Cinq questions pour comprendre le variant Omicron

Illustration d'un coronavirus pénétrant une cellule humaine.
Photo : getty images/istockphoto / Freezelight
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Il y a une semaine, l’Afrique du Sud signalait un nouveau variant préoccupant, Omicron. Il y a présentement beaucoup de spéculations et d’hypothèses entourant son impact. Voici ce que nous savons de ce variant qui semble vouloir prendre le monde d’assaut.
Le variant Omicron (B.1.1.529) a été détecté pour la première fois le 9 novembre dans la province de Gauteng, en Afrique du Sud. Il a été signalé officiellement à l'OMS le 24 novembre et a été déclaré préoccupant deux jours plus tard.
Un variant est jugé préoccupant lorsqu'il est associé à un ou plusieurs changements (augmentation de la transmissibilité ou de la virulence, diminution de l'efficacité des mesures de santé publique, des vaccins et des traitements disponibles).
Omicron est le cinquième variant préoccupant après Alpha, Beta, Gamma et Delta. Deux variants, le Mu et le Lamba, sont des variants d’intérêt
.
En date du 3 décembre, le variant Omicron est présent dans près de 40 pays.
1. À quel point ce variant est-il inquiétant?
Les virus mutent constamment et la plupart des mutations ont peu ou pas de conséquences.
Benoit Barbeau, professeur au Département des sciences biologiques de l'UQAM et spécialiste en virologie, rappelle que d’autres variants du SRAS-CoV-2 ont créé des frousses, notamment le sous-variant Delta plus, qui a été responsable d’une hausse récente de cas au Royaume-Uni. Les variants Beta et Mu réussissent à échapper partiellement aux défenses immunitaires du corps, mais ne sont jamais devenus une menace sérieuse, car ils n’avaient pas une bonne capacité de transmission.
Par contre, cette fois-ci, les quelque 50 mutations observées dans le génome du variant Omicron soulèvent des signaux d’alarme.
Omicron présente notamment une trentaine de mutations sur sa protéine S, qui facilite l’infection des cellules du corps. C’est plus du double des mutations observées sur la protéine S du variant Delta. De plus, une dizaine de mutations sont présentes dans le point central où le virus se lie à la cellule, ajoute M. Barbeau.
Cette combinaison de mutations n’a jamais été observée chez un autre variant.
À cause de ces mutations, qui permettent au virus de mieux se coller aux cellules, il semble possible qu'Omicron puisse non seulement être plus transmissible, mais échapper à l'immunité des vaccins. On ne sait pas encore dans quelle mesure, dit M. Barbeau.
Il y a un amoncellement de mutations, certaines qui étaient déjà présentes dans d’autres variants et dont on connaît l’importance et l’implication. Par exemple, on sait que les mutations N501 et E484 [présentes dans le génome d’Omicron et d'autres variants] sont connues pour rendre le virus plus transmissible ou plus résistant au vaccin.
Benoit Barbeau explique qu’il y a encore beaucoup de zones grises et qu’il faudra encore plusieurs semaines avant de mieux comprendre l'impact de ce nouveau variant sur la transmissibilité, la sévérité des infections et l’efficacité du vaccin. Toutefois, des informations commencent à surgir.
Transmission
De plus en plus d'informations indiquent une plus grande transmissibilité. Le taux de reproduction d'Omicron (le nombre moyen de personnes infectées par une personne infectée) dans la région de Gauteng en Afrique du Sud est passé de moins de 1 en septembre à près de 2,5 en novembre. Par comparaison, le taux de reproduction au Québec a rarement dépassé 1,5 depuis le début de la pandémie.
Selon d’autres données préliminaires provenant de l’Afrique du Sud, Omicron se répand deux fois plus vite que le variant Delta. Il y a deux semaines, ce pays comptait environ 300 nouveaux cas par jour. Actuellement, c’est plus de 15 000 nouvelles infections par jour.
Le taux de positivité (le pourcentage de tests qui sont positifs) y est de près de 25 %, signe que la transmission communautaire est très élevée. En comparaison, au Québec, en ce moment, le taux de positivité est de 4 %.
En entrevue avec NBC News (Nouvelle fenêtre), le Dr Leong Hoe Nam, un médecin spécialiste des maladies infectieuses basé à Singapour, a affirmé qu’Omicron pourrait devenir la souche dominante à travers le monde d’ici 3 à 6 mois.
Gravité des symptômes
De premières informations de l’Afrique du Sud laissent croire que les personnes infectées par Omicron auraient des symptômes plus légers. Mais ces données sont probablement trop parcellaires pour en tirer des conclusions. Il y a beaucoup de facteurs [qui pourraient fausser ces données]. Ça pourrait être simplement le fait que beaucoup de personnes infectées étaient des jeunes. Ça biaise l'interprétation
, prévient M. Barbeau.
Il est aussi encore trop tôt pour connaître avec certitude l’incidence sur les hospitalisations, puisque celles-ci augmentent généralement 2 à 3 semaines après une nouvelle hausse des cas. Déjà, les autorités dans certaines régions de l'Afrique du Sud, où le variant Omicron se propage à une vitesse fulgurante, font état d'une hausse des hospitalisations, particulièrement chez les jeunes.
Il est important de se préparer maintenant à une vague d'infections potentiellement très importante avec des hausses d’hospitalisations
, a par ailleurs indiqué le Scientific Advisory Group for Emergencies au Royaume-Uni, dans un rapport publié vendredi.
Réinfection
Une étude sud-africaine (Nouvelle fenêtre), qui n’a toutefois pas encore été révisée, indique que le risque de réinfection dans le cas du variant Omicron est trois fois supérieur à celui des vagues liées aux variants Beta et Delta. Par contre, l’étude n’a pas pu déterminer si le variant Omicron causait des réinfections davantage chez les personnes déjà infectées que chez les personnes vaccinées.
Vaccins et traitements
Déjà, les anticorps monoclonaux seraient moins efficaces contre le variant Omicron, indique M. Barbeau. Par contre, on croit, pour l'instant, que les médicaments oraux conçus par Merck et Pfizer devraient être efficaces, parce qu’ils ne ciblent pas la protéine S; ils empêchent plutôt le virus de se répliquer.
Quant aux vaccins contre la COVID-19 (conçus en fonction de la souche originale du SRAS-CoV-2), il est trop tôt pour dire s’ils seront efficaces contre le variant Omicron.
2. D’où vient le variant?
Si l’Afrique du Sud a été le premier pays à avoir annoncé la découverte du variant, il n’est pas possible de dire avec certitude d’où il vient.
Le variant semble présent en Europe au moins depuis la mi-novembre. Le Nigeria a indiqué avoir découvert un cas du variant sur son territoire remontant à octobre.
Plusieurs hypothèses sont actuellement étudiées quant à l’origine d’Omicron.
Les experts le disaient depuis des mois : plus il y a d’infections dans le monde, plus il y a de risques qu’un variant apparaisse.
Et avec plus de 500 000 nouveaux cas par jour à travers le monde depuis le début de novembre, le potentiel de mutation est très élevé.
Une autre hypothèse, qui selon M. Barbeau semble très probable, est que le virus aurait infecté une personne ayant une maladie chronique, potentiellement atteinte du sida. Cette personne immunosupprimée aurait incubé le virus et ça a permis au virus d’acquérir certaines mutations.
Une autre hypothèse, qui semble un peu plus improbable, selon M. Barbeau, est que le virus a infecté une population animale, puis a évolué avant de réinfecter un humain.
Si le variant circule depuis un moment, pourquoi n’a-t-on pas réussi à le détecter plus tôt? M. Barbeau explique que le dépistage ne permet pas toujours de voir sur-le-champ des tendances.
On a beau séquencer, mais si c’était seulement un ou deux cas parmi des milliers de cas, on ne voit pas nécessairement une tendance
, explique-t-il. Il ajoute que les pays avaient réduit le rythme de séquençage, puisque le variant Delta était tellement prédominant.
« Au niveau planétaire, on ne connaît pas tout ce qui est en train de se transmettre et de se propager. Il y a des surprises qui nous attendent. Il y aura certainement d’autres variants qui nous donneront des maux de tête. On n'est vraiment pas sortis du bois. »
3. Doit-on accélérer la distribution d’une troisième dose du vaccin pour tous?
Depuis l’annonce du variant Omicron, plusieurs pays ont commencé à accélérer la distribution de la troisième dose du vaccin contre la COVID-19.
Au Canada, le Comité consultatif national de l'immunisation (CCNI) a recommandé vendredi au gouvernement fédéral d’offrir une dose de rappel de vaccin contre la COVID-19 à tous les Canadiens de 18 ans et plus qui ont reçu leur deuxième dose depuis au moins six mois. Le CCNI insiste fortement
pour que les 50 ans et plus reçoivent cette dose de rappel.
M. Barbeau estime qu’une troisième dose pour la population entière est peut-être une décision un peu hâtive pour deux raisons.
Premièrement, il n’est pas prouvé que le variant Omicron échappe aux vaccins. Si c’est le cas, cette troisième dose ne sera pas adaptée à ce nouveau variant.
Deuxièmement, considérant qu’une vaste majorité de la population à travers le monde n’a même pas reçu de première dose, offrir une troisième dose sans aider les autres pays sera contre-productif, ajoute M. Barbeau.
Rappelons par ailleurs qu’à travers le monde seulement 44 % des personnes ont reçu deux doses de vaccin.
« Ce qu’on voit et ce qu’on avait prédit, s'il n'y a pas une couverture forte ailleurs, ça permet au virus de se reproduire. [...] On peut vacciner constamment tous les six mois, mais ça serait un peu loufoque si on ne vaccine pas à travers le monde, ça va compliquer les choses. »
La décision d’offrir une troisième dose à tous devra être prise en fonction des données probantes, et non pour des raisons politiques, affirme M. Barbeau. Si la population générale est plus à risque d’être hospitalisée [si elle infectée par le variant Omicron], c’est une chose. Mais de l’offrir pour la population générale [juste au cas], c’est peut-être un peu hâtif.
Cela dit, la vaccination continue d’être une arme efficace pour maîtriser la situation par rapport au variant Delta, surtout à l’approche du temps des Fêtes et de l’hiver, dit M. Barbeau. Il vaut mieux, en attendant plus de données probantes sur Omicron, encourager ceux qui ne sont pas vaccinés ou partiellement vaccinés à recevoir leurs doses.
4. Doit-on adapter les mesures de santé publique?
Selon M. Barbeau, compte tenu d’une récente augmentation de cas, particulièrement au Québec (plus de 9000 personnes sont actuellement infectées), de l’incertitude entourant la durée de l’immunité vaccinale et de l’arrivée du variant Omicron, les gens doivent être vigilants.
Il ajoute qu’il est peut-être prématuré de parler d’assouplir les règles pour le temps des Fêtes.
« Allons-y graduellement et conservons certaines bonnes habitudes, parce que nous sommes encore en pandémie. Il faut une conscientisation collective et que les gens se gardent une petite gêne par rapport à de grands rassemblements [pendant les Fêtes]. Sinon, le début de 2022 sera décourageant. »
Par contre, il croit que le succès des vaccins offre un contexte plus favorable qu’en décembre 2020.
En entrevue à l’émission Le 15-18, Nathalie Grandvaux, directrice du Laboratoire de recherche sur la réponse de l'hôte aux infections virales au Centre de recherche du CHUM, rappelle que les mesures de base restent les mêmes face au variant Omicron : la vaccination, le port du masque, la restriction des contacts et le dépistage.
L’Agence de la santé publique a récemment modifié ses recommandations concernant les masques et estime qu'en général, même si les masques non médicaux peuvent aider à prévenir la propagation de la COVID-19, les masques médicaux et les respirateurs (N95) offrent une meilleure protection
.
Une étude du Bangladesh a d'ailleurs démontré que le port de masques chirurgicaux diminuait les risques d’être infecté de 11,2 %, comparativement à 5 % pour les masques en tissu.
Depuis le début de la pandémie, les masques respiratoires N-95 ont généralement été recommandés seulement aux travailleurs de la santé, puisqu’ils nécessitent un ajustement formel. Par contre, les nouvelles directives de l'ASPC indiquent qu’un masque respiratoire porté dans la communauté n'a pas besoin d'être soumis à un test d'ajustement formel comme c'est le cas dans certains milieux professionnels
.
L’ASPC rappelle qu’un masque bien ajusté doit :
- être assez grand pour couvrir complètement et confortablement le nez, la bouche et le menton;
- se fixer solidement à la tête;
- être confortable et ne pas nécessiter d’ajustements fréquents.
Enfin, plusieurs experts le répètent, ouvrir les fenêtres est un très bon moyen de réduire les risques de propagation à l’intérieur. Plusieurs pays, dont le Royaume-Uni et la France, ont récemment lancé des campagnes publicitaires pour encourager les gens à penser à la ventilation dans les lieux fermés.
5. Pourquoi l’appelle-t-on Omicron?
Pour faciliter les débats publics sur les variants, l'Organisation mondiale de la santé nomme les variants du nom des lettres de l'alphabet grec (alpha, bêta, gamma, delta...). Cela permet notamment d'éviter de stigmatiser le pays où ce variant a initialement été découvert.
Par exemple, le variant qui a émergé en Inde n'est pas connu sous le nom de B.1.617.2. Il est plutôt connu sous le nom de Delta, la quatrième lettre de l'alphabet grec.
En choisissant le nom de ce nouveau variant, l’OMS a sauté deux lettres de l’alphabet grec : le Nu
, parce qu’il se confond trop facilement avec nouveau
, et Xi
, parce que c'est un nom de famille courant.