Toronto envisage éloigner les sociétés de prêt sur salaire des groupes vulnérables
Money Mart est une société de prêt sur salaire.
Photo : Radio-Canada / Lyne-Françoise Pelletier
En 2019, la banque de Shelly-Ann Allan a refusé de lui prêter l'argent dont elle avait besoin pour payer les funérailles de son père, et elle a dû se tourner vers une société de prêt sur salaire.
Malheureusement, son beau-père est mort, lui aussi, peu après. Elle a dû contracter un autre prêt à un taux d'intérêt très élevé. Elle devait toujours 1500 $ du premier prêt à ce moment-là.
Les taux d'intérêt [se sont] accumulés et accumulés. Ça m'affecte toujours
, a déclaré Mme Allan, qui vit près du quartier Jane et Finch. On y trouve un nombre disproportionné d'entreprises de prêts sur salaire.
Des activistes affirment que la concentration de ces entreprises dans les communautés à faible revenu contribue à perpétuer le cycle de la pauvreté. C'est pourquoi le conseil municipal de Toronto discute cette semaine d'une recommandation de son comité du logement et de l'urbanisme qui interdirait aux nouveaux points de vente de prêts sur salaire de s'installer à moins de 500 mètres des bureaux des services sociaux, des logements sociaux, des magasins d'alcool, des casinos et des prêteurs sur gage.
Il s'agit d'une version corrigée. Une version précédente de cet article identifiait Easyfinancière comme une société de prêt sur salaire. Easyfinancière est en fait une société de crédit.
Selon le contrat que Mme Allan a signé avec la société de crédit Easyfinancière, son taux d'intérêt cumulatif s'élève maintenant à 47 %. Elle doit 24 000 $, et sa dette risque d’augmenter rapidement.
Elle affirme que la solution à l'étude au conseil municipal n’est pas suffisante. Selon elle, les banques traditionnelles sont le problème.
La banque n'a pas voulu me prêter de l'argent parce qu'elle a dit que je ne serais pas capable de le rembourser
.
Limites de zonage
Actuellement, les prêteurs de l'Ontario ne peuvent facturer plus de 15 $ d'intérêts pour chaque tranche de 100 $ empruntés.
Malgré cela, Andreas Park, professeur de finance à l'Université de Toronto, affirme que les taux annuels en pourcentage peuvent atteindre plus de 400 % pour les prêts sur salaire à court terme, et que des intérêts supplémentaires peuvent être appliqués si le prêt n'est pas remboursé à la fin du terme, conformément à la Loi sur les prêts sur salaire.
Selon un rapport du personnel de la Ville publié en 2021, les restrictions de zonage ne s'appliqueraient qu'aux nouveaux établissements, et ne pourraient pas s'appliquer rétroactivement aux établissements existants.
En 2018, la Ville a plafonné le nombre d'emplacements de prêts sur salaire sur son territoire. Selon la municipalité, les règles ont contribué à une diminution de plus de 20 % du nombre de ces établissements, passant de 212 à 165.
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Le conseiller Anthony Perruzza, qui représente le quartier 7, Humber River-Black Creek, affirme que les restrictions imposées à ces prêteurs sur salaire font partie de l'initiative de réduction de la pauvreté de la Ville.
Ce plan est toujours en cours d'élaboration
, a-t-il ajouté.
Selon M. Park, l’idée de changer les règles de zonage ne s’attaque pas au cœur du problème.
Il est assez frappant de constater que ces prêteurs sur salaire sont si répandus dans les quartiers pauvres, et qu'il n'y a pas de meilleur service offert
, a déclaré M. Park, qui convient que les groupes vulnérables ont besoin d'un meilleur accès à des prêts avec des taux d'intérêt raisonnables.
Pourquoi n'avons-nous pas de systèmes en place pour les aider à surmonter certains des défis auxquels ils sont confrontés?
Donna Borden, responsable d'East York ACORN, une organisation de défense des groupes à revenu faible et moyen, affirme que Toronto devrait suivre l'exemple d'Ottawa et de Hamilton, qui ont déjà mis en place des restrictions de zonage.
Plus les résidents voient ces commerces fréquemment, plus ils sont susceptibles d'envisager d'accéder à ces prêts à intérêts composés élevés
, a écrit Mme Borden dans une lettre adressée à la Ville.
Nous pensons qu'il ne s'agit pas d'une question de logique de planification, mais d'équité, de droits de l'homme et de services bancaires équitables.
Des demandes aux autres gouvernements
La dernière fois que le conseil municipal de Toronto a discuté du sujet, c'était en décembre 2020. On y a fait de nombreuses demandes au gouvernement fédéral pour qu'il modifie ses lois afin d’être plus agressifs contre les comportements prédateurs
de certains prêteurs.
De plus, un porte-parole du ministère fédéral des Finances a déclaré dans un courriel que le gouvernement envisageait de sévir contre les prêteurs prédateurs en abaissant le taux d'intérêt criminel, qui est actuellement fixé à 60 % par année. Toutefois, les prêteurs sur salaire sont exemptés de cette disposition dans les provinces qui ont leur propre système de réglementation financière, comme l'Ontario.
De son côté, un porte-parole du gouvernement de l'Ontario a déclaré à CBC News que les commentaires issus d'une consultation menée en 2021 auprès des parties prenantes et du public sur les moyens de s'attaquer à ce problème étaient à l’étude.
Avec les informations de CBC News