Agriculteurs : se reconstruire après les inondations en Colombie-Britannique

Dave Martens a lancé son exploitation en 1990, et tous ses enfants sont nés à cette ferme.
Photo : Radio-Canada
Touchés de plein fouet par les inondations historiques de novembre dernier, les agriculteurs d'Abbotsford, en Colombie-Britannique, tentent tant bien que mal de se reconstruire. Certains ont tout perdu et préfèrent jeter l’éponge, tandis que d’autres attendent toujours de l’aide financière de la province. Face à une menace climatique de plus en plus palpable, comment envisagent-ils l’avenir? Rencontre avec l’un d’entre eux.
Sur ses terres agricoles, dans la prairie de Sumas, Dave Martens tient à nous montrer l’ampleur des dégâts causés par les débordements d'eau. De nombreuses séquelles sont toujours présentes trois mois après la catastrophe.
Des appareils électroniques défectueux jonchent le sol de sa ferme, des traces d'eau sont toujours visibles sur les murs de ses granges, mais surtout, un silence inhabituel règne : l'exploitation agricole est mise sur pause.
Pour cet éleveur de poulets, le souvenir des inondations est encore très douloureux. En quelques heures, son champ a très vite été submergé, puis enseveli sous près de deux mètres d'eau. Dans l’urgence de la situation, il n’a pu sauver que la moitié de son élevage, laissant derrière lui plus de 40 000 volailles périr.
Une situation crève-cœur pour cet homme dont les volailles sont bien plus qu’un gagne-pain, et pour qui l’agriculture est une passion depuis plus de 30 ans.
« Tout a été noyé. C’était très douloureux et choquant; tout était devenu une soupe. »
Une aide financière qui se fait attendre
Depuis, la reconstruction se fait à petits pas.
D’abord, sur le plan mental, Dave Martens tente de tourner la page et de laisser ces mauvais souvenirs derrière lui.
Puis, sur le plan économique, les pertes causées par les inondations ont été considérables pour sa ferme familiale.
« Je travaille jour et nuit pour reconstruire. Et il n’y aura pas de retour à la normale avant septembre. »
Nous avons besoin d’argent, dit-il. J’ai contracté un crédit pour continuer à vivre; je ne peux pas attendre l’aide du gouvernement.
Comme Dave Martens, de nombreux agriculteurs d'Abbotsford critiquent le manque de soutien de la province et la lenteur pour obtenir des aides financières, qui se font toujours attendre.
« Le gouvernement ne nous aide pas. Nous ne voulons pas de plan; nous avons besoin d’argent maintenant. »
La semaine dernière, des producteurs de bleuets de la région ont rencontré des politiciens locaux pour leur faire part de leurs préoccupations et manifester leur impatience.
Ils ont besoin d’aide maintenant, pas dans six mois ou l’année prochaine, et j'espère que le gouvernement le comprend
, affirme le député libéral Mike de Jong, venu soutenir les fermiers.
Le ministère de l’Agriculture de la Colombie-Britannique affirme que les sinistrés des inondations pourront faire une demande d’aide de relance agricole ce mois-ci.
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Se préparer aux futures catastrophes
À sa ferme, Dave Martens attend bien plus que de l’argent de la part des gouvernements. Il souhaite la construction de digues à la frontière américaine pour mieux se préparer aux futures catastrophes.
Je ne vise aucun parti politique, car tous les gouvernements ont échoué à protéger et renforcer les digues, dit-il. Ils ont tous remis le problème au lendemain, sans jamais régler la situation.
Selon Jean-Thomas Cornélis, professeur en sciences du sol à l'Université de la Colombie-Britannique, c’est aussi l’empreinte de l’homme sur l’environnement qui a rendu la région d'Abbotsford vulnérable.
« On a perturbé les zones tampons naturelles ou l’eau peut s’accumuler et éviter de se retrouver dans les zones agricoles. Il faut réfléchir à ça et avoir une stratégie à long terme. »
Le professeur reconnaît que le travail de reconstruction et de réadaptation sera considérable pour les agriculteurs. Il ajoute que les sols ont été perturbés, rodés, et pourraient avoir été contaminés à certains endroits.
Après des vagues de chaleur, ils doivent se remettre maintenant des inondations, et chaque fois, c’est une réadaptation de l'agriculture. Il risque d’y avoir une fatigue mentale avec tout ce qu’ils ont vécu.
Pour se préparer, et surtout pour prévenir les futures catastrophes, Jean-Thomas Cornélis prône une réadaptation de l'agriculture et de ses pratiques.
On peut limiter le réchauffement climatique en imaginant une agriculture intelligente, qui doit agir en symbiose avec la nature et le génie des plantes,
précise-t-il.
L’avenir est encore incertain pour Dave Martens, mais guidé par sa passion, il espère pouvoir retrouver une vie plus normale le plus vite possible.
Nous avons construit cette ferme en 1990 avec ma femme; tous mes enfants sont nés ici, à la ferme. Nous avons à cœur de tout reconstruire, mais il y a urgence
, s'alarme l'agriculteur.