Le Fonds vert toujours aussi opaque
Le Fonds vert, devenu le Fonds d’électrification et des changements climatiques, sort-il plus transparent de l’abolition de son conseil de gestion en octobre 2020?
Le FECC relève du ministre de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec, Benoit Charette.
Photo : Radio-Canada / Charles Contant
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Plus d’une année après la refonte du Fonds vert, il n’y a toujours aucun état financier ni de chiffres pour faire une analyse en bonne et due forme. Québec avait pourtant promis une « transparence accrue » et une « reddition de comptes plus efficace ».
Vous vous souvenez de ces millions de dollars du Fonds vert donnés à Énergie Valero pour un oléoduc et à Air Canada pour des ailettes? Le professeur spécialisé en énergie de HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau, croit qu’éviter un scénario semblable représente encore un défi tout à fait réel
.
Depuis octobre 2020, le Fonds vert a été rebaptisé par le gouvernement caquiste en Fonds d’électrification et des changements climatiques (FECC). Avec un solde de 1,45 milliard de dollars au 31 mars, il est le deuxième en importance parmi les fonds spéciaux du gouvernement du Québec après le Fonds des générations.
L’argent doit servir à financer des projets visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, tels que le programme de rabais à l’achat de voitures électriques (Roulez vert). Le gouvernement n’a pas exclu d’y avoir recours pour financer une partie du projet de tunnel entre Québec et Lévis.
Personnellement, je crains une politisation accrue des dépenses du Fonds vert, s’inquiète M. Pineau. On a vu qu’il y avait beaucoup d’autres dépenses qui sont faites par décret plutôt que d’être faites à travers des programmes balisés.
M. Pineau connaît bien le sujet. Il est membre du Comité consultatif sur les changements climatiques qui a été mis sur pied, lors de la réforme du Fonds vert, à titre de mécanisme externe pour veiller à la transparence et à la reddition de comptes.
« Il n’y a certainement pas davantage de transparence à l’heure où on se parle. On a perdu même de la confiance dans le rythme de divulgation des informations. [...] On a perdu de l'information dans la transition. Aujourd’hui, on a certainement perdu au change en termes de transparence. »
Les 13 personnes qui siègent au comité consultatif agissent à titre de bénévoles parallèlement à leurs obligations professionnelles et se réunissent seulement une fois par mois. Pierre-Olivier Pineau estime qu’il s’agit d’un sujet sur lequel le comité devra se pencher à l’avenir
, mais que ce comité ne peut pas se pencher sur toutes les questions
.
Le 29 novembre, le comité publiait un premier avis transmis 30 jours plus tôt au ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette. Ses recommandations portaient principalement sur l’atteinte de la carboneutralité, dont la mise en place d’un dispositif de suivi et de planification de l’action climatique à court et moyen termes, sous la forme d’un budget carbone
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Un audit de performance du vérificateur général attendu
En plus du comité consultatif, le vérificateur général du Québec a désormais pour mandat de faire un rapport annuel de ses constatations et de ses recommandations
sur le FECC. Mais pas plus tard qu’en juin dernier, l’organisme disait faire face à des retards importants
en raison du manque de préparation de certaines entités
et que l’audit des états financiers du Fonds vert pour la période du 1er avril 2019 au 31 mars 2020 n’avait même pas encore commencé.
Le bureau du vérificateur indique que la commissaire au développement durable et ses équipes travaillent actuellement sur un audit de performance du FECC
et qu’un rapport est prévu pour le printemps 2022. Dans le contexte, rien n’indique que la commissaire sera en mesure d’obtenir toutes les réponses pour faire la lumière sur l’ensemble des entrées et sorties de fonds.
Un tableau de bord à l’automne 2022
Selon un document du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques que nous avons pu consulter, ce ne serait qu’à l’automne 2022 qu’un tableau de bord sur l’avancement et la progression du plan de mise en œuvre du Plan pour une économie verte 2030 sera rendu public. Nous risquons donc d’avoir un meilleur aperçu de la situation qu’après les élections d’octobre 2022.
Ce tableau de bord comprendra les budgets et les dépenses, les résultats en matière de réduction des gaz à effet de serre, ainsi que des indicateurs de performance.
Un tel tableau de bord avait déjà été conçu par le Conseil de gestion du Fonds vert, mais semble avoir été remisé. Ce conseil, institué par le gouvernement libéral en 2017 pour veiller à une meilleure gouvernance du Fonds dans la foulée des subventions controversées, a été aboli dans le cadre de la réforme.
Sa présidente Sylvie Chagnon avait plus tard déclaré à La Presse canadienne : Nous espérons que son abolition ne signale pas un retour aux pratiques déficientes du passé
.
Plus encore, le conseil était tenu de déposer ses états financiers, un rapport annuel de gestion et une liste des mesures financées au mois de septembre de chaque année. En raison des changements législatifs, rien n’a été déposé en septembre dernier.
Ce que l’on sait
Pour l’instant, seuls les Comptes publics du gouvernement du Québec nous permettent d'avoir un aperçu du FECC, quoique très sommaire. Pour l'année financière 2020-2021, un peu plus d’un milliard de dollars ont été dépensés par les différents ministères sans qu’on sache pourquoi exactement. Pendant la même période, les revenus provenant principalement d'une taxe sur l'essence ont été de 761 millions de dollars.
Le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques explique que le Plan pour une économie verte 2030 et le Bureau d'électrification et de changements climatiques ont débuté leur première année financière le 1er avril
et qu’une mise à jour du plan de mise en œuvre et de son cadre financier sera réalisée au printemps.
Le ministère nous a également renvoyés aux fiches de suivi réparties par ministères et organismes sous la forme d’une cinquantaine de fichiers Excel (Nouvelle fenêtre). Après consultation, elles donnent pour l’instant peu de détails, sinon des informations générales sur les actions du plan de mise en œuvre et un budget qui y est associé.
À son arrivée au pouvoir en 2018, le premier ministre François Legault s’était exclamé que le Fonds vert était « géré n’importe comment ». Plus d’une année après l’adoption de la réforme de son ministre Benoit Charette, la preuve d’une meilleure gestion du FECC reste encore à faire.