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Inconduite sexuelle : le gouvernement et l’Armée canadienne présentent leurs excuses

Anita Anand, devant un lutrin, prend la parole avec en arrière-plan plusieurs drapeaux canadiens.

La ministre Anita Anand a officiellement présenté ses excuses aux victimes d'inconduites sexuelles dans l'armée au nom du gouvernement canadien.

Photo : Capture d’écran - Facebook/compte des Forces armées canadiennes

  • Sophie-Hélène Lebeuf

« Aujourd’hui, en tant que ministre de la Défense nationale, je vous présente mes excuses au nom du gouvernement du Canada » : Anita Anand a prononcé lundi les mots attendus depuis longtemps par les nombreuses victimes d'agressions et d'inconduites sexuelles au sein des Forces armées canadiennes (FAC) et de son ministère.

Les excuses exprimées au cours d'une allocution virtuelle d'une quarantaine de minutes ont été triples : la ministre Anand, le chef d’état-major de la Défense, le général Wayne Eyre, ainsi que la sous-ministre de la Défense nationale, Jody Thomas, ont fait acte de contrition respectivement au nom du gouvernement, de la Défense nationale et des FAC.

Beaucoup trop d’actuels et anciens membres des Forces armées canadiennes, de vétérans, d’actuels et anciens fonctionnaires du ministère de la Défense nationale et d’employés des fonds non publics ont été victimes de harcèlement sexuel, d’agressions sexuelles ou de discrimination fondée sur le sexe, le genre, l’identité de genre et l’orientation sexuelle, a déclaré la ministre au cours d'un événement diffusé en direct sur la page Facebook de la Défense nationale.

Je m'excuse au nom du gouvernement du Canada et au nom des représentants élus qui, tout au long de l'histoire des Forces armées canadiennes, avaient la responsabilité de vous protéger et qui n'ont pas su le faire, a-t-elle martelé.

Les gouvernements successifs sont loin d’avoir fait le nécessaire pour éradiquer ce fléau, a soutenu Mme Anand, regrettant qu'ils aient trop longtemps failli à consacrer suffisamment de temps, d'argent, de personnel et d'efforts pour faire face à la situation.

Les vies d'innombrables personnes ont été bouleversées à cause de l'inaction et de l'échec systémique.

Une citation de Anita Anand, ministre de la Défense nationale

Le gouvernement canadien, le ministère de la Défense nationale et les FAC vous ont laissé tomber, et pour cela, nous sommes désolés. Je suis désolée.

Anita Anand a reconnu que la vague d'inconduites sexuelles et ces abus de pouvoir avaient entraîné une crise de confiance et de liens brisés au sein de l’équipe de la Défense.

Aujourd'hui, nous faisons cette promesse : les choses peuvent changer, elles doivent changer, et elles vont changer, a-t-elle affirmé, disant faire de ce changement de cap sa priorité absolue.

Première femme nommée à la Défense en près de deux décennies, la ministre Anand avait annoncé il y a deux semaines que des excuses officielles seraient offertes aux victimes.

Les regrets formulés sont venus plus de six ans après un rapport accablant de la juge à la retraite Marie Deschamps, qui concluait que la culture des FAC était hostile aux femmes et aux minorités sexuelles, ce qui ouvrait la porte au harcèlement sexuel et aux agressions sexuelles.

La présentation d'excuses était mentionnée dans l'entente à l'amiable conclue il y a deux ans et demi entre le procureur général du Canada et les représentants de divers plaignants ayant entrepris des actions collectives contre le fédéral au cours des dernières années.

Il ne s'agit que d'une étape, a-t-elle dit, et il y en aura d'autres dans les semaines à venir, a-t-elle promis.

La ministre Anand, qui s'est par la suite présentée devant les journalistes, a cependant nié qu'Ottawa ait attendu que soit passée la date limite du 24 novembre fixée pour l'enregistrement des demandes d'indemnisation s'inscrivant dans le cadre de l'entente.

Le moment a été déterminé avec les plaignants avant la campagne électorale, a-t-elle assuré, invoquant la pandémie.

Les FAC font leur mea culpa

Le général Wayne Eyre, bardé de médailles, devant des drapeaux canadiens, parle devant la caméra.

Le général Wayne Eyre a reconnu que l'armée avait trahi la « confiance » de ses membres.

Photo : Capture d’écran - Facebook/compte des Forces armées canadiennes

En présentant aux victimes ses excuses les plus sincères et les plus profondes, le général Eyre a dit espérer de tout cœur qu’elles marqueront une étape importante de notre cheminement vers la guérison.

Le chef d’état-major de la Défense a dit comprendre que des victimes se sont senties trahies, isolées et bâillonnées.

Dans notre métier, dans la profession des armes, la confiance peut faire la différence entre la vie et la mort. Et nous avons trahi cette confiance.

Une citation de Le général Wayne Eyre, chef d'état-major des Forces armées canadiennes

Cette confiance a été trahie par des collègues et des dirigeants, et par cette institution parce que l'on n'a pas fait assez pour l'arrêter, a poursuivi celui qui a été confirmé dans ses fonctions le mois dernier. Il s'est dit convaincu que le changement était possible.

La sous-ministre de la Défense nationale, Jody Thomas, a de son côté présenté avec humilité ses excuses aux victimes civiles qui travaillent au ministère et a dit éprouver des remords pour la grande souffrance infligée.

Trudeau regrette, les conservateurs réclament des gestes concrets

Interrogé sur ce dossier au cours d'une conférence de presse virtuelle sur les garderies plus tôt dans la journée, le premier ministre Justin Trudeau a admis que le gouvernement avait beaucoup de travail à faire pour mettre fin à cette culture problématique, et parfois toxique, dans nos Forces armées canadiennes.

Nous regrettons profondément ce qui s'est passé, nous offrons nos excuses à tous les survivants et survivantes dans les Forces armées canadiennes qui n'auraient jamais dû vivre les expériences comme ça, a-t-il dit.

M. Trudeau, qui a dans plusieurs dossiers offert des excuses officielles au nom du gouvernement, n'a cependant pas dit pourquoi il ne les avait pas présentées lui-même cette fois-ci.

Les conservateurs ont par ailleurs intimé aux libéraux de joindre le geste à la parole.

Il est temps pour les libéraux d’agir concrètement, notamment en mettant en œuvre les recommandations du rapport Deschamps de 2015, et de s’assurer que le processus en place pour traiter les allégations d’inconduite sexuelle est transparent et respectueux, a soutenu le député Pierre Paul-Hus dans une déclaration envoyée à Radio-Canada.

Le fait est que les libéraux ont été incapables, en six ans, de régler cette crise.

Une citation de Pierre Paul-Hus, député de Charlesbourg-Haute-Saint-Charles

En Chambre, sa collègue Candice Bergen, cheffe adjointe du parti, a montré du doigt l'ancien titulaire du portefeuille de la Défense nationale, Harjit Sajjan, qui aurait été informé il y a trois ans d'allégations d'inconduite qui visaient le chef d'état-major de l'époque Jonathan Vance.

Le ministre du Développement international [et ex-ministre de la Défense Harjit Sajjan] va-t-il se lever, va-t-il s'excuser personnellement pour le rôle qu'il a personnellement joué dans la dissimulation de l'inconduite sexuelle au sein des Forces armées canadiennes?, a-t-elle dit lors de la période de questions.

Un scandale de grande ampleur

Gros plan sur des militaires canadiens dont on voit l'uniforme, sur lequel se trouve un drapeau canadien.

Plusieurs membres de l'Armée canadienne font l'objet d'allégations d'inconduites sexuelles.

Photo : Radio-Canada

Accepté par la cour en novembre 2019, le règlement qui prévoyait notamment les excuses présentées lundi stipule qu'Ottawa versera une somme susceptible d'atteindre 900 millions de dollars aux victimes, qui avaient jusqu'au 24 novembre dernier pour s’y inscrire.

Selon le site web officiel consacré à l'action collective, près de 19 000 personnes, dont 58 % sont des femmes, ont soumis une réclamation. Les motifs des plaintes vont de discrimination fondée sur le genre à agression ou harcèlement sexuel ayant entraîné des blessures ou un stress post-traumatique, en passant par agression ou harcèlement sexuel.

Un peu plus de 5400 réclamations ont été approuvées ou payées. Près de 4900 personnes ont en outre demandé de participer à des démarches réparatrices.

Aux prises avec une pluie d'allégations d'inconduites sexuelles visant sa haute hiérarchie depuis plusieurs mois, l'armée est secouée par une véritable crise qui a mené au départ du prédécesseur de la ministre Anand, critiqué pour ne pas en avoir fait davantage pour remédier à ce problème.

Au cours d'une allocution récente, la ministre Anand a admis que la crise de confiance entourant les inconduites sexuelles nuisait au moral et au recrutement des troupes.

Depuis le début de l'année, au moins 11 hauts gradés de l'armée, dont l'ex-chef d'état-major Jonathan Vance ainsi que son successeur Art McDonald, ont fait l'objet de ce type d'allégations.

Nommée par le gouvernement Trudeau pour réaliser un examen indépendant du traitement de telles plaintes par l'armée, l'ancienne juge de la Cour suprême Louise Arbour a notamment recommandé de transférer toutes les allégations d’inconduite sexuelle visant des militaires canadiens aux autorités civiles des différentes provinces. Une recommandation à laquelle s'est rapidement rendue la ministre Anand, peu après sa nomination.

Le mois dernier, le Bureau du Grand Prévôt des Forces canadiennes (GPFC) a estimé qu'environ 145 plaintes d'allégations d'inconduite sexuelle visant des membres des FAC, tous rangs confondus, pourraient être transférées à la police civile pour enquête.

La semaine passée, le Service national des enquêtes des Forces armées canadiennes a déposé des accusations d'agression sexuelle et d'actions indécentes contre le vice-amiral Haydn Edmundson, ex-responsable des ressources humaines des FAC.

Avec les informations de CBC et La Presse canadienne

  • Sophie-Hélène Lebeuf

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