Bruno Marchand, qui souhaitait entendre les experts invités au plénier avant de se prononcer, doit prendre position dans les prochains jours.

Vos commentaires

Veuillez noter que Radio-Canada ne cautionne pas les opinions exprimées. Vos commentaires seront modérés, et publiés s’ils respectent la nétiquette. Bonne discussion !

En cours de chargement...