Les partisans des camionneurs envahissent la capitale fédérale

Une majorité de manifestants que Radio-Canada a rencontrés parlaient de liberté, de droits fondamentaux et du droit de choisir.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Certains sont partis il y a une semaine, d’autres aux petites heures du matin samedi. Des milliers de camionneurs sont entrés dans la capitale fédérale et ont été accueillis par autant de partisans. Cette manifestation bruyante a mis la police en état d'alerte, bien que les organisateurs aient exhorté la foule croissante à rester calme.
Les manifestants se sont réunis dans ce qu’ils appellent le convoi de la liberté
pour s’opposer à la vaccination obligatoire des camionneurs qui doivent franchir la frontière canado-américaine et à plusieurs autres restrictions liées à la COVID-19.
Samedi en fin de journée, les autorités ne faisaient état d'aucune arrestation alors que les milliers de participants continuaient d'occuper le cœur du centre-ville.
Les stationnements avoisinant la colline du Parlement et les rues attenantes ont été envahis de camionnettes et de VUS munis de drapeaux canadiens et de pancartes.
Des milliers de piétons ont gagné l'enceinte parlementaire au moment où un avertissement de froid extrême était en vigueur et ont rejoint une file de camionneurs. La police a estimé que jusqu'à 10 000 personnes allaient être sur place d'ici la fin de la journée samedi.
Demeurée en très grande partie pacifique toute la journée, la manifestation a même pris des airs festifs et survoltés par endroits.

Vue aérienne de la manifestation de camionneurs à Ottawa
Le rassemblement, qui était au départ une manifestation en appui aux camionneurs opposés à la vaccination obligatoire, est rapidement devenu une manifestation contre le premier ministre Trudeau.
Un peu avant 14 h, un hélicoptère a survolé le parlement en arborant un message qui a soulevé la foule :
F... Trudeau
, pouvait-on lire en gros caractères sous l'appareil.
L'espace aérien au-dessus de la colline du Parlement est pourtant une zone d'exclusion aérienne. Quelques minutes après que l'hélicoptère eut été aperçu, Transports Canada a annoncé accroître l'étendue des restrictions aériennes.
Afin de garantir la sécurité du public, nous étendons les restrictions aériennes, y compris pour les drones, au-dessus de la Colline du Parlement et des centre-villes d'Ottawa et Gatineau, une pratique courante lors de grands rassemblements publics.
— Transports Canada (@Transports_gc) January 29, 2022
En raison de la taille du rassemblement et compte tenu des risques de débordements, le Service de police d’Ottawa (SPO) comptait sur l’aide de policiers venus de Toronto, de Durham, de London et de York ainsi que sur l'appui de la Police provinciale de l'Ontario (PPO), du Service de protection parlementaire (SPP) et de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).
Des dirigeants du groupe Canada Unity, qui fait partie des organisateurs du convoi, avaient prévu de s'adresser à la foule samedi.
Ce groupe a élaboré un protocole d'entente
qui réclame que le Sénat nommé et la gouverneure générale Mary Simon usurpent l'autorité du gouvernement élu et suppriment toutes les ordonnances de vaccination et autres restrictions dans le domaine de la santé publique, ce qui constitue une impossibilité constitutionnelle.
Le chef du Parti populaire du Canada (PPC), Maxime Bernier, a pris part à la manifestation samedi des camionneurs qui se battent pour regagner nos libertés
.
On veut que toutes ces mesures puissent cesser et qu'on retourne à notre vie normale avant COVID
, a dit M. Bernier en substance.
Par ailleurs, l'ancien président américain Donald Trump a dit samedi lors d'un rassemblement au Texas qu'il endossait les actions des camionneurs canadiens, qui, selon lui, en font plus pour la liberté que les leaders politiques de son pays.
At his rally in Conroe, Texas, former President Donald Trump just endorsed the Canadian truckers protesting in Ottawa. Says they are doing more for freedom than U.S. leaders.
— Katie Simpson (@CBCKatie) January 30, 2022
Pour sa part, le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, a quant à lui dénoncé des élus conservateurs qui cautionnent un convoi mené par des gens qui promeuvent la suprématie blanche
, selon lui.

Survol des demandes des camionneurs et portrait des organisateurs, participants et sympathisants du mouvement, avec Alexis De Lancer.
Plusieurs manifestants ont brandi des pancartes sur lesquelles il était possible de lire des messages contre les médias.
Des journalistes de divers médias couvrant la manifestation ont de plus rapporté avoir été intimidés verbalement et physiquement par des manifestants vendredi. Un journaliste de La Presse canadienne a notamment dû mettre fin à une entrevue qu'il menait sur le trottoir devant le parlement lorsque trois hommes l'ont entouré en lui lançant des insultes et en lui criant de quitter les lieux.
Perturbations et problèmes de circulation
Les corps policiers de la région d'Ottawa ont dit faire des ajustements au fil de la journée, en fonction de l'évolution des événements.
Plusieurs rues et ponts ont été fermés à la circulation automobile. Le Centre Rideau et plusieurs commerces du centre-ville ont également fermé leurs portes.
Samedi matin, une dizaine de véhicules ont été remorqués, selon la porte-parole du SPO
, Amy Gagnon. Ceux-ci étaient stationnés sur la voie réservée aux véhicules d'urgence sur Wellington ou près du Monument commémoratif de la guerre.La police d'Ottawa a confirmé que les voitures qui étaient stationnées sur le terrain du cénotaphe national ont été retirées. Laisser son auto sur ce terrain sacré qui comprend la tombe du soldat inconnu était tellement irrespectueux.
— Jim Watson (@JimWatsonOttawa) January 29, 2022
En après-midi, des manifestants ont même été aperçus en train de danser sur la tombe du Soldat inconnu, ce qui a été vivement critiqué par le chef d'état-major de la Défense, le général Wayne Eyre.
Je suis révulsé de voir des manifestants danser sur la Tombe du soldat inconnu et profaner le Monument commémoratif de guerre du Canada.
— General / Général Wayne Eyre (@CDS_Canada_CEMD) January 29, 2022
Par ailleurs, la Légion royale canadienne, dont le siège social est situé à Ottawa, a condamné ces actions. Le président Bruce Julian a déclaré que ce site sacré commémore ceux qui se sont battus et sont tombés pour les libertés mêmes qui permettent aux Canadiens le droit de manifester pacifiquement
. Nous sommes consternés et attristés par ce manque de respect manifeste
, a-t-il dit.
La porte-parole du SPO
, Amy Gagnon, a souligné que les policiers allaient demeurer sur place jusqu’à ce que les manifestants quittent les lieux.Le chef du SPO
, Peter Sloly, a dit vendredi espérer que les plus gros inconvénients occasionnés par la manifestation ne troubleront que la circulation.Cependant, il a lancé une mise en garde contre des individus ou des loups solitaires qui pourraient se glisser dans la manifestation pour diverses raisons
.
Alors que les promenades Sir-John-A.-Macdonald et Reine-Élizabeth étaient fermées aux véhicules, la police a prévenu les résidents que la circulation pourrait être perturbée un peu partout dans la capitale.
« L'objectif déclaré des manifestants est de perturber la circulation et d'attirer l'attention sur leur cause. »
À lire aussi :
Revendications
Le mouvement, d’abord organisé en réponse à l’obligation vaccinale imposée aux camionneurs transfrontaliers au Canada et aux États-Unis, a maintenant des revendications beaucoup plus vastes.
Une majorité de manifestants que Radio-Canada a rencontrés parlaient de liberté, de droits fondamentaux et du droit de choisir. Ils ont aussi exprimé leur épuisement en raison des nombreuses mesures sanitaires.
Ce n'est plus une question d'être vacciné ou non vacciné
, a résumé un manifestant. On mérite mieux que ça.
« Je suis ici pour mon petit homme. Nous avons besoin de droits pour nos enfants. Ce n'est pas juste pour eux de leur imposer tous ces vaccins. On est ici pour les camionneurs, pour leurs emplois. Nous avons besoin de nourriture sur nos tablettes. »
Jasmine, une brancardière qui travaille dans un hôpital de Montréal, s'est déplacée dans la capitale pour soutenir les camionneurs.
Ils ont cédé devant les infirmières qui n'étaient pas vaccinées, alors ils n'ont pas le choix de céder à la demande des camionneurs
, a expliqué la manifestante, qui a préféré ne pas indiquer son nom de famille. Cette femme d'une soixantaine d'années, qui a assuré qu'elle était doublement vaccinée, a dit souhaiter une levée graduelle des mesures sanitaires.
Pro-choix! C’est pour ça que je suis ici
, a dit calmement une autre manifestante décorée d’une demi-douzaine de drapeaux canadiens.
Ça ne devrait pas être obligatoire. Si tu le veux, prends-le, si tu ne le veux, ne le prends pas
, a-t-elle ajouté en référence au vaccin contre la COVID-19.
Justin Trudeau escorté de Rideau Cottage
Le premier ministre Justin Trudeau et sa famille ont été escortés hors de leur domicile de Rideau Cottage, qui se trouve sur la propriété de la résidence de la gouverneure générale dans le quartier de New Edinburgh, à Ottawa, à environ quatre kilomètres de l'épicentre de la manifestation.
Ils se sont réfugiés dans un lieu tenu secret dans la capitale nationale, ont indiqué des sources.
M. Trudeau s'était justement dit inquiet
vendredi en évoquant des risques de violence à l'occasion des manifestations prévues en fin de semaine. Un certain nombre de personnes sont là sans vouloir inciter à la violence, mais il y aura, comme nous l'avons entendu, un petit groupe de personnes qui constituent une menace pour elles-mêmes, les unes pour les autres et pour les Canadiens
, avait-il dit.
Le premier ministre est d'ailleurs en isolement actuellement parce qu'il a été un contact étroit avec un de ses enfants qui a récemment été déclaré positif à la COVID-19.
Avec des informations de Marielle Guimond, de CBC et de La Presse canadienne