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Accéder aux antécédents d’un conjoint violent : encore pas simple en Alberta

Malgré ses faiblesses, la loi permettant d'accéder aux antécédents d'un agresseur est un outil important, selon des intervenants en violence conjugale.

Une femme dans le noir avec sa main sur son oeil.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi de Clare, le gouvernement reçoit environ une demande par jour.

Photo : iStock

Radio-Canada

Depuis presque un an, les Albertains craignant que leur conjoint ait un passé violent peuvent accéder à ses antécédents. Toutefois, obtenir ces informations reste compliqué, dénonce notamment une victime de violence conjugale.

La version albertaine de la loi de Clare est entrée en vigueur en avril 2021. Elle s’inspire en grande partie de celle qui porte le même nom au Royaume-Uni. Cette loi doit son nom à une femme britannique battue à mort par son conjoint, dont le passé violent était connu des policiers.

Jan Reimer, la directrice générale du Conseil des centres d'hébergement pour femmes de l'Alberta, estime qu'il est toujours trop difficile pour les personnes possiblement victimes de violences domestiques d’avoir accès aux antécédents de leurs partenaires, même si ces informations sont censées être publiques.

C'est toujours à la femme de se mettre à l’abri, déplore-t-elle. Et nous ne sommes pas très bons pour mettre les femmes à l'abri. [Le système] semble pencher plus souvent du côté de l'agresseur en protégeant sa [vie] privée.

Mise en garde : le texte qui suit contient des descriptions d'agressions

L'exemple de Sarah

Une résidente d'Edmonton que nous appellerons Sarah (son véritable nom est protégé par un interdit de publication) raconte qu'elle a voulu accéder aux antécédents de son conjoint l’an dernier.

Le comportement de cet homme qu’elle avait rencontré quelques semaines plus tôt n’avait cessé de se détériorer, jusqu’à ce qu’il finisse par l'agresser un soir, la traînant hors du lit en la tirant par les cheveux et la fouettant avec un câble électronique.

Sarah s’en est sortie avec une fracture du crâne, deux côtes cassées et une déchirure sur les parties génitales.

Concernant la demande d’antécédents, Sarah raconte tout d'abord qu’elle n’a pas réussi à remplir le formulaire en ligne sur le site provincial. Elle l’a donc imprimé et apporté dans un poste de police.

Là-bas, l’employé lui a dit qu’elle devait payer 25 $, ce qui était une erreur, puisque cette demande est gratuite. 

Ensuite, l’employé lui a expliqué que cela prendrait quatre semaines pour traiter sa demande et qu’elle devrait ensuite rencontrer un agent de police pour entendre les résultats, mais qu’on ne lui fournirait rien par écrit. Sarah a alors fait demi-tour. 

Quel est l'intérêt de tout cela? se demande-t-elle.

Le processus en détail

Lorsqu'elle fait une demande d'antécédents, la personne doit prouver qu’elle entretient bien une relation intime avec l’individu en question. Il n’y a aucune garantie de recevoir de l'information.

Entre le 1er avril 2021 et le 18 janvier 2022, l’Alberta a reçu 372 demandes, selon Justin Marshall, attaché de presse du ministre des Services sociaux et communautaires. Au total, 159 personnes ont reçu les antécédents demandés, soit 42 % des demandeurs.

Lorsqu’une demande d'antécédents est faite, c’est l'Équipe policière intégrée de l'Alberta qui examine les dossiers de la personne visée auprès des forces policières et des tribunaux. 

Avec cela, l’Équipe détermine si une personne présente un risque élevé, moyen ou faible d’être à l'origine de violences domestiques. La police peut aussi estimer qu'elle manque d’informations pour évaluer le risque.

L’information est ensuite envoyée au poste de police local, où un agent la donnera verbalement au demandeur. Si le conjoint présente un risque moyen ou élevé, le demandeur doit rencontrer l’agent en personne. Les demandeurs doivent signer un accord de confidentialité. 

L'attaché de presse du ministère confirme que les forces policières ne fournissent pas les détails du casier judiciaire.

« Les informations divulguées varient au cas par cas, mais peuvent inclure [...] la fréquence et la gravité d’actes antérieurs de violences conjugales ou des gestes qui y sont liés », écrit Justin Marshall dans un courriel.

Il ajoute que le délai de traitement moyen de quatre semaines correspond aux délais observés dans les autres juridictions qui ont une telle loi.

Justin Marshall dit que des améliorations sont toujours possibles pour réduire ce délai. Il ajoute que même si tout le monde n’a pas accès à Internet, la possibilité de remplir le formulaire en ligne évite à certaines personnes de se déplacer.

L'efficacité de la loi mise en doute

En septembre, l'ancien conjoint de Sarah est sorti de prison. Personne ne l’en a informée. Il s’est présenté chez elle et l’a de nouveau agressée. Sarah a fini une nouvelle fois à l'hôpital. L’homme a plaidé coupable et attend sa condamnation.

Sarah n'est pas convaincue que si elle avait fait une demande d'antécédents, elle aurait reçu l’information à temps. Elle a peur que cet homme fasse d’autres victimes.

« Ce système est déficient; c’est pour cela que des femmes meurent. »

— Une citation de  Sarah, victime de violence conjugale

Avant l’entrée en vigueur de la loi, Jan Reimer, du Conseil des centres d'hébergement pour femmes de l'Alberta, doutait déjà de son efficacité. Selon elle, devoir rencontrer un policier est un frein, notamment pour les groupes marginalisés tels que les personnes noires, autochtones ou les nouveaux arrivants.

Elle rappelle qu’avoir des informations ne met pas forcément les gens à l'abri du danger. Les victimes potentielles ont besoin d’une aide concrète, dit-elle.

Un outil supplémentaire jugé utile

Selon Carrie McManus, directrice de l'innovation et des programmes de Sagesse, une agence qui lutte contre les violences familiales, la loi permet justement de fournir de l’aide aux gens.

Dans le formulaire à remplir, il est demandé à la personne si elle souhaite recevoir de l’aide. Si elle répond oui, Sagesse la contactera dans 72 heures, comme le précise Carrie McManus.

Selon le gouvernement, les personnes reçoivent de l’aide tout au long du processus. Il ajoute qu'environ 60 % des requérants acceptent d’être aidés.

Carrie McManus raconte que de nombreuses personnes se font aider une fois qu'elles reçoivent des informations inquiétantes concernant le passé de leur partenaire.

Les clients nous disent par exemple : "je ne savais pas que ça existait. Je ne savais pas que vous étiez là. Je ne vous aurais pas appelé moi-même."

De l'aide immédiate

Même si le délai de réponse pour obtenir les informations peut être long, Carrie McManus souligne que les personnes peuvent obtenir de l’aide tout de suite; il n’y a pas besoin d'attendre l’évaluation de risques.

Lisa Watson, directrice d'Odyssey House, à Grande Prairie, reste optimiste quant au potentiel de cette loi. Cet organisme dirige notamment un foyer d'hébergement d’urgence pour femmes et enfants, des logements pour les gens fuyant la violence domestique et deux garderies.

Depuis avril, Odyssey House a aidé plusieurs femmes à faire une demande d’antécédents et d’autres à envisager leurs options une fois qu’elles ont obtenu l’évaluation de leur conjoint.

Selon elle, cette loi est un moyen supplémentaire d’identifier des situations abusives.

D'après les informations de Janet French

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