Langues officielles : un jugement favorable ravive les appels à moderniser la loi
Le gouvernement fédéral promet le dépôt d'un projet de loi « dans les plus brefs délais ».

La Cour d'appel fédérale a jugé qu'Ottawa a failli à ses obligations linguistiques en transférant la responsabilité d'un programme d'aide à l'emploi à la Colombie-Britannique.
Photo : Radio-Canada / Marc Godbout
La décision de la Cour d’appel fédérale publiée vendredi, qui conclut qu’Ottawa a failli à ses obligations linguistiques en transférant des services d’aide à l’emploi à la Colombie-Britannique sans en considérer les répercussions sur les communautés francophones de la province, ravive les appels à moderniser la Loi sur les langues officielles, une promesse du gouvernement libéral.
Il sera intéressant de voir si les principes énoncés dans cette décision vont être retenus dans ce projet de modernisation
, a déclaré le commissaire aux langues officielles du Canada, Raymond Théberge, en entrevue lundi à l’émission Phare Ouest.
C’est clair maintenant que le fédéral doit consulter la communauté, tenir compte des besoins de la communauté dans ses décisions vis-à-vis de programmes spécifiques, explique-t-il. C’est certainement un rappel à l’ordre envers Ottawa [quant à la manière] dont il traite ses communautés.
Des années devant les tribunaux
En 2008, le gouvernement fédéral a conclu une entente avec la Colombie-Britannique visant le transfert de la gestion des services d’aide à l’emploi à la province, ce qui a mené quelques années plus tard à la fermeture de cinq centres d’aide offrant des services en français.
Dans leur décision, les trois juges de la Cour d’appel fédérale ordonnent à Ottawa de rectifier le tir et de voir à ce que soit reconstitué, dans la mesure du possible, le réseau d’aide à l’emploi avec la participation des organismes francophones.
On nous dit clairement : vous avez droit à ce que ces services soient rétablis
, a dit vendredi la présidente de la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (FFCB), Lily Crist, en entrevue.
La FFCB, qui représente la communauté de langue française de la province, est l’organisme qui a porté la cause jusqu’en Cour d’appel fédérale. Le recours a été intenté en 2013.
Pour nous, les enjeux seront vraiment d’avoir des discussions et de travailler de bonne foi avec nos homologues provinciaux, aussi bien que fédéraux, afin de rétablir ce qui a été enlevé à notre communauté
, a-t-elle ajouté.
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Une victoire peut-être temporaire?
L’avocat de la FFCB, Mark Power, souligne toutefois que cette victoire judiciaire pourrait être de courte durée.
Les gains réalisés en Cour d'appel fédérale peuvent disparaître en Cour suprême, dit-il. La façon de régler de manière permanente ces problèmes et de répondre aux besoins de la communauté francophone de la Colombie-Britannique, c'est en modifiant la Loi sur les langues officielles.
C’est le dossier de l’heure, et il faut vraiment, comme communauté, bien fixer cet objectif qui ne devrait pas changer malgré [cette] avancée.
Le bureau de la ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, affirme dans une déclaration que la modernisation de la loi est une priorité absolue
du gouvernement et qu’il travaille d’arrache-pied depuis les derniers mois pour redéposer rapidement un projet de loi ambitieux
.
Un projet de loi précédent, présenté en juin dernier, est mort au feuilleton en raison du déclenchement des élections fédérales de septembre.
Un projet de loi déposé dans les plus brefs délais
Le commissaire aux langues officielles et le directeur général de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) s’attendent tous deux à ce que le projet de modernisation soit déposé dans les prochaines semaines.
Il est important, selon Alain Dupuis, de la FCFA, que le gouvernement clarifie
la notion de mesure positive
qui se trouve actuellement dans la Loi sur les langues officielles.
En vertu de la loi, le gouvernement doit favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada
, et les institutions fédérales doivent pour ce faire veiller à ce que soient prises des mesures positives
.
La Cour d’appel fédérale a indiqué dans sa décision de vendredi que cela implique notamment qu’elles agissent dans la mesure du possible
de manière à favoriser l’épanouissement des minorités de langue officielle et, si des décisions sont susceptibles d’avoir une incidence négative, de manière à pallier ou atténuer ces répercussions négatives
.
La Cour d’appel fédérale a corrigé un jugement qu’on trouvait mauvais pour nos communautés
, dit Alain Dupuis, qui appelle maintenant le gouvernement à légiférer pour ancrer ces notions de façon plus solide dans le droit et pour éviter d’avoir à retourner devant les tribunaux
.
Le bureau de la ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, reconnaît par courriel que ce jugement est de nature à avoir des répercussions sur l’interprétation de la loi et que cela pourrait influencer certaines requêtes de la part des différents acteurs impliqués dans sa refonte.
Nous analyserons les possibles incidences de cette décision et nous restons engagés à déposer notre Loi sur les langues officielles modernisée dans les plus brefs délais
, déclare-t-il.
Le bureau de la ministre a confirmé, mardi, qu'elle ne pourrait respecter la date butoir originale du 3 février pour déposer le projet de refonte de la Loi sur les langues officielles.
Avec des informations de Jacques Dufresne