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La gestion singulière de la pandémie en Colombie-Britannique

La province n'a jamais opté pour le yo-yo « totalement confiné, totalement ouvert ».

La médecin hygiéniste en chef, la Dre Bonnie Henry, et le ministre de la Santé, Adrian Dix, lors d'un point de presse.

La Colombie-Britannique a opté pour des restrictions sanitaires plus souples que dans d'autres provinces, mais inscrites dans la durée.

Photo : Radio-Canada / Mike McArthur

La Colombie-Britannique semble avoir fait bande à part, par ses mesures de santé publique moins restrictives et peu punitives depuis le début de la pandémie, en comparaison des autres provinces. Or ce modèle a-t-il porté ses fruits?

Dès le mois de mars 2020, la Colombie-Britannique a adopté des restrictions sanitaires pour limiter la propagation de la COVID-19.

Si ces mesures ont été renforcées, la province n'a jamais opté pour le cycle totalement confiné, totalement ouvert que d’autres ont subi, constate d’emblée Cindy Jardine, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en santé et communauté de l’Université de la vallée du Fraser. 

Les services sont restés accessibles la majeure partie du temps, comme elle le rappelle. C’est le cas des salles de sport et des salons de coiffure, mais aussi des salles à manger des restaurants, qui ont pu continuer à accueillir des clients presque en tout temps, en dépit de leurs restrictions. 

Des clients sont assis à des tables séparées par des panneaux translucides sur une terrasse de restaurant.

Les salles à manger des restaurants ont fermé à deux reprises en Colombie-Britannique, en mars 2020 et en mars 2021. Pendant cette dernière période, les terrasses restaient accessibles.

Photo : Radio-Canada / Ben Nelms

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Une représentation du coronavirus.

Selon moi, ce n’est pas efficace d’avoir des extrêmes, d’ouvrir tout jusqu’à ce que la situation soit incontrôlable et, ensuite, de fermer le tout en espérant pouvoir contrôler de nouveau la situation, commente Cindy Jardine. 

C’est comme laisser l’herbe de votre jardin pousser jusqu’à ce qu’elle atteigne 1 mètre et, ensuite, devoir apporter de l’équipement majeur pour la tondre.

Restrictif, mais peu punitif 

Plutôt que de montrer les dents face aux gens qui contreviennent aux restrictions, la province a également choisi, dès le début, de mettre l’accent sur la responsabilité citoyenne. 

La stratégie de communication des autorités sanitaires se différencie également de celle des autres provinces. Le discours de la médecin hygiéniste en chef, Bonnie Henry, est basé sur la compassion et l’empathie, comme le souligne Cindy Jardine.

En Colombie-Britannique, certaines formes de langage, comme le confinement, n’ont jamais été utilisées.

Une citation de Heidi Tworek, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’histoire et la politique des communications en matière de santé

Le problème quand on utilise ces termes, d'après Heidi Tworek, c’est que la population a tendance à associer toutes les mesures sanitaires comme un confinement, même s’il ne s’agit pas de confinement dans les faits. Les discussions autour des restrictions sanitaires deviennent alors plus difficiles, selon elle.

Doug Ford en point de presse.

Le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, a déjà comparé la pandémie a une guerre qui doit être menée contre le virus.

Photo : La Presse canadienne / Cole Burston

Heidi Tworek cite en comparaison le discours plus combatif de l’Ontario, avec sa métaphore de guerre, ou les menaces que certains gouvernements provinciaux et territoriaux ont proférées à leur population qui ne respectait pas les restrictions. Le Québec s’est notamment distingué par son approche répressive et ses mesures plus restrictives, comme le couvre-feu. 

Ça peut paraître bien sur le moment, mais on se rend compte que ces approches, à long terme, nuisent à la confiance du public, affirme Heidi Tworek.

François Legault, devant un panneau sur lequel on peut lire : « On continue de se protéger ».

Le premier ministre du Québec, François Legault, en conférence de presse le 20 janvier

Photo : La Presse canadienne / Graham Hughes

La Dre Henry a toujours évité de s’aventurer dans le jeu du blâme, même interrogée sur le sujet en conférence de presse, selon Heidi Tworek : On sait, grâce à de nombreuses recherches sur le sujet, que ce genre de chose a des effets négatifs, dit-elle.

L’approche de la Colombie-Britannique a tout de même fait l’objet de critiques, car peu de sanctions ont découlé du manque de respect des restrictions.

La médecin hygiéniste en chef de la Colombie-Britannique, Bonnie Henry.

Il faut faire confiance aux gens, selon la médecin hygiéniste en chef de la Colombie-Britannique, Bonnie Henry.

Photo : Mike McArthur / CBC

Comprendre pour adhérer

L’approche didactique de Bonnie Henry est également la clé du succès de la méthode britanno-colombienne, d'après Cindy Jardine, qui se base sur des groupes de discussion sur la pandémie qu'on trouve dans la province ainsi qu’au Manitoba et en Ontario. 

La Dre Bonnie Henry a été l’une des seules à présenter des modélisations de la pandémie lors de ses présentations au public, en tentant de l’expliquer à la population, comme elle le fait remarquer.

On a vu des différences majeures dans d’autres provinces, quand des restrictions vraiment sévères ont été mises en place – surtout au Québec, avec le couvre-feu – sans que la population ne comprenne pourquoi elles l'étaient ni si elles allaient vraiment avoir une incidence sur le nombre de cas, dit-elle. 

C’est important de comprendre pourquoi. C’est plus difficile de respecter une mesure qui rend votre vie difficile si vous ne comprenez pas pourquoi elle a été mise en place.

Une citation de Cindy Jardine, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en santé et communauté

La Dre Henry a d’ailleurs parfois surpris en prenant des décisions à contre-courant de celles des autres provinces. Elle a été la première à faire le pari risqué d’étendre de deux à quatre mois l’écart entre les deux doses de vaccin contre la COVID-19, avant même que la mesure ne soit recommandée par le Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI).

Yvonne Willmann, une employée des chemins de fer allemands, remplit une seringue à partir d'une fiole du vaccin contre la COVID-19 de l'entreprise pharmaceutique américaine Johnson & Johnson lors d'une campagne de vaccination à Berlin, en Almagne, le 30 août 2021.

La Colombie-Britannique a réduit l'écart entre les deux doses de vaccin pour en distribuer davantage à sa population.

Photo : Associated Press / Christophe Gateau

Aux yeux de Cindy Jardine, cette décision était basée sur de nouvelles données scientifiques, ce qui montre que la médecin hygiéniste en chef est à l'affût des recherches émergentes. D’autres provinces lui ont par ailleurs ensuite emboîté le pas, à la suite de la recommandation du CCNI.

Population plus docile? 

Selon Geneviève Tellier, professeure d'études politiques à l’Université d’Ottawa, chaque province cherche à ajuster ses pratiques et son discours en fonction de sa population. 

L’approche de la Colombie-Britannique était certes moins punitive et restrictive que d'autres, mais sa population a également paru comme étant plus encline à suivre les directives pour le bien-être collectif, selon ce qu'elle a pu observer depuis l'Ontario.

On entendait moins de mouvements d’opposition, d’histoires de droits individuels que dans d’autres provinces plus à l’est, souligne Geneviève Tellier.

Si l'on prend le Manitoba et l’Ontario, surtout l’Ontario, je dirais que la population est plus individualiste, ce qui fait que peu importent les consignes, il y aurait peut-être eu plus de résistance, dit-elle. 

Gouvernement et santé publique au même diapason

La Colombie-Britannique a également pris un cap différent que dans d'autres provinces en laissant plus de place aux autorités sanitaires. Le premier ministre John Horgan n’a fait que quelques apparitions en conférence de presse lorsqu'il était question de l'évolution de la pandémie. 

John Horgan et Bonnie Henry en conférence de presse.

La province dévoile son plan de relance face à la pandémie de COVID-19.

Photo : Radio-Canada / Mike McArthur

La médecin hygiéniste en chef était au-devant des communications, mais aussi de la prise de décisions, explique Heidi Tworek, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’histoire et la politique des communications en matière de santé. 

Même à l’échelle globale, c’est assez rare d’avoir une seule personne assumer autant de fonctions différentes, soutient-elle. 

Le ministre de la Santé de la Colombie-Britannique, Adrian Dix, était bien présent aux côtés de Bonnie Henry, mais surtout pour parler des chiffres, comme le précise Heidi Tworek. 

Depuis l’est du pays, la Colombie-Britannique est ainsi apparue comme étant plus unie pendant la pandémie, selon Geneviève Tellier. Le Québec et l’Ontario ont changé de médecin hygiéniste en chef pendant la pandémie, comme elle le rappelle.

On n'a pas l'impression que vous vous posez des questions existentielles comme on peut se poser ici : est-ce que le directeur de la santé publique n’est pas assez indépendant ou est trop indépendant? ajoute-t-elle. 

On a l'impression que [la santé publique et la province] sont relativement au même diapason, que ça roule bien, que la machine est bien huilée, dit-elle.

La médecin hygiéniste en chef de la C.-B., Bonnie Henry, derrière un rideau, s'apprête à faire le point sur la pandémie.

Dans son bilan de première année de la pandémie, la Dre Bonnie Henry elle-même reconnaissait que certaines mesures restrictives auraient dû être mises en place plus rapidement.

Photo : La Presse canadienne / Chad Hipolito

Un modèle efficace? 

Selon Heidi Tworek, le modèle de gestion de la pandémie de la Colombie-Britannique est positif à plusieurs égards, notamment parce qu'il a favorisé la construction de la confiance du public, plutôt que l'approche punitive. 

Les preuves en matière de cas, d’hospitalisations et de décès nous montrent certainement que cette méthode a été efficace pour contrôler le virus, renchérit Cindy Jardine.

Cela dit, avec le temps, le manque de transparence de la province sur les données de la pandémie a créé du mécontentement, selon Heidi Tworek. Récemment, la question de la gestion des tests rapides a suscité des oppositions, entre autres exemples.

D'après Geneviève Tellier, c’est en temps de crise majeur qu’on voit réellement quelle est la capacité des leaders à prendre en charge la situation.

Si la Colombie-Britannique a eu des défis à surmonter, son système de santé paraît avoir mieux résisté que celui de provinces de l'est, notamment dans les centres de soins de longue durée, selon Geneviève Tellier.

Elle estime que la province fait partie de celles qui ont eu un modèle efficace, à l'instar du Québec, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, malgré leurs grandes différences. 

Le premier ministre François Legault continue d'avoir l'appui de la majorité des Québécois, comme elle le souligne, tout comme John Horgan, qui s'est fait réélire pendant la pandémie; un gage de satisfaction.

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