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Analyse

Le captage du carbone, bonne solution?

Une installation de captage du dioxyde de carbone (CO2).

Une installation de captage du dioxyde de carbone (CO2) à l'incinérateur de déchets Amager Bakke, à Copenhague, le 24 juin 2021.

Photo : Getty Images / IDA GULDBAEK ARENTSEN

Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

De plus en plus d’acteurs économiques et de décideurs politiques affirment que le captage et le stockage du carbone représentent une solution d’avenir pour faire face aux défis climatiques. Les écologistes sont sceptiques. Les adeptes de la déconsommation y voient une arnaque. Mais, la technologie existe et suscite de grands espoirs à Ottawa. Est-ce une vraie bonne solution?

Le gouvernement Trudeau est favorable à la technologie du captage, de l’utilisation et du stockage du carbone. La ministre des Finances Chrystia Freeland a consacré trois pages de son budget 2021-2022, en avril dernier, à la recherche, au développement et à la mise en place d’un incitatif fiscal pour permettre des avancées sur cette technologie.

La lutte contre les changements climatiques et l’atteinte de zéro émission nette, est-il écrit en page 189 du budget, exigent que les Canadiens et l’industrie canadienne réduisent dans l’atmosphère, de toutes les façons possibles, les gaz à effet de serre nocifs. [...] La technologie de captage, d’utilisation et de stockage du carbone (CUSC) est un outil important pour réduire les émissions dans les secteurs aux émissions les plus importantes.

En écrivant de toutes les façons possibles, on comprend que le gouvernement Trudeau ne va pas se priver de toutes les options disponibles pour tenter d’atteindre ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Le texte du budget est affirmatif : la technologie du captage et du stockage est sûre et certaine, pleine de promesses et d’ambitions, et permettra au pays d’atteindre son objectif de carboneutralité en 2050.

Cela dit, le ministre de l’Environnement Steven Guilbeault, dans une entrevue à Zone économie vendredi, atténue les attentes face à cette technologie. En termes d’investissement, dit-il, on est à 30 milliards au cours des 10 prochaines années dans les transports collectifs et on est à plus de 10 milliards dans des technologies déjà existantes pour les secteurs de l’acier ou de l’aluminium vert, rappelle-t-il.

Il ajoute : Le GIEC [le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat] a fait un rapport sur le captage et le stockage du carbone en disant que ce serait une solution qu’on devait utiliser. Mais, il faut bien comprendre que ce n’est pas pour demain matin. Ce n’est pas là-dessus qu’on mise pour réduire nos émissions au cours des prochaines années. [...] À court terme, on est dans l’efficacité énergétique, on est dans les énergies renouvelables, on est dans le transport collectif, parce que ces technologies sont là, elles sont prouvées, elles existent.

« Il y a beaucoup de nouvelles technologies dont nous allons avoir besoin au cours des prochaines années, comme le captage et le stockage du carbone. On est à plusieurs années d’une utilisation commerciale, voire une décennie. »

— Une citation de  Steven Guilbeault, ministre de l’Environnement
Représentation d'une forêt en feu.

Stocker le CO2 très profondément dans le sol

Le carbone, est-il expliqué dans le budget, peut être stocké profondément sous terrain ou utilisé pour créer de nouveaux produits novateurs. [...] Le CUSC est la seule technologie actuellement disponible qui pourrait produire des émissions négatives. [...] Nous avons les éléments de base nécessaires en place, y compris l’infrastructure, comme l’Alberta Carbon Trunk Line, et des entreprises novatrices, comme CarbonCure en Nouvelle-Écosse, qui ont mis au point une technologie pour injecter du carbone capté dans le béton, le rendant plus fort et moins polluant.

Simon Langlois-Bertrand, chercheur à l’Institut de l’énergie Trottier à Polytechnique Montréal, affirme que l’une des solutions possibles, c’est le stockage géologique, qui consiste à trouver des endroits où il y a des poches, pour simplifier l’image, où on peut mettre le CO2 très profondément sous terre ou dans des formations géologiques qu’on va considérer comme étant stables à long terme, ce qui voudrait dire qu’en théorie, le CO2 va rester là à très long terme.

Selon lui, on commence à bien connaître le potentiel de ce stockage. Par contre, on n’a pas beaucoup d’expérience pour stocker de grandes quantités de CO2.

Un crédit d’impôt pour le captage et le stockage

Ottawa a décidé de créer, en 2022, un crédit d’impôt à l’investissement pour le capital investi dans les projets de captage, d’utilisation et de stockage du carbone avec l’objectif de réduire annuellement les émissions de CO2 d’au moins 15 mégatonnes. Le gouvernement a prévu un investissement de 319 millions de dollars sur 7 ans pour cette technologie.

Le Canada s’est donné pour objectif de faire passer ses émissions de GES à environ 440 mégatonnes en 2030, en baisse de près de 300 tonnes ou 40 à 45 % par rapport au niveau de 2005, alors que les émissions s’élevaient à 739 mégatonnes. Puisqu’elles étaient encore à 730 mégatonnes en 2019, on comprend que tout est à faire.

Le captage représente donc, dans le plan de match fédéral, une solution capitale. Le gouvernement entend prendre des mesures importantes pour appuyer et accélérer l’adoption de ces technologies, est-il écrit dans le budget fédéral. En offrant des incitatifs à adopter les technologies en matière de CUSC, la mesure proposée constituera un élément important du plan du Canada visant à atteindre zéro émission nette d’ici 2050.

En matière de technologie du captage et du stockage de carbone, le Canada est un chef de file, est-il indiqué dans le budget.

Des émissions échappent au captage

Cela dit, la technologie n’est pas parfaite. Il y a des émissions qui sont à peu près impossibles à éviter, à moins de ne faire aucune production agricole, aucune production industrielle, explique Simon Langlois-Bertrand.

Il faut bien comprendre que ce n’est pas 100 % des émissions qui sont captées dans ce genre de procédé. Le potentiel théorique est au-delà de 90 %, mais, en réalité, dans la pratique, les installations commerciales sont plus dans les 70 %. Donc, ça veut dire qu’une bonne partie des émissions vont quand même s’échapper.

Non seulement la technologie n’est pas infaillible, mais elle coûte cher également. Avec la hausse de la tarification du carbone au cours de la prochaine décennie, il y a fort à parier qu’il sera plus intéressant pour les sociétés d’investir dans des énergies renouvelables que d’injecter des sommes importantes dans une technologie imparfaite.

Selon des données de 2019, qu’on retrouve dans une étude du cabinet McKinsey, les émissions d’usine d’éthanol peuvent être captées pour un coût variant de 25 à 30 $ la tonne de CO2. Pour les émissions des cimenteries, des aciéries ou des usines de charbon ou de gaz naturel, le coût atteint de 60 à 150 $ la tonne. Or, la tarification du carbone au Canada sera à 170 $ la tonne en 2030.

En attendant, le prix du carbone est encore faible et les cours du pétrole et du gaz naturel sont en hausse. Et, pendant qu’on discutait à Glasgow de solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, l’Association des services pétroliers annonçait jeudi que le forage au Canada en 2022 reviendra au niveau d’avant pandémie. On prévoit 5400 puits de forage pétrolier l’an prochain, une hausse de 16 % par rapport à 2021.

Acceptabilité sociale?

Dans un texte publié le 1er avril 2021 dans Options politiques, les chercheurs Patricia Larkin, Stephen Bird et Monica Gattinger, de l’Université d’Ottawa, écrivent que le potentiel du captage et du stockage de carbone est inexploité. Il y a beaucoup de travaux, disent-ils, financés par des milliardaires, qui ont remis cette technologie à l’avant-plan.

Ils affirment que le Canada fait partie des leaders en cette matière, mais que sans la confiance des investisseurs et du public dans la technologie et les décisions qui la régissent, [la technologie] restera probablement une histoire de potentiel inexploité.

Est-ce une technologie propre? Est-ce une solution environnementale?

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