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Analyse

Là pour longtemps, l’inflation rend la vie dure aux moins nantis

Une bénévole dans l'entrepôt de Moisson Montréal

Près de 20 % de la population canadienne doit faire appel aux banques alimentaires.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Environ la moitié des contribuables québécois touchent annuellement des revenus de moins de 30 000 $. Non seulement ils n’ont pas accumulé d’épargne durant la pandémie, mais ils doivent aujourd’hui affronter une poussée d’inflation sur les produits de base qui semble être là pour de bon. Ils sont les premières victimes des pressions inflationnistes.

Près de 20 % de la population canadienne doit faire appel aux banques alimentaires. Au Québec, la distribution de paniers de provisions a augmenté de 37 % cette année par rapport à 2019, alors que le nombre de travailleurs ayant recours aux banques alimentaires a grimpé de 40 %. Plus de 600 000 Québécois font appel aux banques alimentaires tous les mois.

Des tonnes de produits alimentaires et des produits du quotidien sont touchés. D’octobre 2020 à octobre 2021, voici les prix de quelques produits qui ont bondi de façon marquée, bien au-delà du niveau moyen général d’inflation, selon Statistique Canada :

  • Côtelettes de porc : +6,7 %
  • Poulet : +7,2 %
  • Bœuf haché : +8,1 %
  • Carottes : +8,4 %
  • Ketchup : +8,6 %
  • Cigarettes : +9,3 %
  • Sucre blanc : +10,3 %
  • Café soluble : +10,6 %
  • Tomates en conserve : +12,2 %
  • Bacon : +19,1 %
  • Essence : +42,3 %

Une inflation persistante et non transitoire

Cette hausse des prix, qui touche particulièrement les prix des aliments, du logement et du transport, a des conséquences réelles sur la vie de millions de personnes au pays. Et cette inflation pourrait perdurer au moins jusqu’à la fin de 2022. Non seulement n’est-elle pas temporaire ou transitoire, comme le disent depuis des mois les dirigeants des banques centrales, mais elle semble vouloir s’installer à demeure.

En tous cas, c’est le message envoyé par Jerome Powell, le grand patron de la banque centrale des États-Unis, mardi, devant un comité du Sénat à Washington : le temps est venu, a-t-il indiqué, de ne plus qualifier cette inflation de transitoire.

Et, avec l’arrivée du nouveau variant Omicron, qui entraîne un resserrement des restrictions sanitaires un peu partout dans le monde, avec la fermeture de plusieurs frontières, il est à prévoir que la croissance de l’inflation va s’intensifier, a fait savoir Jerome Powell.

Il faudra donc accélérer la fin de l’intervention de la Fed dans les marchés, a-t-il dit, ce qui nous laisse comprendre que la hausse des taux d’intérêt pourrait s’amorcer plus rapidement en 2022 aux États-Unis. Une hausse de taux aurait pour effet, dans le temps, de calmer l’inflation, mais elle pourrait aussi réduire la capacité pour certains ménages très endettés de respecter toutes leurs obligations financières.

L’inflation est alimentée par deux grands phénomènes : l’injection massive de liquidités dans les marchés et dans l’économie depuis plus d’un an et demi et l’incapacité en matière de production à répondre à une demande des consommateurs qui s’est transformée.

Résultats : on manque de certains produits essentiels, comme des puces électroniques, pour fabriquer différents appareils. Et les ports sont engorgés, submergés de conteneurs qui ne demandent qu’à être déplacés vers différentes destinations.

Avec le nouveau variant, les troubles dans les chaînes d’approvisionnement pourraient s’amplifier, selon le président de la Réserve fédérale, ce qui devrait faire monter les prix encore davantage. Et c’est pour ça que la Fed envisage d’accélérer son resserrement monétaire et d’augmenter ses taux en 2022. 

Priorité économique : vacciner le monde entier

L’OCDE affirme, dans les circonstances, que la hausse des prix pourrait être plus importante qu’attendu et pourrait durer plus longtemps qu’attendu. La reprise économique est menacée, selon Laurence Boone, l’économiste en chef de l’organisation.

Pour 2022, l’OCDE a fait passer sa projection d’inflation de 3,1 % à 4,4 % aux États-Unis et de 1,9 % à 2,7 % dans la zone euro.

Plus que jamais, la priorité économique, a-t-elle indiqué, doit être la vaccination massive de l’ensemble de la population mondiale. L’inégalité vaccinale contribue à la multiplication des variants. Et plus cette inégalité vaccinale persiste, moins nous arrivons à éradiquer cette pandémie, qui a fait plus de 5 millions de morts jusqu’à maintenant.

C’est 92 % de la population qui est entièrement vaccinée à Singapour, 88 % aux Émirats arabes unis et au Portugal, 80 % en Corée du Sud, 76 % au Canada, 70 % en France. Mais, c’est 1,23 % en Éthiopie, 1,66 % au Nigeria, 5 % au Kenya, 44 % dans le monde entier.

Le président Biden a appelé à l’abandon des brevets pharmaceutiques pour permettre une production plus importante et plus locale des vaccins. Selon l’OCDE toutefois, le problème, ce n’est pas la production, mais la logistique de distribution. Les pays les plus riches ne font pas ce qui est nécessaire pour livrer les doses partout, à tous, largement.

Les pays du G20 ont injecté 10 000 milliards de dollars américains pour soutenir leur population et relancer leur économie. Or, distribuer les doses dans le monde et vacciner la population coûterait 50 milliards de dollars américains, selon l’OCDE.

Qu’est-ce qu’on attend donc pour passer à l’action, vacciner le monde entier, abattre la COVID et éviter le tourbillon inflationniste actuel qui malmène toujours les mêmes : les moins nantis?

Face à l’inflation

Pour contrer l’inflation, le gouvernement du Canada appuie sa stratégie sur l’accès au logement et les garderies à 10 $. Et le gouvernement du Québec a annoncé, le 25 novembre, des soutiens aux ménages les moins nantis et aux aînés les plus pauvres, notamment une aide exceptionnelle de 200 $ fin janvier 2022 pour les personnes qui reçoivent le crédit d’impôt remboursable pour solidarité.

Comme l’explique Isabelle Thibeault, conseillère en finances personnelles à l’ACEF du Sud-Ouest de Montréal, dans le balado Question d’intérêt cette semaine, ce n’est pas assez.

Sur un ton ironique, elle dit : Youppi, on va avoir une plus grosse épicerie pendant un mois! Mais ça ne réglera pas grand-chose. On ne peut pas être contre la vertu, ça reste quand même une bonne nouvelle pour ces ménages. Mais probablement que ça ne servira qu’à sortir la tête de l’eau du temps des fêtes, tout simplement.

Gérald Fillion.

Elle affirme qu’il faut adopter des mesures beaucoup plus profondes, structurelles et permanentes. Elle dit qu’on devrait évaluer l’impact de l’inflation sur différentes mesures de transfert, sur les services publics, et l’impact sur les revenus de vieillesse. Les personnes âgées qui vivent des pensions de vieillesse des deux paliers gouvernementaux sont plus de 30 % sous le seuil de faible revenu.

Or, le seuil de faible revenu mesure, dans les faits, la couverture des besoins de base. Ça veut dire, ajoute Isabelle Thibeault, qu’il manque 30 % des revenus pour couvrir nos besoins de base. Donc, le 275 $ va probablement être une bonne nouvelle le mois où il va arriver. Mais est-ce qu’on va s’en souvenir le mois suivant? J’en doute.

Le gouvernement du Québec affirme que 3,3 millions de personnes vont bénéficier de ce soutien exceptionnel. Sachant que les banques centrales s’attendent à des pressions inflationnistes plus fortes et pour une plus longue période, n’est-il pas venu le temps de mettre en œuvre une réflexion sur les soutiens à la population?

Salaire minimum, revenu minimum garanti, revenus de retraite, cotisations, impôts, taxes… et si on retournait toutes les cartes?

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