Le pont Pierre-Laporte n’a pas fini de coûter cher en réparations

Le pont Pierre-Laporte coûte de plus en plus cher en travaux d'entretien et de réparation.
Photo : Radio-Canada / Marc-André Turgeon
Les coûts des travaux effectués sur le pont Pierre-Laporte ont explosé au cours de la dernière décennie pour atteindre plus de 30 millions de dollars par année. Une tendance à la hausse qui risque fortement de s’accentuer en raison de l’état et de l’âge avancé de l’infrastructure.
Des données obtenues par Radio-Canada en vertu de la loi sur l’accès à l’information révèlent que le ministère des Transports du Québec (MTQ) a dépensé 31,2 millions $ depuis le début de l’année 2021-2022 pour réaliser des travaux sur le pont Pierre-Laporte.
Ces chiffres reflètent l’état des dépenses, avant taxes, au 31 décembre 2021. Il faut donc s’attendre à ce que la facture soit encore plus élevée à la fin de l’exercice financier, le 31 mars prochain.
En 2020-2021, les réparations du Pierre-Laporte avaient coûté 26,7 millions $ aux contribuables québécois, comparativement à 3,3 millions $ en 2010-2011. Cela représente une augmentation de 700 % en 10 ans.
Selon le président de l’Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec (APIGQ), Marc-André Martin, l’évolution des coûts d’entretien et de réparation du pont inauguré en 1970 est typique
pour ce type d’infrastructure, conçu généralement pour durer 100 ans.
Le pont Pierre-Laporte a plus de 50 ans, donc, en théorie, il a dépassé la moitié de sa durée de vie utile. C'est [donc] très normal que les frais d'entretien et de travaux de réparation [...] aillent en augmentant de façon très constante, même des fois exponentielle
, confie M. Martin en entrevue à Radio-Canada.
Il mentionne qu’à court et moyen termes, de nombreux travaux majeurs devront être réalisés sur le pont Pierre-Laporte, dont le remplacement des suspentes et du tablier.
« La facture, vous n'avez pas fini de la voir grimper, mais c'est tout à fait normal dans le cycle de vie d'un pont suspendu. »
M. Martin invite le MTQ
à adopter un plan d’entretien à long terme de ses infrastructures s’il souhaite minimiser les perturbations de la circulation associée à la réalisation de travaux d’envergure.Plan B
Dans l’éventualité où le remplacement des suspentes et du tablier nécessiterait la fermeture complète du pont Pierre-Laporte, le président de l’APIGQ
se demande ce qu'il adviendrait du transport lourd étant donné que les camions sont interdits de circulation sur son voisin, le pont de Québec.Que ce soit pour la viabilité économique [de la région] ou la sécurité de la population, c'est important d'avoir une vision à moyen et long termes de ces deux infrastructures qui sont vieillissantes et nécessitent des travaux majeurs
, soutient Marc-André Martin.
« Ça prend un changement de cap quand même assez radical [...] Il va falloir arrêter de gérer nos infrastructures comme des stationnements de centres d'achats. »
Cette vision à long terme des infrastructures doit s’articuler autour d’ingénieurs d’expérience travaillant pour MTQ
, sans quoi les coûts d’entretien et de réparation connaîtront une nouvelle flambée, prévient le président de l’APIGQ .Développer l'expertise interne
Il affirme que le manque d’expertise interne et la dépendance à l'égard des firmes de génie-conseil, problèmes maintes fois mis en lumière durant les travaux de la commission Charbonneau, perdurent au MTQ
.Les factures vont aller en augmentant et si on veut s'assurer de payer le juste prix, ça nous prend des gens d'expérience en place. Ça nous prend une expertise forte à l'interne
, insiste Marc-André Martin.
Pour attirer des ingénieurs d’expérience appelés à jouer un rôle de rempart contre la collusion et la corruption, le Ministère doit offrir des salaires plus compétitifs, poursuit-il.
Cela fait d’ailleurs partie des revendications des ingénieurs du MTQ
syndiqués à l’APIGQ , sans convention collective depuis bientôt deux ans.Il ne faut pas être cheap
S'il y a bien un endroit au Québec où il ne faut pas être cheap et il faut vraiment bien investir, c'est en ingénierie. C'est la première ligne de défense si on veut avoir des contrats basés sur la qualité. Si on veut en avoir pour notre argent, c'est là qu'il faut investir
, plaide Marc-André Martin.
L’Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du Québec représente 1800 ingénieurs, dont environ 1200 au MTQ
.Au moment d’écrire ces lignes, le ministère des Transports du Québec n’avait pas encore répondu aux questions de Radio-Canada.
Avec des informations de David Rémillard