Longueuil devrait euthanasier environ 75 cerfs dès cet hiver
Cette opération devrait toucher la quasi-totalité des cerfs de son grand boisé urbain.

L'augmentation de la population de cerfs de Virginie cause des dommages importants aux écosystèmes et aux habitats.
Photo : Radio-Canada / Pier Gagné
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
La Ville de Longueuil est sur le point d’obtenir son Certificat de bons soins aux animaux, délivré par le Comité d’éthique de l’utilisation des animaux, basé à l’Université de Montréal. La nouvelle mairesse, Catherine Fournier, a l’intention d’agir vite, compte tenu du piètre état du parc Michel-Chartrand. La population de cerfs dans ce boisé urbain est maintenant évaluée à près d’une centaine, alors que son écosystème ne peut en soutenir qu’une dizaine.
On veut agir rapidement, avant la période de mise bas au printemps, on va devoir agir en janvier, en février.
Pour le président du comité d'éthique, le médecin vétérinaire Jean-Pierre Vaillancourt, si le protocole soumis est similaire à celui que nous avions finalement accepté il y a plus d’un an, il est fort possible qu’une expertise externe ne soit pas nécessaire.
Le conseiller municipal dans ce district, Jonathan Tabarah, nous a expliqué que toute l’opération sera encadrée par des experts sur place. Les cerfs seront appâtés avant d’être abattus.

Jonathan Tabarah, conseiller municipal, Longueuil.
Photo : Radio-Canada / Pier Gagné
Ça va être tout simplement des cages qui vont être positionnées. Les cerfs vont entrer à l’intérieur des cages pour se nourrir. Ils seront euthanasiés par des vétérinaires compétents sur place.
Beaucoup trop de cerfs pour un boisé urbain
Longueuil estime que la population de cervidés dans son parc a presque doublé depuis un an. Cette forte augmentation du nombre de cerfs dans ce boisé n’étonne pas les spécialistes, comme Jean-Pierre Tremblay.
Chez les cerfs, les jeunes femelles, à un an et demi, vont se reproduire, et très rapidement. À deux ans et demi, ils vont avoir des jumeaux, des triplés
, affirme le biologiste.

Le biologiste Jean-Pierre Tremblay insiste sur l’importance de bien informer la population avant de procéder à quelque opération que ce soit sur le troupeau du parc-nature.
Photo : Radio-Canada / Pier Gagné
Une dizaine de cervidés seulement pourraient être épargnés durant l’abattage, et peut-être moins, confie la nouvelle mairesse Catherine Fournier.
On va devoir avoir des expertises scientifiques là-dessus parce que ce qu'on comprend, c'est que laisser dans le parc 10 à 15 cerfs, ce serait pour un parc en santé. Ce qui est loin d'être le cas du parc Michel-Chartrand.
Un milieu naturel en perdition
Aujourd’hui, c’est l’équilibre écologique du parc qui est rompu. Le broutage excessif et chronique dans le parc a entraîné une forte diminution de sa biodiversité.
Le cerf cache la forêt. Le cerf est une espèce magnifique, charismatique, qu'on aime tous. Et le dommage à la forêt, on ne le voit presque pas, mais il y est présent. Il est chronique. Donc c'est comme un feu qui brûlerait tout le temps.

Des espèces végétales disparaissent et des plantes envahissantes prolifèrent.
Photo : Radio-Canada
Cette détérioration du milieu naturel a un impact direct sur les cerfs, mais aussi sur les autres espèces fauniques du boisé. Tous ces animaux se retrouvent sous-alimentés aujourd’hui. C’est ce que peut observer l’élu municipal dans ce secteur.
Les cerfs sont devenus très maigres. Il y a des cas qu’on voit, comme des cerfs qui tentent de sauter une clôture citoyenne et qui restent coincés parce qu’ils n’ont pas assez de nourriture dans le parc. Certains d’entre eux meurent dans des souffrances atroces.

Un cerf de Virginie.
Photo : Radio-Canada
Une présence attractive, mais risquée
La Ville enregistre plusieurs dizaines d'accidents de voiture aux alentours du parc; des collisions avec un cerf de Virginie. La surabondance de cerfs en milieu urbain fait aussi craindre des risques de transmission de la maladie de Lyme par les tiques. Selon le médecin vétérinaire Jean-Pierre Vaillancourt, les cerfs en transportent beaucoup. Quand on a une surpopulation de chevreuils, on a également une surpopulation de tiques.
Plus d’un million de citoyens fréquentent chaque année le parc Michel-Chartrand. Et malgré les affiches rappelant les règles à suivre, plusieurs n’hésitent pas à nourrir les cervidés.
On le sait là, ici, c'est une belle place pour venir prendre des photos Instagram en même temps que nourrir un chevreuil. Donc, c'est un combat qu'on a à livrer. C’est une sensibilisation qu'on a à faire.
Plusieurs citoyens, attachés à ces bêtes, auraient souhaité une relocalisation des cerfs plutôt qu’un abattage. Mais les experts sont catégoriques : ce type d’opération est trop risqué pour l’animal.

Les cerfs de Virginie se trouvent en grand nombre dans le parc Michel-Chartrand.
Photo : Radio-Canada / Pier Gagné
Un suivi rigoureux sera nécessaire
Pour éviter de répéter l’opération d’abattage, la Ville entend procéder à une intervention de stérilisation sur les cerfs qui demeureront dans le parc.
Il faudra également contrer l’arrivée dans le parc de nouvelles populations, qui migrent d’un endroit à l’autre grâce aux corridors naturels, comme les terres agricoles, les golfs ou les boisés environnants. Longueuil prévoit d’ailleurs exercer une surveillance en continu, à l’aide de caméras qui seront installées dans le parc Michel-Chartrand.

Catherine Fournier, mairesse de Longueuil.
Photo : Radio-Canada / Pier Gagné
Les autres villes vont aussi pouvoir s'inspirer de ce qu'on fait chez nous. Longueuil va pouvoir jouer un rôle de leadership à cet égard, pour voir comment on est capable de prendre des mesures pour s'assurer, au final, de l'équilibre écologique de nos espaces naturels et de nos écosystèmes.
Dès que l’opération d’abattage sera terminée, la Ville procédera à des travaux de restauration, comme le reboisement du parc, au coût de plusieurs centaines de milliers de dollars.
Pour le Dr Vaillancourt, un suivi rigoureux et récurrent devra être fait si la Ville souhaite éviter un autre abattage massif comme celui qui est prévu dans les prochaines semaines. Il y a trois clés essentielles : l’éducation du public, la surveillance des bêtes et leur stérilisation.