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Quel avenir pour l’observation des blanchons aux Îles-de-la-Madeleine?

Les expéditions d'observation des blanchons ont été annulées cinq fois depuis 2010, faute de glaces.

Un blanchon sur la banquise avec des personnes à l'arrière.

La présence d'une glace stable est essentielle à la mise bas des phoques du Groenland, de même qu'à la tenue d'une expédition d'observation des blanchons.

Photo : D.I. Jeske/Tourisme Îles de la Madeleine

Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Le principal produit d’appel du tourisme hivernal des Îles-de-la-Madeleine est menacé par le réchauffement climatique : la présence de glaces dans le golfe du Saint-Laurent ne peut plus être tenue pour acquise.

En 2010, 2011, 2016,2017 et 2021, les expéditions en hélicoptère permettant à quelques centaines de touristes d’observer de jeunes phoques, directement sur la banquise, sont littéralement tombées à l’eau.

Avant 2010, jamais l'absence de glaces n'avait entraîné l'annulation des excursions commercialisées par le Château Madelinot depuis les années 1980.

On a eu la chance de développer cette belle aventure-là il y a 40 ans, mais on se rend compte que, malheureusement, on verra possiblement une fin à tout ça, lance la directrice des ventes et du marketing aux Hôtels Accents, Ariane Bérubé.

Un blanchon et un phoque adulte sur un morceau de glace flottant parmi plusieurs autres amas de glaces, avec des eaux libres à l'arrière.

Les hivers durant lesquels la couverture de glace n'est pas sécuritaire pour y transporter des touristes sont de plus en plus fréquents.

Photo : Rei Ohara/Hôtels Accents

Avec un taux d’annulation de 42 % en 12 ans, la tenue annuelle de l’activité qui contribue à la renommée internationale des Îles-de-la-Madeleine est devenue un véritable coup de dés, en raison du réchauffement climatique.

Depuis 2016, on a vraiment développé une nouvelle approche dans notre commercialisation, explique Ariane Bérubé. Les clients sont avisés dès la première journée où il demande de l’information des risques encourus par rapport à la possibilité que l’excursion puisse être annulée en raison des conditions météorologiques.

L’an dernier, le pourtour de l’archipel madelinot était totalement dénué de glaces. Les troupeaux de phoque du Groenland ont dû se rabattre sur la côte de Blanc-Sablon, en Basse-Côte-Nord, pour mettre bas. Pourtant, le plus important lieu de naissance des phoques du Groenland est habituellement les côtes madeliniennes.

Un blanchon sur la banquise avec deux femmes couchées à l'arrière avec des appareils photo.

Dans les années 1990, l'observation des blanchons attirait jusqu'à 400 touristes aux Îles-de-la-Madeleine, majoritairement des Japonais. Ce nombre est descendu à 200 dans les dernières années.

Photo : D.I. Jeske/Tourisme Îles de la Madeleine

Une tendance qui s'accélère

Selon le chercheur scientifique en océanographie physique de Pêches et Océans Canada, Peter Galbraith, les prévisions climatiques laissent entrevoir un avenir sombre pour l’observation des blanchons.

Maintenant, ça arrive de plus en plus souvent que les hivers très doux soient suffisamment doux pour ne pas avoir de glaces, explique-t-il.

La tendance lourde du réchauffement est là et elle semble s’accélérer dans les données qu’on voit, ajoute le scientifique. Même les projections qu’on pourrait faire maintenant, basées sur le passé, seraient optimistes parce qu’on sait que la température de l’air va réchauffer encore plus vite que ça.

« Dans une cinquantaine d’années, on va être rendus à des températures de l’air où la moitié du temps, facilement, il n’y aura pas de glaces dans le golfe du Saint-Laurent. »

— Une citation de  Peter Galbraith, chercheur en océanographie physique, Pêches et Océans Canada
Un blanchon sur la banquise et un hélicoptère à l'arrière-plan.

Selon les Hôtels Accents, l'archipel madelinot est le seul au monde où il est possible de prendre part à des expéditions touristiques pour observer des blanchons sur la banquise.

Photo :  M.-Christine LeBlanc / Tourisme Îles-de-la-Madeleine)

Peter Galbraith l’affirme sans détour, l’âge d’or de l’observation des blanchons est déjà derrière.

On est déjà rendus à des conditions où, le quart des hivers, il n'y a presque pas de glaces dans le golfe du Saint-Laurent. Si on a une aversion au risque et qu’on veut qu’il y ait toujours de la glace, il est déjà trop tard, lance-t-il.

Ça va devenir de plus en plus difficile d’avoir un couvert suffisamment épais avec des morceaux de glace suffisamment grands pour déposer des touristes et un hélicoptère à proximité des blanchons, ajoute M. Galbraith.

Un seuil de 2,5 degrés

En fonction des observations faites depuis 1962, les projections climatiques prévoient une hausse de 3,2 degrés Celsius de la température de l’air au-dessus du golfe Saint-Laurent, rapporte Peter Galbraith.

Ce dernier explique qu'il s'agit d'un écart bien au-delà du seuil critique nécessaire à la formation des glaces.

On sait maintenant ce qu’il faut pour constater la quasi-absence de glaces dans le golfe, explique le chercheur en océanographie physique. Depuis le début des observations, c’est arrivé cinq fois seulement, en 1958, 1969, 2010, 2011 et 2021. Ce sont les seuls hivers où, selon une climatologie de 30 ans, l’écart entre les températures et la moyenne était supérieur à 2,5 degrés durant les mois de décembre, janvier et février.

Deux phoques vus de haut, avec un brèche dans la banquise.

Selon les observations des scientifiques de Pêches et Océans Canada, une hausse des températures de l'air de 2,5 degrés Celsius au-dessus du golfe du Saint-Laurent, par rapport à la moyenne des 30 dernières années, engendre l'absence d'un couvert de glaces.

Photo :  Tourisme Îles de la Madeleine

Des eaux historiquement chaudes en novembre

Il est encore trop tôt pour dire si la saison 2022 d'observation des blanchons sera elle aussi annulée, mais deux choses sont déjà certaines.

Premièrement, la température des eaux du golfe a atteint un record en novembre avec une moyenne de 2,8 degrés plus élevés que la moyenne observée depuis 1991.

Cet automne, les eaux ont été exceptionnellement chaudes dans le golfe du Saint-Laurent, ce sont des anomalies records dans toutes nos données d’observation depuis 1981, indique Peter Galbraith.

Deux cartes montrent la température des eaux du golfe avec des couleurs. La carte de droite presque entièrement rouge foncée démontre que la température des eaux du golfe était de 3 degrés Celsius supérieur à la moyenne de 1982 à 2010.

À gauche, la carte démontre la moyenne de température des eaux du golfe du Saint-Laurent en novembre. À droite, on constate l'écart entre cette moyenne et celle des années de 1982 à 2010. Le rouge foncé témoigne d'une différence de +3 degrés Celsius dans la majeure partie du golfe et de l'estuaire.

Photo : Peter Galbraith/Pêches et Océans Canada

Deuxièmement, Peter Galbraith indique que la formation de glaces dans l'estuaire du Saint-Laurent et la baie des Chaleurs accuse déjà un retard à cette période-ci de l’année. Ces deux secteurs sont toujours les premiers à se couvrir de glaces, avant le golfe du Saint-Laurent.

« C’est assuré qu’on va avoir un retard avec la formation des glaces, mais l’ampleur de ce retard-là est encore difficile à dire, tout dépend de la météo à relativement court terme. »

— Une citation de  Peter Galbraith, chercheur en océanographie physique, Pêches et Océans Canada

Encore de bonnes saisons à venir

Aux Îles-de-la-Madeleine, on refuse de se laisser abattre.

En 2020, on aurait annulé fin janvier, mais en deux semaines, changement de météo, la carte des glaces s’est mise à être rouge et on a pu avoir une saison , se remémore Ariane Bérubé, directrice des ventes et du marketing aux Hôtels Accent.

Je pense qu’il nous reste quand même quelques bonnes saisons à vivre, il faut absolument en profiter jusqu’à la fin, ajoute Mme Bérubé.

Et si ça nous donne une période de transition pour développer d’autres produits hivernaux sur la destination, on sera contents d’avoir contribué au dernier chapitre par rapport au blanchon, mais, au moment où l'on se parle, on n’est pas encore dans ce type de discussion-là, on y va vraiment une saison à la fois.

Ariane Bérubé, directrice des ventes des Hôtels Accent aux Îles-de-la-Madeleine

Ariane Bérubé, directrice des ventes des Hôtels Accents, reste malgré tout optimiste quant à la tenue d'autres belles saisons d'observation des blanchons dans les prochaines années (archives).

Photo : Radio-Canada

Ariane Bérubé indique que l’activité touristique contribue aussi à la recherche des impacts des changements climatiques sur les phoques du Groenland. On accueille plusieurs scientifiques et différentes séries documentaires sont tournées avec la BBC et National Geographic , précise-t-elle.

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