Travailler jusqu’à 75 ans : une solution au vieillissement de la population
Le Conseil du patronat propose d’augmenter de 70 à 75 ans l’âge maximal de la retraite.
Photo : Radio-Canada / Bertrand Galipeau
Il faut rendre le travail fiscalement plus attrayant pour les aînés et favoriser le maintien à domicile si l’on veut atténuer les conséquences économiques du vieillissement de la population, soutient le Conseil du patronat du Québec (CPQ) dans une étude dévoilée jeudi.
La situation est assez préoccupante
quand on anticipe l'impact du vieillissement de la population sur l'économie et les services à la population, juge Norma Kozhaya, économiste en chef du CPQ.
L’organisme estime que la décélération de la croissance économique qu’entraînera la diminution de la population active pourrait faire en sorte que le produit intérieur brut réel (PIB) soit de 63 milliards de dollars moins élevé que ce qu'il pourrait être en 2040. Cela représente 6667 $ de moins par habitant, souligne-t-elle.
Pour arriver à ce chiffre, l'économiste utilise les hypothèses de la Chaire en fiscalité et en finances publiques (CFFP) de l'Université de Sherbrooke. La CFFP prévoit que la croissance économique passera à un rythme annuel moyen de 1,4 % entre 2022 et 2041 en raison du vieillissement de la population, contre 1,9 % de 2010 à 2019.
Au-delà des chiffres, la combinaison d'une croissance économique plus faible avec un manque de main-d'œuvre aura des impacts réels sur la population, prévient Mme Kozhaya.
Concrètement, soit qu'on a moins de services, soit qu'on augmente la fiscalité. Il faudra trouver des moyens d'être plus efficients avec les ressources que nous avons
, dit-elle.
Le Québec tirerait d'ailleurs un immense avantage
à encourager plus de travailleurs expérimentés à rester sur le marché du travail. L'étude note que le taux d'activité des 60-64 ans n'est que de 52 % au Québec. Ce taux est de 57 % en Ontario. Il atteint 71 % au Japon et 74 % en Suède.
Mme Kozhaya juge qu'il faut améliorer les incitatifs au travail pour les aînés. Un principe de base est que, pour que les gens soient encouragés à travailler plus longtemps, il faut tout d'abord s'assurer que ça soit plus payant que la retraite
, pense-t-elle.
Pour y parvenir, le CPQ propose, entre autres, d'améliorer le crédit d'impôt pour la prolongation de la carrière et d'apporter des changements au supplément de revenu garanti (SRG) pour ne pas décourager les personnes à faible revenu de travailler plus longtemps.
Changement au Régime des rentes du Québec
Parmi les propositions du CPQ, Luc Godbout, titulaire de la Chaire en fiscalité et en finances publiques, croit que celles touchant le Régime de rentes du Québec (RRQ) sont les plus faciles à implanter.
Il cite en exemple l'idée de permettre aux travailleurs de 65 ans de cesser de cotiser à la RRQ s'ils le souhaitent. Il est déjà possible de le faire avec le Régime de pensions du Canada (RPC).
Normalement, ça se fait à coût neutre pour le régime, mais ça vient accroître le gain du travail pour ceux qui veulent rester sur le marché du travail passé 65 ans
, explique-t-il en entrevue.
Luc Godbout est aussi d’accord avec l’idée que le gouvernement donne la possibilité aux cotisants de repousser le versement de la RRQ à l'âge de 75 ans.
C'est un choix. Si les travailleurs repoussent leurs versements, les rentes vont être bonifiées plus tard et ça peut devenir intéressant de rester sur le marché du travail. Ça ne coûte rien au gouvernement, ça donne de la souplesse aux citoyens et ça se finance à coût neutre pour le Régime des rentes du Québec.
En entrevue à Zone Économie, le PDG du Conseil du patronat, Karl Blackburn, a souligné que, selon les calculs de l’organisme, la pension maximum actuelle accordée par le RRQ à 65 ans, de 1208 $ par mois, serait majorée à 2222 $ par mois si on attendait jusqu’à 75 ans pour recevoir les premiers versements.
Depuis 2013, il est déjà possible d’attendre jusqu’à 70 ans avant de recevoir de l’argent du RRQ. La rente est bonifiée de 8,4 % par année.
En plus d’augmenter de 70 à 75 ans l’âge maximal de la retraite au RRQ, le CPQ demande que l’on fasse de même pour la pension reçue du gouvernement fédéral ainsi que pour les régimes de pension agréés. Il propose également de faire passer de 71 à 75 ans l’âge auquel il est requis de transférer ses REER dans un FERR.
Soutien à domicile
Le vieillissement de la population exercera aussi une pression sur les services publics. La population des 85 ans et plus devrait tripler d'ici 2040, ce qui entraînera une hausse des dépenses en santé.
Le Québec devra trouver des moyens de retarder la perte d'autonomie, estime Norma Kozhaya.
Investir dans les soins à domicile amènerait un retour sur l'investissement
plus élevé qu'une entrée dans un CHSLD, selon l'économiste. Elle note qu'une diminution de 1 % du taux de présence dans les CHSLD amènerait une économie de 1,9 milliard d'ic 2035.
Ce n'est pas ça qui va tout régler, mais ça permet quelques économies
, ajoute-t-elle.
Les mentalités doivent changer quant au travail des aînés, croit pour sa part Luc Godbout. Dans les années 1980 et 1990, une époque où le taux de chômage était élevé, le départ d'un travailleur expérimenté était souvent vu comme une occasion de faire une place aux jeunes
.
C'est entré dans les mentalités, mais on n'est plus du tout là
, souligne-t-il.