Le décès à Senneterre n’aurait pas pu être évité avec l’urgence du CLSC, dit le CISSS-AT

L'entrée de la salle d'urgence à Senneterre (archives).
Photo : Radio-Canada / Mélanie Picard
Les réactions sont nombreuses au lendemain du décès d’un homme de Senneterre. Richard Genest, âgé de 65 ans, a attendu plus d’une heure avant l’arrivée d’une ambulance après avoir contacté le 911.
Plusieurs estiment que son décès aurait pu être évité si le CLSC de Senneterre était ouvert 24 heures sur 24. La présidente-directrice générale du Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Abitibi-Témiscamingue (CISSS-AT) n’est pas de cet avis.
On a demandé une revue diligente, une analyse rigoureuse de toute la chronologie des événements par des experts indépendants. La conclusion est claire, même si le service d’urgence de Senneterre avait été ouvert, la personne serait tout de même décédée
, indique Caroline Roy, en entrevue à l’émission Des matins en or.
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La PDG du CISSS-AT précise que le temps total d’attente entre le premier appel fait au 911 et l’arrivée de l’ambulance au domicile de la personne était de 1 h 10.
Lorsqu'on lui a demandé si les délais observés étaient raisonnables, Mme Roy a indiqué que ceux-ci respectent les protocoles établis.
Quand on appelle une ambulance, il y a une évaluation qui est faite et des réévaluations sont faites dans le temps. Dans ce cas-ci, oui, tous les délais ont été respectés selon les protocoles qui assurent la sécurité de la population
, assure-t-elle.
Transferts en ambulance
Selon la Ville de Senneterre, l’homme aurait contacté les secours durant les heures de fermeture de l’urgence.
Le propriétaire d’Ambulance Senneterre, Serge St-Pierre, explique que depuis la fermeture de l’urgence de Senneterre la nuit le 18 octobre dernier, les ambulanciers ont comme consigne de transporter tous les patients en direction de Val-d’Or. Puisque le seul véhicule disponible de son entreprise répondait déjà à un autre appel, les ambulanciers de Barraute ont été appelés en renfort.
C’est ce qui est arrivé cette nuit-là. On a fait notre transport vers Val-d’Or et en revenant, on a rencontré le véhicule de Barraute qui avait répondu à un appel à Senneterre. On s'est arrêtés sur le bord de la route parce que le véhicule de Barraute était aussi arrêté. On a donné un coup de main aux ambulanciers de Barraute pour donner des soins au patient. Ensuite, [les ambulanciers de] Barraute ont continué en direction de Val-d’Or avec le patient
, indique-t-il.
Ces transferts ont été dénoncés à plusieurs reprises par la population.
Lors du premier appel au 911, l’évaluation de l’état de l’homme faite au téléphone ne présentait pas suffisamment d'urgence pour faire immédiatement appel aux ambulanciers de Barraute, selon Serge St-Pierre.
À première vue, il semblerait que la personne a été évaluée par la centrale d’appels et a été évaluée avec une priorité 7 au départ. La personne a été réévaluée un peu plus tard et c’est à ce moment-là que la priorité a changé et est devenue plus importante. C’est à ce moment-là qu’on a fait appel aux ambulanciers de Barraute
, affirme M. St-Pierre.
« Lorsqu’il y a une priorité 7, la centrale, comme ce n’est pas une priorité très urgente, va attendre que l’ambulance de la zone, notre véhicule à nous, revienne sur les lieux, et va nous donner l’appel en question. »
Dans les codes de priorité qui ont évolué avec la chronologie des événements, les délais ont tous été respectés et les ambulanciers se sont rendus sur les lieux dans les délais, en fonction des différentes priorités qui ont été accordées et qui ont évolué selon les appels faits pendant cette période d’attente
, a affirmé Caroline Roy sur nos ondes.
Selon Serge St-Pierre, l’ouverture de l’urgence de Senneterre aurait permis de sauver beaucoup de temps, notamment en évitant le détour vers Val-d’Or.
Quand notre urgence est ouverte 24 heures sur 24, on a du personnel, on a des médecins et du personnel infirmier très compétent qui sont sur place, ils auraient été capables d’évaluer ce patient-là et aurait pu être envoyé directement à Amos
, soutient-il.
La porte-parole du regroupement citoyen Urgence d’agir, Mindie Fournier, abonde dans le même sens.
Je tiens à souligner que cette personne-là habite à un kilomètre du CLSC de Senneterre, donc si notre CLSC avait été ouvert, cette personne-là aurait pu être prise en charge plus rapidement et au moins stabilisée pour ensuite être transférée vers le bon centre hospitalier
, s’indigne-t-elle.
Les réactions fusent à Québec
En mêlée de presse jeudi matin, le ministre de la Santé du Québec, Christian Dubé, a appuyé la version de Caroline Roy, en faisant référence à l’enquête qui a été menée.
Il y a deux services dont on parle, il y a le service ambulancier, mais il y a aussi le fait que l'urgence était fermée la nuit. La première analyse du coroner, c'est qu'il n'y a aucun lien entre le décès qui est très malheureux et ces deux services-là. C'est basé sur les faits qui lui ont été donnés, mais s'il a besoin d'une révision, on la fera
, mentionne-t-il.
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De son côté, la cheffe du Parti libéral du Québec, Dominique Anglade, déplore que les solutions amenées sur la table par la communauté pour éviter la fermeture de l’urgence n’aient pas été mises en application.
La communauté s'est mobilisée depuis des mois pour dénoncer le fait qu'il y avait une fermeture de leur urgence. Ils se sont mobilisés, ils ont amené des solutions à la table et ils n'ont jamais été écoutés. Le maire de Senneterre s'est déplacé ici, il a parcouru 800 kilomètres pour rencontrer le ministre et le premier ministre, il a eu droit à 8 minutes d'échanges, pour quel résultat?
demande-t-elle.
La députée solidaire de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, Émilise Lessard-Therrien, est d’avis que le décès de l’homme de Senneterre n’est qu’un indicateur de la précarité du système de santé en général en Abitibi-Témiscamingue.
Senneterre, c'est le symptôme d'une maladie plus profonde, notre système est en hémorragie en Abitibi-Témiscamingue et le ministre n'a pas de plaster et je ne sais même pas s'il est en train de chercher la boîte
, affirme Mme Lessard-Therrien.
Des propos qui ont trouvé écho auprès du député du Parti québécois et porte-parole du parti en matière de santé Joël Arseneau.
Il faut mettre un terme dès maintenant à cette approche qui réduit nos soins de santé au Québec à de la médecine de brousse
, déclare le député.