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De souffle poétique et de nature humaine

Les quatre livres sont disposés, debout, sur des pierres entourant la petite cascade d'un ruisseau.

Hélène Dorion, Chloé LaDuchesse, Carl Philippe Gionet et Mikael Gravelle proposent des titres au souffle poétique tour à tour berçant et dessillant.

Photo : Radio-Canada / Valérie Lessard

Il y a des écrivains et écrivaines qui savent partir du plus intime pour toucher à l’universel, et vice-versa. D’autres ne craignent pas de se mettre à nu afin que leurs mots expriment une vérité transcendant leur unique identité. Voici quatre voix au souffle poétique qui nous invitent à l’introspection autant qu’à l’émerveillement et à l’ouverture, à soi et à l'autre.

Le livre à la couverture rouge est debout sur un tronc d'arbre. En arrière-plan, on aperçoit l'eau d'un petit ruisseau et des feuilles brunies par l'automne.

« Mes forêts » est le plus récent titre d'Hélène Dorion, qui a publié plus d'une vingtaine de recueils de poésie au Québec, en Belgique et en France.

Photo : Radio-Canada / Valérie Lessard

Mes forêts : promenades vers soi

Les Forêts d’Hélène Dorion sont pétries de temps et d’espaces, entre cimes et racines déployées pour apprendre/la langue de l’horizon et se conjugue[r] lentement/loin de facebookinstagramtwitter.

Sa poésie foisonne dans les éclaircies et les densités des pensées et de l’histoire qui frayent leur chemin à travers ses poèmes. Elle incite à la lenteur, à la contemplation active, intuitive. À humer la terre, gratter l’écorce, suivre les lucioles, prêter l’oreille au chant des oiseaux, s’enivrer du bleu du ciel. Voir, entendre, goûter, toucher, sentir.

D’hier à aujourd’hui, elle convoque la longue marche du savoir. Ainsi, Hélène Dorion arpente ses forêts intimes pour mieux tendre le regard vers ce qui couve sous les manchettes de l’actualité, alors que dans nos corps/il fait un temps d’arn en cette ère de COVID-19, entre autres. Il fait un temps à s’enfermer/dans nos maisons de forêt, soutient-elle.

Elle se promène aussi entre les branches, observant couler l’eau des ruisseaux et écoutant bruire la canopée pour renouer avec l’essence du silence, se laisser transporter par la crue des mots et témoigner tour à tour de la puissance et de la fragilité du cycle de la vie et des saisons.

Et on plonge avec elle au cœur de ces Forêts. On y entre alerte, mais sans en craindre les zones d’ombres ou de s’y perdre. Au contraire, on s’y retrouve, tous les sens éveillés, en pleine lumière, parce que les forêts creusent/parfois une clairière/au-dedans de soi. Et ça fait le plus grand bien.


Le recueil est posé contre un tronc d'arbre tombé.

Avec ce deuxième recueil, Chloé LaDuchesse s'est taillé une place parmi les cinq finalistes du Prix littéraire du Gouverneur général, en poésie.

Photo : Radio-Canada / Valérie Lessard

Exosquelette : les os à découvert

Grâce à ses mots, Chloé LaDuchesse se dresse haut et fort parmi la génération montante des nouvelles voix poétiques. Elle n’est plus seulement l’idée d’une poète dans le ciel/de Sudbury d’il y a une dizaine d’années, signant ici un deuxième recueil qui figurait parmi les cinq titres finalistes du Prix littéraire du Gouverneur général 2021, dans la catégorie poésie.

Observant le monde qui l’entoure autant qu’elle s’observe, la Franco-Ontarienne d’adoption écrie tantôt l’adolescence, ses émois et ses tourments, tantôt son rapport au corps et à sa féminité, y compris sa vision de la condition féminine et ses positions féministes.

Elle s’inscrit dans le paysage extérieur pour mieux ancrer l’intimité de l’amitié à laquelle elle se réchauffe autour d’une pizza et d’une bière, et celle de l’amour qu’elle doit apprendre à faire avec les yeux/pas avec les mains, entre les draps blancs/bien remplis de nos fantômes.

D’une page à l’autre, elle explore, creuse son rapport à l’écriture, à ce qu’elle laisse sourdre de sa nature profonde, à ce qu’elle (dé)livre d’elle aux autres. Elle structure son Exosquelette, lui donne forme, l’érige un vers à la fois, puisqu'à trop vouloir/abrier le monde on se découvre/les os.

Car à se casser [l]es doigts un à un/pour crier/quelque chose d’intelligible, Chloé LaDuchesse se découvre. Dans tous les sens de l’expression : face aux autres autant que face à elle-même. Droite et fière envers et contre tout. Ce faisant, elle nous permet de mieux la découvrir.


Le livre semble flotter sur l'eau d'un ruisseau peu profond, puisqu'on voit clairement le fond de roches et les feuilles d'automne.

Carl Philippe Gionet signe un récit au souffle poétique. Il s'agit de son premier titre publié.

Photo : Radio-Canada / Valérie Lessard

Icare : entre sommets et abysses

Attirance. Fulgurance. Silences. Ambivalence. Dépendance. Chute. Tel l’Icare du titre, le narrateur du récit composé tel un long poème par Carl Philippe Gionet s’est brûlé les ailes. Écorché l’âme et le cœur au contact d’un amour trop intense qui le fait basculer.

Récit, comme l'indique l'éditeur en couverture? Oui. Celui d’une révélation pour cet Icare d’aujourd’hui, lorsqu’il rencontre l’homme qui vient troubler ses repères, redéfinir les contours de son identité sexuelle. Qui lui colle un sourire sur certaines photos de vacances, mais le fait sombrer dans toutes ses ambivalences quand ils se séparent ou quand il le trompe avec une femme.

Mais poésie aussi! Par les effets de plume du pianiste que Carl Philippe Gionet est également, lui qui publie un texte pour la première fois et qui le scande, le rythme par ses nombreux retours de chariot. Par la forme, donc, celle d’une mise en page donnant corps à cette histoire et, du même coup, l’espace nécessaire au lecteur pour cueillir les doutes, les espoirs, les pointes de jalousie et les pulsions charnelles, les confessions et les remises en question, d’une ligne à l’autre. Et entre les lignes.

J’étais content/que tu l’aimes pas/tant qu’ça/parce que/inconsciemment/une petite partie de moi/espérait que le ça/de tant que ça/c’était moi, écrit Carl Philippe Gionet.

L’Acadien joue des mots comme des notes, des sonorités éthérées des aiguës aux textures hantées des graves, pour mieux porter par monts et par vaux l’impact de cette rencontre sur le narrateur et, surtout, en faire ressentir les moindres aspérités, entre sommets et abysses. Entre les blanches et les noires, il fait tressaillir les bémols du non-dit et résonner les échos d’une santé mentale fragilisée par la dépendance, pour laisser entendre toute la portée de cette histoire d’amour impossible.


Le livre est posé au sol, au centre d'un carré délimité par des feuilles mortes.

Certains des poèmes formant « Marelle et discorde » ont valu à Mikael Gravelle de faire partie des finalistes au Prix de poésie Radio-Canada en 2019.

Photo : Radio-Canada / Valérie Lessard

Marelle et discorde : le feu à l’enfance

L’enfance de Mikael Gravelle n’a pas été rose, entre le rouge aux fesses quand son père lui fait une accolade/avec sa ceinture et le blanc des os après un élan de bonté d’une mère qui le pousse du haut des escaliers.

Artiste visuel formé en bande dessinée et en graphisme à l’Université du Québec en Outaouais, Mikael Gravelle sait comment imager la pauvreté dans laquelle il a grandi (et pas seulement celle d’un frigo vide), ainsi que sa quête identitaire entre les Barbie qu’il préfère aux camions, puis la douche obligatoire de certains lieux de rencontres et les condoms.

Certains petits garçons se cachent derrière la jupe/de leur mère,/mais ces habitués/s’assouvissent sous celle que je porte, décrit-il d’un style incisif, aussi provocateur qu’évocateur.

Marelle et discorde est tout empreint de ses désillusions affectives, des cinq familles d’accueil au sein desquelles il a posé ses valises ayant mal à la tête, à cet homme qu’il aime trop, mal, et pour lequel il voudrait se cacher dans les traces de [s]es pas/en petite boule, telle l’ombre d’une main ou d’un chien dans la chanson de Jacques Brel.

Le Gatinois s’expose, noir sur blanc. Il nous entraîne à sa suite de l’étourdissement du ventre vide de l’enfant à celui des marges dans lesquelles il évolue devenu adulte, porté par sa faim d’être aimé.

Il est à noter que le Gatinois signe l’illustration de la couverture d’Icare, de Carl Philippe Gionet. D’ailleurs, à lire ces deux titres en parallèle, on pourrait presque croire qu’ils se répondent, à certains moments, non pas par la forme autant que par les troublantes amours qu'ils racontent, chacun à sa manière.

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