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Un terrain vague montréalais dans l’œil d’un chercheur belge

Un terrain avec au centre une table et à gauche un panneau orné d'un graffiti.

Le chercheur belge a constaté les multiples identités du Champ des Possibles, à Montréal.

Photo : Radio-Canada / Philippe-Antoine Saulnier

Pour bien des Montréalais, l'espace vert qui s'étend de la rue Saint-Dominique à l'avenue Henri-Julien, au sud de la voie ferrée, dans le Mile End, n'est qu'un simple terrain vague envahi par la végétation. Pour d'autres, c'est un lieu de rassemblement et de divertissement lors d'événements culturels estivaux. Pour d'autres encore, c'est un lieu qui évoque les souvenirs de jeux d'enfants au milieu des installations industrielles.

Ce sont ces multiples identités du Champ des Possibles que le chercheur belge Pavel Kunysz est venu étudier une partie de l'automne.

L'ancienne cour de triage, rachetée par la Ville de Montréal il y a une douzaine d'années, est gérée conjointement par l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal et par l'organisme Les amis du Champ des Possibles.

Comme un peu partout en Occident, la friche devient un lieu qui est cool, explique le chercheur doctoral, rencontré sur place. La "coolitude" de la friche est quelque chose d'assez évident [dans les années 2020]. On trouve des organismes culturels ou commerciaux qui vont l'utiliser. Pourtant, d'autres récits s'additionnent à cette nouvelle vision à la mode.

Même à l'époque de la cour ferroviaire, il y avait des enfants qui l'utilisaient comme terrain d'aventure, sautaient des trains en marche et allaient embêter l'aiguilleur, relate Pavel Kunysz. Ce dernier a interrogé plusieurs générations de gens qui ont fréquenté les lieux ou qui l'occupent toujours.

Pavel Kunysz photographié dans le champ.

Le chercheur Pavel Kunysz évoque une «superposition d'imaginaires» en parlant du Champ des Possibles.

Photo : Radio-Canada / Philippe-Antoine Saulnier

Il y a des artistes qui ont utilisé ces espaces pour les after-parties qui se passaient dans le quartier dans les années 1990 et 2000; il y a pas mal d'itinérants qui ont pu utiliser ce lieu comme refuge, ajoute-t-il. C'est sans compter ceux et celles qui viennent y jouer de la musique, y cueillir des fleurs ou encore y faire des feux à ciel ouvert.

« Le Champ des Possibles m'a intéressé d'abord parce qu'on voit assez clairement la superposition d'imaginaires, de façons de penser un lieu. »

— Une citation de  Pavel Kunysz, chercheur à la Faculté d'architecture de l'Université de Liège

Dès qu'on s'adresse à différents groupes sociaux, on se rend compte qu'ils leur donnent des sens très différents, qui leur permettent d'exister en tant que collectifs, que groupes sociaux. C'est un lieu qui a une histoire très longue et qui, d'un coup, se révèle dans sa diversité, parce que sa fonction officielle [industrielle et ferroviaire] s'arrête, poursuit celui qui est chercheur à la Faculté d'architecture de l'Université de Liège.

Écoutez le reportage de Philippe-Antoine Saulnier à l'émission Le 15-18.

Un réaménagement à prévoir

La flore et la faune – tant naturelle que sociale – du Champ des Possibles risquent d'être perturbées dans les prochaines années en raison du projet de décontamination et de réaménagement du site. La Ville de Montréal vise un horizon 2022-2024 pour ce projet, qui a été soumis au ministère de l'Environnement.

Il y aura évidemment un impact sur la biodiversité pendant une période, reconnaît Clément Badra, qui siège au conseil d'administration des Amis du Champ des Possibles. Mais il y a vraiment un travail qui a été fait pour minimiser l'impact de l'excavation, et s'assurer que les grands arbres ne sont pas touchés et épargner certaines zones plus pertinentes.

Une grande structure surplombant un secteur du Champ des Possibles.

Le site du Champ des Possibles fait l'objet d'un projet de décontamination et de réaménagement.

Photo : Radio-Canada / Philippe-Antoine Saulnier

Pour ce qui est du réaménagement, pas question de gazonner les lieux et d'en faire un parc. Toutefois, des choix se posent, comme le souligne Clément Badra.

Soit on laisse faire la nature à 100 %, dit-il, soit on fait un accompagnement pour le redéveloppement écologique du site, en faisant un choix de type de plantation qui correspond à la biodiversité indigène et locale québécoise. M. Badra ajoute que les graines qui s'échappent des trains circulant à proximité pourraient elles aussi faire évoluer la végétation du site.

Pavel Kunysz s'inquiète pour sa part de la préservation des multiples identités sociales du Champ des Possibles. Si on ne prend pas conscience de la pluralité qui s'affiche ici, de la capacité de ce lieu à faire se superposer des couches sociales, des collectifs, des groupes qui ont des usages et des imaginaires très différents, si on ne tient pas compte de cette pluralité dans des aménagements futurs, on risque de se retrouver avec un espace qui est complètement récupéré dans le tissu urbain, comme n'importe quel autre, explique-t-il.

Le chercheur belge explique qu'un peu partout dans le monde, les anciennes friches industrielles sont marquées par des tensions entre une vision dominante, à la mode, et des représentations plus marginales des lieux.

Les autorités municipales disent travailler conjointement avec Les amis du Champ des Possibles pour élaborer les orientations relatives au développement et à l'animation du site. Pour le moment, l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal assure que l'aménagement du site sera fait avec des interventions minimalistes, afin de préserver la biodiversité et de respecter l'appropriation citoyenne.

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