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Envoyé spécial

Viande cultivée en laboratoire au menu

De la viande de poulet.

À Singapour, de la viande de poulet produite en laboratoire commence à faire son apparition dans les assiettes.

Photo : Radio-Canada / Philippe Leblanc

  • Philippe Leblanc

À Singapour, il est possible depuis déjà un an de manger de la viande de poulet créée en laboratoire à partir de cellules souches. En plus d’être servi dans des soupers immersifs, ce produit est aussi offert sur une application de livraison de repas.

Dans l’hôtel JW Marriott du centre-ville de Singapour, une table est placée au centre d'une pièce remplie d'écrans qui diffusent des images et des bruits de jungle. Des vidéos sur les origines et sur l’avenir de l’alimentation défilent.

Au menu ce soir-là, des croquettes de poulet servies de deux façons : à l'érable avec une gaufre et de la sauce épicée ou bien assaisonnées de graines de sésame, d’oignons et de cornichons sur un bao, un petit pain cuit à la vapeur.

Dans le paradis culinaire qu’est Singapour, c’est une expérience sans égale. La viande de poulet a été conçue en laboratoire.

Je ne savais pas si ça allait être plastique ou pas vraiment, mais c’est de la viande, commente Bruno Ménard, un ancien chef français triplement étoilé.

Il est certain que c’est de la viande. Quand on déguste, c’est de la viande. On a la texture, on a du goût. Ça a un goût de volaille. Je suis agréablement surpris.

Une citation de Bruno Ménard

Du poulet fabriqué dans un bioréacteur

L’entreprise Eat Just a travaillé durant quatre ans en laboratoire à la conception de cette viande synthétique. Le produit a été élaboré à partir de cellules souches de poulet prélevées par biopsie.

Après leur prélèvement, les cellules souches sont ensuite cultivées dans un bioréacteur de 1200 litres où elles se multiplient grâce à un apport de vitamines et de divers nutriments.

Du poulet servi dans un restaurant.

Le poulet de la société Eat Just est servi dans des restaurants de Singapour.

Photo : Radio-Canada / Fournie par la compagnie alimentaire Eat Just

L’opération permet de fabriquer uniquement de la viande de poulet, pas de produire l’animal lui-même. En 14 jours, quelques kilogrammes de viande synthétique sont prêts pour la consommation. C’est trois fois moins de temps qu’un poulet qu’on élève pour ensuite le conduire à l’abattoir.

L’entreprise Eat Just ne veut pas dévoiler le coût de production de cette viande synthétique. Toutefois, à titre d’exemple, les croquettes servies lors de ce souper immersif coûtaient 23 $ au client et l’entreprise perdait beaucoup d’argent.

La chose la plus importante qu’on puisse faire pour répondre à la demande mondiale de viande, qui va augmenter de 70 % d’ici 2050, tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre, c’est de produire davantage de viande synthétique, croit le PDG de la société Eat Just, Josh Tetrick.

Il nous faut créer des bioréacteurs de 250 000 litres et produire 15 millions de tonnes de viande par usine chaque année. À ce moment-là, la viande synthétique sera même moins chère que la viande conventionnelle.

Une citation de Josh Tetrick, PDG de la société Eat Just

Concurrence féroce dans un nouveau secteur

Une soixantaine d'entreprises travaillent sur des projets de viande synthétique qui vont du poisson au bœuf en passant par le poulet. De nombreux géants de l’alimentation investissent des sommes considérables dans l’opération.

Eat Just est cependant la seule entreprise à avoir obtenu un permis de commercialisation. Singapour a émis les autorisations nécessaires à la fin de novembre 2020. Pour le moment, selon cette approbation gouvernementale, la viande synthétique doit uniquement être frite et servie sous forme de croquettes.

Nous avons réussi à attirer 267 millions de dollars en financement provenant de fonds privés au Qatar et à Singapour au cours de la dernière année, explique Josh Tetrick. Ça nous permet de travailler à améliorer la texture du poulet, à élaborer des languettes et des poitrines de poulet. On vise aussi d’autres types de viande.

Le chef Bruno Ménard, lui, rêve déjà de mousse au poulet synthétique.

Bruno Ménard

L'ancien chef français Bruno Ménard

Photo : Radio-Canada / Philippe Leblanc

Il y aura certainement une évolution du produit, dit-il. On va pouvoir contrôler les textures et ça deviendra de plus en plus intéressant, mais on a déjà un produit qui est absolument incroyable. Il est important de ne pas ajouter des additifs ou des choses supplémentaires dans cette viande.

Les problèmes éthiques de la viande synthétique

La viande cultivée en laboratoire soulève des questions éthiques. Certaines entreprises utilisent des hormones de croissance, par exemple. D'autres firmes, comme Eat Just, utilisent du sérum de veau fœtal comme milieu de culture, ce qui est jugé cruel, car cela nécessite l’abattage de vaches gestantes.

De son côté, le monde médical demeure sceptique quant à l’apport nutritionnel et aux avantages de la viande synthétique. Le directeur de la prévention à l’Institut de cardiologie de Montréal, Martin Juneau, émet des doutes.

On serait mieux d’avoir une alimentation plus riche en végétaux, en protéines végétales, que de se lancer dans la viande cultivée, à mon avis.

Une citation de Martin Juneau, cardiologue

« On recommande aux gens de manger moins de viande. Les insectes, dans les protéines animales, seraient mieux », selon lui.

Du poulet dans des assiettes

Le poulet produit en laboratoire garnit les assiettes de certains restaurants.

Photo : Radio-Canada / Fournie par la compagnie alimentaire Eat Just

Après Singapour, le Qatar prochainement et les États-Unis ensuite. L'entreprise Eat Just espère bientôt obtenir le feu vert des autorités sanitaires américaines.

Nous sommes en discussion avec la Food and Drug Administration, affirme Josh Tetrick. Ils ont les mêmes questions que Singapour. Ils veulent plus d’information sur le processus et sur les méthodes que nous employons. Nous sommes déjà prêts à faire le lancement quand ils nous donneront l’autorisation.

Il semble d’ores et déjà inévitable que la viande cultivée en laboratoire arrivera au Canada d'ici quelques années.

  • Philippe Leblanc

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