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Qui a le plus à craindre de la hausse des taux d’intérêt?

Une petite maison en carton, une calculatrice, un livre de comptes, un stylo et des pièces de monnaie sont déposés sur une table afin de représenter la hausse des taux d’intérêt sur les emprunts hypothécaires.

Les Canadiens doivent s’attendre à débourser davantage pour rembourser leur hypothèque au cours des prochains mois. (Archives)

Photo : istock

Les ménages lourdement endettés et les détenteurs d’hypothèques à taux variable auront du mal à encaisser la hausse imminente des taux d’intérêt au Canada, d’autant plus qu’ils devront composer pendant plusieurs mois encore avec une croissance de l’inflation nettement plus élevée que la normale.

La Banque du Canada va publier mercredi son premier rapport de l’année sur la politique monétaire canadienne. Les économistes s’entendent pour dire que n’est qu’une question de temps avant que l’institution n’augmente son taux directeur, ce qui entraînera inévitablement une hausse des taux d’intérêt au pays.

Le gestionnaire de portefeuille sénior et économiste en chef par intérim chez iA Groupe financier, Sébastien McMahon, s’attend à ce que la Banque du Canada procède à quatre hausses successives de 0,25 % d’ici la fin de l’année pour une augmentation totale de 1 %. Il anticipe une hausse identique en 2023.

Hausse inévitable

Il ne faut pas se faire d'accroires, dans les deux prochaines années, les taux d'intérêt, ça va aller en augmentant. On peut s'attendre à ce qu'il y ait même 2 % de hausse au cours des deux prochaines années. On est rendus là. On ne l'évitera pas, indique-t-il en entrevue à Radio-Canada.

Sébastien McMahon lors d’une entrevue en vidéoconférence.

Sébastien McMahon s’attend à ce que la Banque du Canada augmente progressivement son taux directeur de 2% d’ici la fin de 2023.

Photo : Radio-Canada

M. McMahon rappelle que la Banque du Canada a abaissé le taux directeur à son niveau plancher de 0,25 % au début de la pandémie afin de soutenir la croissance économique.

« L’idée, c’était de faire en sorte que ça coûte moins cher aux entreprises pour investir afin qu’elles créent des emplois et que les ménages consomment. »

— Une citation de  Sébastien McMahon, économiste en chef par intérim chez iA Groupe financier

La mesure a eu l’effet escompté, comme en témoignent la forte croissance du PIB canadien et le resserrement du marché du travail. Il n’y a donc plus lieu de maintenir le taux directeur à son niveau plancher, croit Sébastien McMahon.

L'économie va très, très, très bien [...] On commence même à voir naître des pressions salariales parce que l'économie va trop bien. Donc, c'est vraiment le temps de normaliser, insiste-t-il.

Un homme en cravate dépose un sou dans une tirelire en forme de cochon qu'il tient dans sa main.

Selon Statistique Canada, le taux d’épargne des ménages canadiens s’élevait à 11 % au troisième trimestre de 2021, alors qu’il se situait autour de 3 % avant la pandémie. (Archives)

Photo : iStock

Les Canadiens qui ont contracté un prêt hypothécaire à taux fixe auront le temps de voir venir la hausse, poursuit l'économiste. L’augmentation de leur épargne depuis le début de la pandémie devrait en outre les aider à absorber les premières hausses de coûts.

Ça va faire mal

En revanche, chez les ménages fortement endettés et ceux ayant négocié une hypothèque à taux variable, l’effet de la hausse risque d’être ressenti immédiatement, prévient David Poliquin, analyste financier agréé (CFA), associé et gestionnaire de portefeuille chez BGY Services financiers intégrés et iA Gestion privée de patrimoine.

Comme l'immobilier a monté beaucoup, ceux qui ont acheté récemment et qui ont poussé un peu la note, c'est sûr que le paiement mensuel, il va arriver vite et il va faire mal, prédit-il.

« Pour les personnes qui ont acheté de grandes maisons à taux variables, qui sont très endettées, lorsque le taux monte, c'est direct, ça fait mal et c'est sur de gros montants. »

— Une citation de  David Poliquin, analyste financier agréé et gestionnaire de portefeuille
David Poliquin lors d’une entrevue en vidéoconférence.

David Poliquin explique que la forte progression de l’inflation fait particulièrement mal aux retraités ayant une rente à prestations déterminées.

Photo : Radio-Canada

David Poliquin affirme que ce n’est pas tant la hausse du taux directeur qui est préoccupante, mais ce qui est à l’origine de cette hausse : l’inflation.

On le voit, l’inflation touche les ménages depuis un certain temps. On fait tous l'épicerie. On voit que les rabais sont [de moins en] moins des rabais et que les prix sont plus élevés, mais ça, ça se répercute aussi sur le prix à la pompe, sur celui des voitures, des maisons et des loyers, observe le gestionnaire de portefeuille.

Du jamais-vu en 30 ans

Au cours du mois de décembre, l’inflation a atteint 4,8 % au Canada, un sommet en 30 ans. Le rehaussement du taux directeur vise à ralentir cette croissance effrénée.

Lorsque les taux d’intérêt sont plus élevés, il en coûte plus cher pour emprunter et investir. La demande diminue, ce qui a pour effet d’enlever de la pression sur les chaînes d’approvisionnement. Cela contribue normalement à ralentir la croissance des prix.

« C’est le grand pari que font les banques centrales : est-ce que l’augmentation des taux d’intérêt va être suffisante pour réduire l’inflation et la ramener à des taux vus précédemment? »

— Une citation de  David Poliquin, analyste financier agréé et gestionnaire de portefeuille

Il mentionne que l’inflation galopante touche plus durement certains Canadiens que d’autres. C’est particulièrement le cas des retraités ayant des rentes à prestations déterminées.

Avec le niveau d'inflation qu'on voit, malheureusement, leur rente ne suivra pas le coût de la vie. En d'autres mots, c'est un appauvrissement graduel des retraités qui ont des régimes à prestations déterminées, comme les fonctionnaires à la retraite, souligne David Poliquin.

Une main tient une pompe à essence.

Des experts prédisent que le coût de l’essence atteindra en moyenne 1,80 $ le litre d’ici la fin du mois de juin au Québec. (Archives)

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

De plus, leurs placements, souvent constitués d’une plus grande part d’obligations que d’actions, croissent moins rapidement que l’indice des prix à la consommation. C’est sans compter, note M. Poliquin, qu’un bon nombre de retraités ont vendu leur propriété pour aller vivre dans un logement locatif, ce qui les expose à la hausse des prix des loyers.

Même si leurs placements obligataires [avaient un rendement] de 2 ou 3 % comme [c'est le cas pour] les certificats de placement garanti, bien, ça ne suit pas l'inflation actuellement. Donc, leurs placements perdent de la valeur sur l'inflation, leur loyer augmente, leurs coûts mensuels augmentent puis leur rente perd de son pouvoir d'achat également. Ce n'est pas une situation rose, déplore-t-il.

Les prix vont monter en 2022

Même si la hausse du taux directeur parvient à diminuer l’inflation, les prix, dont ceux des aliments, vont continuer d’augmenter en 2022.

À l'épicerie, ça va vous coûter, selon les estimés, entre 5 et 7 % de plus en 2022 que ce que ça vous coûtait en 2021. L’inflation ralentit, mais elle demeure positive. Il n’y a donc pas grand-chose qui va coûter moins cher en 2022. C'est le rythme de croissance des prix qui devrait se réduire, nuance Sébastien McMahon.

Un panier d'épicerie rempli de denrées dans une allée de supermarché.

Au Canada, le prix des aliments devrait subir une augmentation d’entre 5 et 7% en 2022. (Archives)

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Il s’attend à ce que l’inflation baisse progressivement d’ici la fin de 2022 jusqu’à se rapprocher un peu plus du taux de 2 % enregistré en moyenne chaque année.

Est-ce que ça va être 2,5, 3 ou 3,5 %? Ça reste à déterminer, mais on devrait voir l'inflation se calmer simplement par essoufflement de l'impulsion qu'on a vue récemment. Ça, on le voyait déjà dans les cartons, et le fait d'augmenter le taux directeur de façon progressive cette année va probablement contribuer à venir la réancrer autour de 2 % au cours des prochaines années, prévoit l’économiste.

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