Le contrôle décentralisé des armes à feu est inefficace, dit un expert

Ottawa est invité à en faire davantage pour empêcher l'entrée illégale d'armes de poing au Canada. (Archives)
Photo : Radio-Canada / Natasha MacDonald-Dupuis
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
La facilité avec laquelle les armes à feu peuvent circuler d’un État américain à un autre devrait suffire à convaincre le Canada de la nécessité d’exercer un contrôle centralisé sur les armes plutôt que de s’en remettre aux provinces, croit un expert.
Selon Francis Langlois, membre associé de l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand et spécialiste des politiques liées aux armes à feu, l’exemple américain a exposé les failles et les limites du contrôle à la carte
.
Ce n’est pas particulièrement efficace parce que les frontières entre les provinces, comme les frontières entre les États au sud de la frontière, sont poreuses dans le sens où il n'y a pas de détecteur d'armes à feu entre les provinces, donc, ça ne fonctionne pas
, indique M. Langlois en entrevue à l’émission Première Heure.
À écouter :
L’entrevue qu’a accordée Francis Langlois à l’animateur Alexandre Duval à l'émission Première heure
Le meurtre de Thomas Trudel, un adolescent de 16 ans abattu d’une balle à la tête dimanche soir à Montréal, a relancé le débat sur le contrôle des armes de poing au pays.
Plusieurs voix se sont élevées au cours des derniers jours pour inviter Ottawa à prendre ses responsabilités
dans la lutte contre la violence armée en exerçant un contrôle pancanadien sur ce type d’objet.
Il faut que le fédéral call la shot. On est d’avis qu’il faut aller plus loin dans l’interdiction et ne pas déléguer les responsabilités
, a déclaré mercredi matin la ministre de la Sécurité publique du Québec, Geneviève Guilbault.
Absence de consensus
Quelques heures plus tard, le lieutenant québécois du premier ministre Justin Trudeau, Pablo Rodriguez, a indiqué à l’émission 24•60 qu’une interdiction pancanadienne des armes de poing n’était pas envisagée par son gouvernement en raison de l’absence d’un consensus à l’échelle du pays
.
C'est pas du mur à mur, ici. Les provinces ont une façon d'agir, d'intervenir, qui est très différente d'un cas à l'autre
, a fait valoir le député libéral.
Francis Langlois invite à ne pas confondre les problèmes liés à la possession légale d’armes de poing (suicides, violence conjugale, tueries de masse) avec la violence dans les rues, davantage associée aux armes acquises illégalement.
Ce sont deux dossiers connexes, mais qui ne sont pas les mêmes et qui ne s'attaquent pas aux mêmes problèmes
, insiste le chercheur.
Empêcher l’entrée illégale d’armes à feu au Canada est d’abord une responsabilité du gouvernement fédéral, précise M. Langlois, étant donné que le contrôle des frontières relève de ses compétences.
Renforcer la coordination
Il ajoute que le succès de l’opération exige néanmoins de la coordination entre les pouvoirs publics et les corps policiers à l’échelle nationale, provinciale et municipale. Une coordination qui laisse parfois à désirer au pays, constate l’expert en armes à feu.
On dirait que tous les corps de police au Canada travaillent en silo, c'est-à-dire qu'ils ont des données, ils ont des opérations, mais il y a peu de collaboration à grande échelle
, déplore Francis Langlois.
Il voit toutefois d’un bon œil la création de l’opération CENTAURE, une initiative du gouvernement Legault destinée à combattre le trafic d’armes en augmentant la répression et en améliorant la collaboration entre les différents corps policiers.
M. Langlois salue également les investissements réalisés par Québec dans les communautés les plus affectées par la violence armée afin de les relativiser au niveau socio-économique
.
[Il faut] aussi s'attaquer à la racine du mal, parce que même [si on arrivait] à faire disparaître toutes les armes à feu du Canada à l’aide d’une baguette magique, les conditions qui engendrent la violence resteraient présentes
, explique-t-il.