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Magistrature : Ottawa nomme un opposant à la loi 21

La neige tombe sur l'enseigne du Palais de justice de Montréal, sur la rue Notre-Dame, dans le Vieux-Montréal.

Le ministre de la Justice du Canada, David Lametti, a nommé Azimuddin Hussain juge de la Cour supérieure du Québec dans le district de Montréal lundi.

Photo : Radio-Canada

Le gouvernement fédéral a accordé un poste de juge à la Cour supérieure du Québec à un avocat montréalais qui avait défrayé les manchettes durant la contestation judiciaire de la loi québécoise sur la laïcité de l’État.

En 2020, Azimuddin Hussain représentait la Coalition inclusion Québec devant la Cour supérieure du Québec lorsqu’il a soulevé de nombreux exemples historiques de lois discriminatoires au Canada et à l’étranger. Il voulait ainsi démontrer qu’en permettant une forme de discrimination protégée par la clause dérogatoire, la loi 21 ouvrirait la porte à des cas encore plus graves de discrimination.

M. Hussain a soulevé l’exemple des lois antisémites – surnommées les lois de Nuremberg – sous l’Allemagne nazie en faisant ses arguments, ce qui lui a valu une série de critiques parmi les supporteurs de la loi 21.

Azim Hussain.

L'avocat montréalais Azim Hussain

Photo : Novalex

En vigueur depuis 2019, la Loi sur la laïcité de l'État interdit que certains employés d'État en situation d'autorité affichent des signes religieux dans l'exercice de leurs fonctions, dont les enseignants. La Loi sur la laïcité a été assortie d'une disposition de dérogation – souvent appelée clause nonobstant – pour limiter la contestation judiciaire par ceux qui feraient valoir que la loi est discriminatoire et contraire à la Charte canadienne des droits et libertés.

Cette nomination de M. Hussain à la Cour supérieure du Québec survient au moment où le gouvernement fédéral de Justin Trudeau est à couteaux tirés avec le gouvernement québécois de François Legault sur la question de la loi 21.

Une analogie controversée

Dans une série d’échanges en cour l’an dernier, M. Hussain et le juge Marc-André Blanchard ont abordé le traitement discriminatoire des Canadiens d’origine japonaise durant la Seconde Guerre mondiale.

La discussion a amené M. Hussain sur le terrain des lois antisémites adoptées par les nazis en 1935. M. Hussain n’a pas fait de comparaison directe ou indirecte avec la loi 21, mais il s’est servi de cet exemple pour illustrer le fait qu’une loi pouvait éventuellement mener à des cas plus graves de discrimination.

Les commentaires de M. Hussain avaient fait couler beaucoup d'encre à l’époque, le Journal de Montréal titrant : Loi 21 : un avocat fait un lien avec les nazis. Le chroniqueur de La Presse Yves Boisvert avait rapidement défendu les interventions de M. Hussain, affirmant que ce dernier n’avait pas effectué de rapprochement avec les lois de Nuremberg.

Voici une traduction de l’échange qui avait soulevé la controverse :

- Le juge Blanchard : Malheureusement, les situations de guerre ne font pas ressortir le meilleur des sociétés.

- M. Hussain : Et bien, les lois de Nuremberg n’ont pas été adoptées en temps de guerre. [...] Et les lois de Nuremberg ont mené à une situation qui s’est empirée, alors qu’au moment du passage des lois de Nuremberg, ce qui est éventuellement arrivé à cette minorité [juive] n’était pas envisagé.

Lors d’une apparition à l'émission Tout le monde en parle, l’essayiste et chroniqueur Mathieu Bock-Côté affirmait que M. Hussain – sans le nommer – avait associé la loi 21 au nazisme.

Photo à la table des invités de Tout le monde en parle.

Mathieu Bock-Côté sur le plateau de l'émission Tout le monde en parle

Photo : Avanti Groupe / Karine Dufour

Le lendemain, M. Hussain a clarifié ses commentaires en cour, affirmant avoir abordé la question de l’Allemagne nazie pour explorer les besoins de limiter l’utilisation de la clause dérogatoire par une assemblée législative. Son objectif, disait-il, était de dénoncer le fait qu’il n’y a aucune protection constitutionnelle pour les minorités s’il n’y avait pas de limites quant à l’utilisation de la clause dérogatoire par les gouvernements.

Je n’ai pas, et je n’aurais jamais, suggéré que le contexte social, économique ou historique dans lequel ces lois ont été adoptées et le contexte d’aujourd’hui sont équivalents, a-t-il affirmé.

Il a ajouté que son objectif initial en utilisant un exemple hypothétique – à savoir ce qui arriverait si la loi 21 obligeait les gens de couleur de s’asseoir à l’arrière d’un autobus – était de voir si la clause dérogatoire pouvait bel et bien servir à protéger une violation odieuse des droits de la personne.

La contestation judiciaire à laquelle M. Hussain a participé a largement échoué alors que le juge Blanchard a maintenu la quasi-entièreté de la loi. Le dossier ira devant la Cour d’appel du Québec et, selon toute éventualité, aboutira éventuellement devant la Cour suprême du Canada.

Legault contre Trudeau

La nomination de M. Hussain à la magistrature illustre parfaitement le différend juridique et politique qui oppose les gouvernements du Canada et du Québec sur la loi 21.

Alors que le gouvernement Legault défend vigoureusement sa loi devant les tribunaux et sur la place publique, le gouvernement Trudeau dénonce la mesure et se réserve le droit de la contester devant la Cour suprême du Canada.

François Legault regarde devant lui avec une main tendue.

Le premier ministre du Québec, François Legault

Photo : La Presse canadienne / Paul Chiasson

En vertu du processus de vérification des candidatures, l’intervention de M. Hussain devant les tribunaux a sûrement été considérée lorsque son dossier a été évalué au sein du gouvernement fédéral.

Le cas d’une enseignante de Chelsea qui a récemment perdu son poste en raison de son port du hijab a capté l’attention de la population à travers le pays et relancé le débat politique entourant la loi.

Justin Trudeau aux Communes.

Justin Trudeau est plus incisif envers la loi québécoise sur la laïcité de l'État depuis la réaffectation d'une enseignante portant le hijab en Outaouais.

Photo : La Presse canadienne / PATRICK DOYLE

Je suis en désaccord profond avec [la loi 21], a dit M. Trudeau le 13 décembre. Je ne trouve pas que, dans une société libre et ouverte, quelqu'un devrait perdre sa job à cause de sa religion.

En entrevue à l’émission 24/60, le ministre responsable de la Laïcité au Québec, Simon Jolin-Barrette, a dit que M. Trudeau devrait plutôt s'occuper de ses affaires.

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