Burkina Faso : situation confuse concernant le sort du président Kaboré
Des Burkinabés ont célébré dans les rues de Ouagadougou après avoir appris la détention du président Kaboré.
Photo : Reuters / VINCENT BADO
La situation était confuse lundi concernant le sort du président du Burkina Faso, Roch Marc Christian Kaboré, dont des sources sécuritaires ont annoncé qu'il était détenu par des soldats qui se sont mutinés face à la dégradation dans leur pays en proie aux violences djihadistes.
Les États d'Afrique de l'Ouest ont indiqué suivre avec une grande préoccupation
l'évolution de la situation au Burkina Faso, caractérisée
depuis dimanche par une tentative de coup d'État
.
Le président Kaboré, le chef du Parlement (Alassane Bala Sakandé) et des ministres sont effectivement aux mains des soldats
, à la caserne Sangoulé Lamizana de Ouagadougou, a déclaré à l'AFP une source sécuritaire, information confirmée par une autre source au sein des services de sécurité.
Mais une source gouvernementale a ensuite affirmé que le président avait été exfiltré
de sa résidence dimanche soir par des gendarmes de sa garde avant l'arrivée d'éléments armés qui ont tiré sur les véhicules de son convoi
.
Un journaliste de l'AFP a vu dans la matinée près de la résidence du chef de l'État trois véhicules criblés de balles. Des traces de sang étaient visibles sur l'un d'eux.
Selon cette source, la situation est confuse
, une confusion alimentée par l'absence à la mi-journée lundi de toute déclaration de la part des soldats mutins ou de proches du chef de l'État.
Sur le compte Twitter de M. Kaboré, un message posté en début d'après-midi, dont il était impossible de savoir s'il avait été écrit par lui directement, ni dans quelles circonstances, invite ceux qui ont pris les armes à les déposer dans l'intérêt supérieur de la Nation
.
C'est par le dialogue et l'écoute que nous devons régler nos contradictions
, ajoute-t-il.
Au pouvoir depuis 2015, le président Kaboré, réélu en 2020 sur la promesse de faire de la lutte antidjihadiste sa priorité, était de plus en plus contesté par une population excédée par les violences djihadistes et son impuissance à y faire face.
Un journaliste de l'AFP a constaté qu'une dizaine de soldats encagoulés et armés s'étaient postés lundi matin devant le siège de la Radio télévision du Burkina (RTB) qui diffusait des programmes de divertissement.
La France a appelé lundi ses ressortissants à la prudence et à éviter tout déplacement au Burkina.
Des soldats se sont mutinés dimanche dans plusieurs casernes du Burkina Faso pour réclamer le départ des chefs de l'armée et des moyens adaptés
à la lutte contre les djihadistes qui frappent ce pays depuis 2015.
Des tirs avaient été entendus en fin de journée près de la résidence du chef de l'État et un hélicoptère avait survolé la zone tous feux éteints, selon des résidents.
Ces mutineries sont survenues alors que le Sahel est de plus en plus déstabilisé par les djihadistes qui frappent aussi le Niger et le Mali voisin, pays qui a été le théâtre de deux coups d'État en quelques mois.
Au-delà, en Afrique de l'Ouest, la fragilité des États s'est aussi manifestée avec un putsch en Guinée.
Plusieurs manifestations de colère ont eu lieu depuis plusieurs mois dans plusieurs villes du Burkina Faso pour dénoncer l'incapacité du pouvoir à contrer les attaques djihadistes qui se multiplient, souvent interdites et dispersées par les policiers antiémeutes.
Tout au long de la journée de dimanche, des manifestants ont apporté leur soutien aux mutins et ont dressé des barrages de fortune dans plusieurs avenues de la capitale, avant d'être dispersés par la police, ont constaté des journalistes de l'AFP. De nouvelles manifestations de soutien ont eu lieu lundi.
Des tirs ont été entendus pendant plusieurs heures dimanche dans plusieurs casernes du Burkina Faso, dont celles de Sangoulé Lamizana, Baba Sy et la base aérienne à Ouagadougou.
Des mutineries ont également eu lieu à Kaya et Ouahigouya, dans le nord du Burkina, où sont en majorité concentrées les attaques djihadistes, selon des habitants et des sources militaires.
Le gouvernement avait reconnu des tirs dans plusieurs casernes, démentant cependant une prise de pouvoir par l'armée
.
Dimanche soir, le président Kaboré, avait décrété jusqu'à nouvel ordre
un couvre-feu de 20 h à 5 h 30, heure locale, et le gouvernement annoncé la fermeture des écoles lundi et mardi.
Nous voulons des moyens adaptés à la lutte
antidjihadiste et des effectifs conséquents
, ainsi que le remplacement
des plus hauts gradés de l'armée nationale, a affirmé dans un enregistrement sonore parvenu à l'AFP un militaire de la caserne Sangoulé Lamizana, sous couvert de l'anonymat.
Il a en outre souhaité une meilleure prise en charge des blessés
lors des attaques et des combats avec les djihadistes, ainsi que des familles des défunts
.
Les revendications des mutins ont été confirmées par d'autres sources militaires et des discussions infructueuses ont eu lieu entre leurs représentants et le ministre de la Défense, le général Barthélémy Simporé, selon une source gouvernementale.
Le camp Sangoulé Lamizana de Ouagadougou où est détenu le président Kaboré abrite la Maison d'arrêt et de correction des armées (MACA) où est également incarcéré le général Gilbert Diendéré, proche de l'ancien président Blaise Compaoré renversé en 2014 et qui vit depuis en Côte d'Ivoire.
Le général Diendéré a été condamné à 20 ans de prison pour une tentative de putsch en 2015 contre le président Kaboré et est actuellement jugé pour son rôle présumé dans l'assassinat, en 1987, du président d'alors Thomas Sankara, icône panafricaine.
Le procès des assassins présumés de Sankara, qui devait entrer lundi dans la phase des réquisitoires et plaidoiries devant le tribunal militaire de Ouagadougou, a été reporté à une date indéterminée, selon une source judiciaire.
Comme le Mali et le Niger, le Burkina Faso est pris dans une spirale de violences attribuées à des groupes armés djihadistes, affiliés à Al-Qaïda et au groupe armé État islamique. Les attaques, qui visent civils et militaires, sont de plus en plus fréquentes et en grande majorité concentrées dans le nord et l'est du pays.
Les violences des groupes djihadistes ont fait en près de sept ans plus de 2000 morts et contraint 1,5 million de personnes à fuir leur foyer.