Sans vétérinaire, les animaux souffrent et tout le monde en paie le prix

Actuellement, il n'y a qu'un seul vétérinaire pour toute la Matanie et la Haute-Gaspésie, alors qu'il en faudrait au moins trois ou quatre.
Photo : Radio-Canada
L'Est-du-Québec, comme le reste de la province, connaît une pénurie de vétérinaires qui force certains propriétaires d'animaux à se déplacer hors de leur région pour trouver des soins et qui impose une pression supplémentaire sur les vétérinaires en place.
Audrey Bélanger savait à quoi s'attendre. Avant même la naissance du petit Enzo, elle a entrepris des démarches pour trouver un vétérinaire près de chez elle, à Amqui.
Elle a d'abord contacté la clinique vétérinaire de Luceville, où elle avait déjà un dossier pour son chat, puis celle de Rimouski, et enfin celle de Matane. Partout, elle reçoit la même réponse ; il n'y a aucune place disponible pour un nouveau dossier. Et il n'y en aura pas non plus dans les prochains mois.
Elle entend alors parler d'une clinique située... dans la province voisine.
« J'ai fait les démarches pour aller au Nouveau-Brunswick à la clinique Lépine d'Atholville. J'ai eu un rendez-vous tout de suite et j'ai vraiment bien aimé leur service. »
Avec le trajet d'un peu plus d'une heure, et le décalage horaire, elle doit souvent prendre la route vers 6 h du matin et prendre une journée de congé.
Comme avec mon chat, c'était le matin, mais je repartais avec en fin de journée seulement. Heureusement, il y a des magasins et quelques restaurants pour passer le temps
, précise-t-elle, tout en se disant somme toute satisfaite de la situation.
C'est sûr que avant d'adopter un animal, je conseillerais de faire des démarches avant pour trouver une clinique
, conclut Audrey Bélanger.
Moins de vétérinaires, plus d'animaux
À Matane, le problème dépasse un simple manque de place pour les nouveaux clients.
Avec un seul vétérinaire, le Dr Alain Chénard, pour l'ensemble de la Matanie et de la Haute-Gaspésie, ce qui représente des milliers de dossiers, même des soins importants doivent être reportés.
« On fait ce qu'on appelle un triage, comme à l'hôpital, ce qu'on pensait jamais faire. Une otite qui avant aurait dû être vue la journée même, mais maintenant on peut se permettre d'y aller plusieurs jours après. »
Et tous les autres vétérinaires autour sont également débordés
, ajoute Émilie Gendron. Avant, on pouvait se fier un peu à eux et référer des clients à l'extérieur, mais maintenant on le sait très bien que, que ce soit Mont-Joli ou Rimouski, tout le monde est débordé.
La pression est d'autant plus grande que la technicienne vétérinaire constate que depuis le début de la pandémie, les adoptions d'animaux ont bondi en flèche. La majorité des clients ont maintenant deux ou trois animaux de compagnie, plutôt qu'un seul par famille, ce qui veut dire deux ou trois fois plus de soins.
Des soins de routine, comme les vaccins annuels, doivent donc être reportés, puisqu'à elles seules, les urgences remplissent toutes les cases horaires ou presque.
On place nos petites cases horaires cordées aux 15 minutes au lieu d'être aux 30 ou 40 minutes
, explique Émilie Gendron, ajoutant du même souffle qu'un animal dont la vie est en danger ne se verra jamais refusé des soins.
Je pense que Dr Chénard s'épuiserait avant de dire non. Je ne peux pas dire qu'il est en épuisement professionnel, mais je sais qu'il le frôle
, admet-elle.
Une pression lourde à soutenir
Or, dans le contexte actuel, cet amour des animaux s'accompagne d'un lourd prix à payer.
En mars 2021, l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec a mené un sondage auprès de 1400 vétérinaires qui démontre que 56 % d'entre eux songent à quitter leur domaine ou à réorienter leur carrière. Les dépressions et les suicides sont aussi plus fréquents chez les vétérinaires qu'au sein de la population générale.
Au départ, on fait ce métier là parce qu'on veut soigner des animaux, on veut les traiter et quand on est au téléphone et qu'on entend le client inquiet, qui pleure, qui parle de la situation de son animal et qu'on doit dire écoutez, notre vétérinaire est épuisé, on n'a pas de place... c'est dur moralement
, rappelle Émilie Gendron.
« C'est vraiment une situation où on est tout le monde à payer, pas juste les clients, pas juste les animaux, mais nous on paie en tabarnouche pour ça, parce qu'on la vit dur. »
Émilie Gendron dit comprendre la détresse des clients, mais aimerait que certains fassent preuve d'une plus grande empathie envers les équipes vétérinaires.
Mais surtout, elle espère des solutions concrètes de la part de l'Ordre des médecins vétérinaires du Québec et du gouvernement, pour former et recruter davantage de vétérinaires, car il n'y a pas de solution miracle, selon elle. Sans nouveau vétérinaire, la clinique de Matane pourrait devoir fermer ses portes.