La Russie s’oppose à l’établissement d’un lien entre climat et sécurité à l’ONU

Des réfugiés camerounais, qui ont fui des violences entre pêcheurs, éleveurs et agriculteurs en raison de la rareté de l'eau, attendent de recevoir de la nourriture, le 10 décembre 2021, à Ndjamena.
Photo : afp via getty images / Djimet Wiche
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
La Russie a mis son veto, lundi, au Conseil de sécurité de l'ONU, à un projet porté par le Niger et l'Irlande établissant un lien générique entre le réchauffement climatique et la sécurité dans le monde. Une résolution qui était soutenue par une majorité de membres des Nations unies.
Le texte, qui a eu la faveur de 12 des 15 membres du Conseil, demandait au secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres d'intégrer les risques de sécurité liés au climat en tant qu'élément central dans les stratégies globales de prévention des conflits des Nations unies
.
L'Inde, sans droit de veto, a voté contre, jugeant que le réchauffement climatique était surtout lié à une question de développement économique. La Chine s'est abstenue.
La résolution réclamait aussi au chef de l'ONU un rapport avant deux ans sur les implications pour la sécurité [...] des effets néfastes du changement climatique
sur les dossiers gérés par le Conseil, et des recommandations sur la manière dont ces risques peuvent être traités.
Le droit de veto durement critiqué
L'ambassadrice américaine à l'ONU, Linda Thomas-Greenfield, a estimé que le veto de la Russie n'avait aucune justification
. La crise climatique est une crise de sécurité
, a-t-elle fait valoir.
En faisant part de leur profonde déception après le vote, ses homologues d'Irlande et du Niger, Geraldine Byrne Nason et Abdou Abarry, ont vivement dénoncé l'existence d'un droit de veto au Conseil de sécurité, qui reste l'apanage depuis la Seconde Guerre mondiale de ses seuls cinq membres permanents (États-Unis, Russie, Chine, France et Royaume-Uni).
Ce droit est un anachronisme
et ce Conseil ne sera jamais à la hauteur de son mandat pour la paix et la sécurité internationales s'il ne s'adapte pas
aux nouveaux défis comme le changement climatique, ont asséné ces deux ambassadeurs de pays membres non permanents au Conseil.
Au sein de cette instance, où les États-Unis n'ont pour l'instant guère montré d'initiative et de contrepoids à la Russie sous l'administration de Joe Biden, Moscou mène la danse en recourant sans états d'âme à son droit de veto sur de multiples dossiers : Éthiopie, Libye, Soudan, Syrie, Centrafrique, Mali, Bosnie...
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Une résolution inacceptable
, dit Moscou
Jeudi, le président du Niger, Mohamed Bazoum, était venu à l'ONU plaider en faveur de la résolution. Il est grand temps pour le Conseil, dans le cadre de son mandat de prévention, de prendre en compte les risques sécuritaires liés au changement climatique en tant qu'élément supplémentaire de notre architecture de paix et de sécurité
, avait-il expliqué.
L'ambassadeur russe à l'ONU, Vassily Nebenzia, avait alors rejeté toute saisie transversale du Conseil de sécurité sur cette thématique et a redit lundi que la résolution était inacceptable
.
Pour nous, le lien direct entre le terrorisme et le changement climatique est loin d'être évident
, a-t-il dit, en refusant une résolution qui créerait la confusion et les doublons
avec d'autres forums traitant du réchauffement climatique.
La Russie ne conteste pas cette évolution, mais il faut examiner chaque pays et chaque région individuellement. Les démarches génériques et automatiques pour se pencher sur les causes de conflit détournent le Conseil de sécurité du règlement de ces problèmes
, a répété lundi l'ambassadeur russe.
Pour le Niger, dont le texte était coparrainé – fait rare à ce niveau – par 113 des 193 membres de l'Assemblée générale de l'ONU, le Conseil de sécurité doit se doter d'une approche intégrée et coordonnée, en vue d'un renforcement de sa capacité à comprendre l'impact du changement climatique
.
Cela sur la base d'une analyse approfondie des risques actuels et futurs, de façon à formuler des recommandations pertinentes orientées vers l'action
, avait précisé Mohamed Bazoum.
La France avait aussi estimé qu'il y avait un lien évident
entre le réchauffement de la planète et la sécurité, alors que l'accès à l'eau, la pénurie alimentaire ou l'insécurité climatique permettent aux groupes armés de prospérer
en profitant de la vulnérabilité des populations.
Antonio Guterres avait également jugé que si le changement climatique n'[était] pas la source de tous les maux, il a[vait] un effet multiplicateur et [était] un facteur aggravant d'instabilité, de conflit et de terrorisme
.