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Une épicerie solidaire pour faire face à l’embourgeoisement dans le Centre-Sud

Une vue aérienne d'une maquette de développement d'un quartier montréalais.

Le promoteur de l'Esplanade Cartier souhaite que le lotissement soit ouvert à la population du secteur.

Photo : Primer Studio Inc.

Des tours d'habitation ont commencé à pousser, à l'ombre du pont Jacques-Cartier. L'immense terrain vague, où se trouvait autrefois une usine de toiles cirées, la Dominion Oil Cloth Company, sera complètement transformé d'ici 2027.

Je ne voudrais pas dire que c'est un nouveau quartier, précise Laurence Vincent, présidente de Prével, le promoteur de l'Esplanade Cartier. On s'inspire de l'ADN du quartier existant pour amener davantage d'habitations, on cherche à avoir la plus grande mixité possible.

N'empêche, la construction d'environ 2000 logements sur cet emplacement, en plus de quelque 600 autres ailleurs dans le quartier, suscite la crainte d'un embourgeoisement et d'une augmentation encore plus marquée du coût des loyers.

Tous les quartiers centraux de Montréal sont pris d'assaut, estime Éric Michaud, coordonnateur du Comité Logement Ville-Marie. On assiste à un remplacement de population à grande échelle, de gens avec peu de moyens qui vont être obligés de se reloger on ne sait où, loin des réseaux de transport en commun, loin de tous leurs services, de leurs épiceries et de leur réseau social.

Le district Sainte-Marie, situé à l'est de l'avenue Papineau, entre les rues Sherbrooke et Notre-Dame, est un ancien quartier ouvrier où on trouve un bon nombre de HLM et de petits logements. Plus de la moitié des résidents sont des personnes vivant seules et les trois quarts sont locataires. Près de 30 % des ménages de Sainte-Marie se situent sous le seuil de faible revenu après impôt, un nombre plus élevé que la moyenne montréalaise.

Le quartier est considéré depuis longtemps comme un désert alimentaire. En particulier au sud de la rue Ontario, où l'on trouve plusieurs dépanneurs, mais peu de marchés d'alimentation.

Vanessa Girard Tremblay et Marie-Claude Morin Ouellet.

Vanessa Girard Tremblay et Marie-Claude Morin Ouellet, codirectrices générales du Carrefour solidaire

Photo : Radio-Canada / Philippe-Antoine Saulnier

Dans la définition d'un désert alimentaire, il y a l'accessibilité physique, par exemple d'être capable de faire son épicerie à distance de marche, et l'accessibilité financière, explique Marie-Claude Morin Ouellet, l'une des codirectrices générales du Carrefour solidaire, un organisme qui s'appelait jusqu'à récemment le Carrefour alimentaire Centre-Sud. Même s'il y a un accès physique, l'accès économique n'est pas au rendez-vous dans le quartier.

Une nouvelle épicerie rue Sainte-Catherine

La portion de la rue Sainte-Catherine qui s'étend vers l'est à partir de l'avenue De Lorimier ne montre pas encore les signes d'un quelconque embourgeoisement, mais ce n'est sans doute qu'une question de temps. Un des phénomènes qui arrivent avec la gentrification, c'est qu'on voit pousser des épiceries fines, des petits cafés. Puis la pataterie du coin va peut-être fermer, la fruiterie aussi, explique Vanessa Girard Tremblay, aussi codirectrice générale du Carrefour solidaire.

C'est pour aider la population de Sainte-Marie à se préparer à l'arrivée massive de nouveaux résidents que le Carrefour solidaire a décidé de s'établir dans un local de la rue Sainte-Catherine, près de la rue Dufresne. Derrière la porte de l'épicerie Trois Paniers, les fruits frais, les légumes, les sacs de farine et les pots de confiture attendent les premiers clients dans un décor lumineux et moderne. Le long du mur sont alignées des tables où on pourra servir des repas abordables. À l'arrière, un espace servira d'atelier pour les cuisines collectives.

Chaque produit vendu aura trois prix différents : un prix minimum, un prix suggéré et un prix solidaire. Le rêve, c'est que les personnes qui peuvent se permettre de payer davantage paient le prix suggéré ou solidaire, pour subventionner les aliments des personnes qui peuvent seulement payer le prix minimum, explique Vanessa Girard Tremblay.

Une pancarte expliquant les trois prix différents, soit minimum, suggéré, ou solidaire.

Chaque produit vendu aura trois prix différents : un prix minimum, un prix suggéré et un prix solidaire.

Photo : Épicerie Trois Paniers

Le but est donc de profiter de la gentrification, mais aussi de créer des liens entre les résidents. Avec la gentrification, les différentes populations qui habitent un quartier vont vivre en silo, poursuit Mme Girard Tremblay. Paul, avec son condo, va aller à la boulangerie fine se chercher un pain, tandis que Monique, dans son HLM, va aller à son épicerie de quartier qu'elle fréquente depuis toujours.

Nous, ce qu'on veut, c'est créer un lieu réellement mixte, où Paul et Monique peuvent se rencontrer, discuter et se découvrir une passion commune pour les tomates ancestrales, illustre-t-elle.

Un modèle qui fait son chemin au Québec

Avec son projet d'épicerie, le Carrefour s'associe à un regroupement pancanadien de centres communautaires alimentaires. L'un de ces centres, le Dépôt, existe déjà, avenue Somerled, dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce. On y trouve un restaurant où les gens peuvent se rencontrer, ainsi qu'une épicerie d'aide alimentaire destinée aux membres de l'organisme.

Ce n'est pas seulement de l'aide d'urgence alimentaire, explique Nicolas Braesch, responsable des approvisionnements et de la distribution alimentaire du Dépôt. Avant la pandémie, on donnait des cours de cuisine pour les hommes qui, dans certaines cultures, ne savent pas toujours cuisiner. Apprendre à cuisiner, apprendre à bien se nourrir, apprendre comment ça pousse, dans les jardins communautaires.

L'objectif du Dépôt est aussi de tisser des liens au sein de la communauté. C'est une ambiance joyeuse, dit Tasha Lackman, directrice générale du Dépôt. C'est la vie de quartier et le bon voisinage qui se crée avec tout ça.

Une maquette de l'avenue De Lorimier une fois le lotissement achevé.

Le Y construira un édifice d'une centaine de logements destinés à des mères monoparentales ou des femmes seules.

Photo : Primer Studio Inc.

Un projet immobilier qui se veut à l'écoute de son quartier

Le promoteur de l'Esplanade Cartier souhaite que le lotissement soit ouvert à la population du secteur. C'est pourquoi Prével a cherché à attirer certains organismes communautaires, comme le Y des femmes de Montréal, qui déménagera ses bureaux dans l'un des immeubles du projet. L'organisme prévoit ainsi être en mesure de bonifier ses services d'aide à sa clientèle.

De plus, le Y construira un édifice d'une centaine de logements destinés à des mères monoparentales ou des femmes seules. Les besoins sont tellement grands, ce ne sera que bienvenu d'avoir encore plus de services pour les personnes en situation de vulnérabilité, affirme Isabelle Gélinas, directrice des communications du Y des femmes.

Laurence Vincent devant un chantier.

Laurence Vincent, présidente de Prével

Photo : Philippe-Antoine Saulnier

Un partenariat a aussi été conclu avec le Carrefour solidaire, qui aura accès à un local et à une serre sur toit pendant la période de construction du projet.

On ne veut pas un projet qui soit dédié uniquement aux résidents, insiste Laurence Vincent, présidente de Prével. Plus on va multiplier les organismes communautaires et les raisons pour les autres citoyens de pouvoir s'approprier le site, plus on va avoir réussi.

L'Esplanade Cartier est par ailleurs le premier projet à avoir cédé un terrain pour la construction de logements sociaux, dans le cadre du Règlement pour une métropole mixte adopté par l'administration Plante.

Aucune école n'est prévue dans le lotissement, puisque les commissions scolaires ont refusé une proposition en ce sens, affirme Laurence Vincent. Est-ce que dans cinq ans on aura besoin d'une nouvelle école? On ne le sait pas, mais on pourra au moins dire qu'on a fait nos devoirs, conclut-elle.

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