Cri d’alarme du secteur de la santé ontarien, plongé dans une crise « irréversible »

« Des résidents n'ont pas reçu de douche depuis Noël », dit la Coalition ontarienne de la santé (OHC). Les établissements de santé sont aux prises avec des pénuries records de personnel, selon l'OHC, tandis que les visites dans les foyers sont interrompues depuis la fin de décembre.
Photo : Radio-Canada / Evan Mitsui
La Coalition ontarienne de la santé (OHC) réclame un « déploiement militaire immédiat » en raison de la virulence de la vague de COVID-19 actuelle et de l'épuisement professionnel, qui provoquent un manque de personnel « jamais vu » dans les résidences et dans les hôpitaux.
L'OHC dresse un portrait terrible
de l'effondrement du personnel
dans les hôpitaux, dans les unités de soins de longue durée et dans les services de soins à domicile et réclame des mesures immédiates de la part du gouvernement de Doug Ford.
Des patients et des résidents des établissements de santé ontariens sont abandonnés à leur sort
et barricadés dans leur chambre
par du personnel débordé qui va parfois jusqu'à bloquer les portes avec des meubles pour empêcher certains patients de sortir afin d'éviter qu'ils se perdent ou se blessent pendant qu'ils sont sans supervision.
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Certains patients ne peuvent obtenir ni eau ni nourriture.
Certains n'ont pas eu droit à une douche depuis Noël, selon les témoignages entendus lors d'une conférence de presse à laquelle a pris part un vaste éventail de représentants des professions médicales.
La diminution du nombre d'employés sur place a de profondes répercussions sur les soins prodigués aux patients.
Le secteur de la santé ontarien demande au gouvernement de créer des équipes d'intervention rapide ainsi qu'un système de déploiement d'urgence des ressources humaines pour recruter des professionnels de la santé.
Ces derniers jours, le nombre d'éclosions dans les établissements de santé a augmenté de façon spectaculaire
, a ajouté Mme Mehra, ce qui entraîne un absentéisme considérable ainsi que l'alourdissement de la tâche du personnel restant, selon elle.
À l’heure actuelle, plus de la moitié des foyers de soins de longue durée (326 sur 626) ont déclaré être frappés par une éclosion de COVID-19, de même que 217 services hospitaliers, selon les données provinciales.
La résilience qui restait dans les foyers est partie en fumée
, continue Mme Mehra.
Un hôpital après l'autre, on signale que le personnel est malade. Les cliniques ont été fermées. Même les services d'urgence ont été fermés de nuit ou des jours entiers pour se redéployer aux soins intensifs.
Du recrutement en cours, selon le ministère de la Santé
Omicron a entraîné (...) des problèmes de personnel dans le secteur des soins de santé en raison de l'augmentation rapide des infections et de l'exposition
à la COVID-19, reconnaît par courriel Alexandra Hilkene, porte-parole de la ministre de la Santé de l’Ontario.
Interrogée sur l'éventualité d'une sollicitation des militaires, elle réfère à un article de La Presse canadienne qui indique que les Forces armées canadiennes manquent elles aussi de personnel médical, sans répondre davantage.
En réponse à la pression subie par les hôpitaux et les foyers de soins de longue durée, le gouvernement a récemment autorisé les infirmières formées à l’étranger à y travailler. Près de 1200 personnes ont exprimé leur intérêt
à participer à ce programme, selon Mme Hilkene. Des fonds ont aussi été investis pour attirer plus de personnes dans les formations aux métiers d'infirmières.
Par ailleurs, le ministère de la Santé indique avoir ajouté plus de 6700 travailleurs et employés de la santé dans la province en près de deux ans
et cherche à recruter 6000 travailleurs de la santé supplémentaires avant la fin mars 2022
.
La dotation en personnel, un problème de longue date
Plusieurs intervenants du secteur de la santé estiment que le gouvernement Ford a fait preuve d'inaction et critiquent son refus de répondre aux alertes lancées par le secteur pour prévenir le préjudice irréversible
de l'urgence
actuelle de la dotation en personnel.
C'est un problème de longue date
, a constaté Katha Fortier, adjointe au président national d'Unifor. Elle souligne le faible taux de rétention des travailleurs de la santé, en raison notamment des meilleurs salaires offerts dans d’autres juridictions, notamment aux États-Unis.
L’Ontario doit alors attirer la main-d'œuvre alors que celle en place affronte un délitement depuis une dizaine d’années, estime-t-elle. En signe de bonne foi, le gouvernement devrait annuler immédiatement le projet de loi 124
(qui plafonne depuis 2019 l’augmentation salariale dans le secteur public à 1 % par an) et offrir de meilleurs salaires.
En ce qui concerne les hôpitaux, tout indique qu’il y aura un exode après la pandémie
et que l’Ontario n’a pas de plan de recrutement, peste Michael Hurley, vice-président régional du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP).
M. Hurley dresse un portrait sombre de l'état d'esprit des travailleurs du secteur : Deux ans de quarts de travail prolongés, pas de vacances, pas d'EPI dont ils ont besoin. Ils sont très affligés de constater que des patients atteints de cancer, par exemple, voient leur opération être retardée.