Non, les vaccinés ne répandent pas la COVID-19 autant que les non-vaccinés

Le SRAS-CoV-2, le virus qui cause la COVID-19, se propage d'une personne infectée à une autre principalement par des gouttelettes respiratoires et des aérosols créés lorsqu'une personne infectée tousse, éternue, chante, crie ou parle.
Photo : iStock
Prenez note que cet article publié en 2021 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
La vaccination contre la COVID-19 est relativement efficace pour briser les chaînes de transmission même avec le variant Delta, montrent des données récentes. Mais comme le vaccin n’offre pas de protection totale, le maintien d’autres mesures sanitaires est de mise, rappellent les experts.
À l’approche de l’hiver, nos contacts sociaux dans les espaces intérieurs se multiplient. Dans plusieurs régions du monde et même dans certaines provinces, on assiste à une hausse des cas de COVID-19. De nombreux gouvernements ont commencé à administrer une troisième dose à leur population pour conserver une couverture vaccinale optimale.
Dans ce contexte, que sait-on de l’efficacité des vaccins à empêcher la transmission du virus d’une personne à l'autre?
On l’attrape moins, on le transmet moins
Le vaccin intervient de deux façons pour empêcher la transmission du SRAS-CoV-2.
D’abord, une personne vaccinée risque beaucoup moins de développer une infection quand elle est en contact avec le virus par rapport à une personne non vaccinée. Les probabilités sont donc bien plus faibles qu’elle le transmette à son tour à quelqu’un d’autre.
On sait que les vaccins contre la COVID-19 ont été conçus pour empêcher le développement de formes graves de la maladie et ainsi prévenir les hospitalisations et les décès, ce qu’ils excellent à faire dans les faits.
Leur prétention n’a jamais été d'atteindre le risque zéro d'infection. Malgré tout, les données montrent que les vaccins sont plutôt efficaces pour prévenir l’apparition de la maladie, que les symptômes soient légers ou forts.
Quand le virus pénètre dans le corps par les voies respiratoires, le système immunitaire des personnes vaccinées va, de façon générale, le reconnaître rapidement et déployer l’arsenal nécessaire – via les lymphocytes T et B et les anticorps – pour le bloquer avant qu’il ne se reproduise en trop grand nombre dans nos cellules et qu’il cause des dommages.
C’était particulièrement vrai avec la souche originale du virus et le variant Alpha. Mais les vaccins conservent tout de même une bonne efficacité contre le variant Delta, qui se transmet plus facilement.
Contre toutes les formes d’infection, les recherches montrent que l’efficacité des vaccins est actuellement de l'ordre de 60 à 70 %, rappelle Alain Lamarre, expert en immunologie et virologie à l'Institut national de la recherche scientifique.
Le Québec, en espaçant l’administration des doses, est parvenu à obtenir une meilleure protection encore, soit entre 73 et 91 % d’efficacité à empêcher tout type d’infection à la COVID-19, selon les récentes analyses de l’INSPQ (Nouvelle fenêtre). Cette efficacité semble se maintenir aussi plusieurs mois après l’administration de la dernière dose.
Les données de l’Ontario (Nouvelle fenêtre) sont aussi parlantes. On voit que près de huit mois après la vaccination, oui, il y a une certaine baisse de l’efficacité contre les infections. Mais la protection contre les symptômes, les hospitalisations et les cas graves demeure très élevée
, dit de son côté Jason Kindrachuk, professeur au Département de microbiologie médicale et des maladies infectieuses de l'Université du Manitoba.
Des vecteurs moins importants du virus
Toutefois, lorsqu’une personne vaccinée développe quand même la maladie – un cas de « percée vaccinale » –, elle peut à son tour transmettre le virus à d’autres. Cela semble plus fréquent avec le variant Delta.
Néanmoins, les recherches indiquent une efficacité relative à bloquer cette transmission en aval, ce qui constitue un deuxième mécanisme de protection.
Une étude récente menée aux Pays-Bas (Nouvelle fenêtre) – qui n’a pas encore été revue par les pairs – est digne d'intérêt. Elle se basait sur les données nationales des infections et des cas contacts. Les chercheurs ont noté une réduction allant jusqu'à 63 % de la probabilité qu'une personne vaccinée et infectée transmette le virus, par rapport à une personne non vaccinée et infectée.
Au printemps, ces chercheurs avaient fait les mêmes analyses, mais avec le variant Alpha qui prédominait à l’époque. Cette efficacité à briser les chaînes de transmission en aval était de 73 %.
Une étude semblable menée au Royaume-Uni (Nouvelle fenêtre) de janvier à août est arrivée à des résultats comparables.
Mais récemment, dans The Lancet (Nouvelle fenêtre), des chercheurs ont fait paraître des travaux où ils avaient suivi pendant des semaines quelques centaines de participants, en étudiant les cas index
d’infection et les contacts au sein de leur maisonnée.
Ils n’ont pas noté de véritable différence entre une personne vaccinée et non vaccinée pour ce qui est du risque de transmission à des proches en cas d’infection. Dans l’étude, les cas index infectaient à leur tour environ un quart des proches de leur maisonnée.
Toutefois, lorsque les proches étaient eux-mêmes vaccinés, ces derniers – sans surprise – attrapaient moins le virus.
Les résultats s’expliqueraient en partie par la charge virale, soit la concentration de virus présent chez une personne infectée. Les scientifiques se servent souvent de la charge virale comme indicateur du potentiel de contagion.
Avec le variant Delta, cette charge virale serait semblable chez les personnes infectées, peu importe leur statut vaccinal, selon les chercheurs.
« Le Delta a changé un peu la donne, par rapport aux souches précédentes. Le virus se transmet tellement bien, se réplique aussi tellement bien qu’on voit une importante augmentation de la charge virale dans les premières heures de l’infection. »
Ceci fait en sorte que des gens qui vont avoir eu une infection tout en étant vacciné vont pouvoir le transmettre quand même
, explique Alain Lamarre.
Mais cette charge virale est dynamique, évolue dans le temps, un élément important à prendre en compte.
Ce que l’étude du Lancet montre, c'est que, dans les cas des personnes vaccinées, la réduction de cette charge virale est ensuite très rapide, comparativement aux non-vaccinés. Donc, on s'attendrait à ce que la transmission soit réduite plus rapidement dans ces cas-là
, poursuit-il.
D’autres études (Nouvelle fenêtre) ont aussi montré que, passé le début de l’infection, la charge virale diminuait plus rapidement chez les personnes vaccinées infectées par rapport aux non-vaccinés infectés.
Alain Lamarre note que le contexte de l’étude du Lancet, soit la transmission dans les foyers, est bien particulier. Il y a peu de mesures barrières, les contacts sont étroits et le virus se répand facilement à l’intérieur par les aérosols. Le petit échantillon de participants fait aussi en sorte qu’il peut y avoir beaucoup de variabilité entre les individus, ce qui peut influencer les résultats.
Mais, selon lui, les personnes vaccinées risquent moins de transmettre le virus à l’extérieur de leur maison quand ils retournent au travail, par exemple, car leur charge virale diminue vite après le pic de l’infection. Plus de recherches sont requises pour confirmer le tout.
Les scientifiques estiment la charge virale par une méthode indirecte, qui mesure en fait la quantité de matériel génétique (ARN) d’origine virale présent dans les voies respiratoires ou les sécrétions. Il peut s’agir d’ARN de particules virales non infectieuses ou de résidus de virus détruits par le corps. On ne connaît donc pas la quantité précise de virus qui, sur le moment, ont la capacité d’infecter d’autres cellules.
À l’été, une étude des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) (Nouvelle fenêtre) des États-Unis concernant une éclosion au Massachusetts avait causé l’émoi (Nouvelle fenêtre) : la majorité des personnes infectées étaient en fait vaccinées et elles avaient une charge virale comparable à celle des non-vaccinés.
D'autres travaux au Royaume-Uni (Nouvelle fenêtre) et aux États-Unis (Nouvelle fenêtre) sont ensuite venus montrer qu'en effet, les personnes vaccinées infectées avec le variant Delta ont une charge virale comparable aux personnes infectées non vaccinées.
Or, les experts remettent en perspective ces résultats, en rappelant que rien ne démontre que les personnes vaccinées et infectées peuvent répandre le virus aussi bien que les non-vaccinés.
Protection individuelle, protection collective
Par ailleurs, la charge virale n’est pas le seul facteur à considérer dans la transmission, rappelle Jason Kindrachuk.
Il faut tenir compte aussi du comportement de la personne infectée et des symptômes. Par exemple, une personne non vaccinée qui a la COVID-19 est plus à risque de présenter de forts symptômes (Nouvelle fenêtre) qu’une personne vaccinée qui développe la maladie. Elle risque donc de répandre davantage le virus par la toux et les éternuements.
On doit considérer le tout d’un point de vue populationnel et non seulement individuel, rappelle Jason Kindrachuk. Avec chaque nouvelle personne vaccinée, on ajoute une couche de protection supplémentaire, en plus de l’ensemble des mesures sanitaires en vigueur. Le virus a ainsi moins d’occasions de se propager dans la communauté.
Le but est toujours d’éviter que nos systèmes de santé se retrouvent débordés, comme cela a été le cas en Alberta et en Saskatchewan au début de l’automne, souligne le chercheur.
Je crois qu’on doit apprécier ce que les vaccins peuvent faire et reconnaître leurs limites. Il faut être très conscient de ce qu’ils ne peuvent pas faire
, dit Jason Kindrachuk.
« La vaccination a toujours été vue comme faisant partie de la solution, mais ça n’a jamais été la seule solution à la pandémie. Il ne faut pas que les gens aient des attentes irréalistes par rapport à ça. »
Moi aussi, je trouve ça frustrant. J’aurais aimé que la vaccination règle tout et que nous n'ayons plus besoin de nous soucier de la prévention et du contrôle des infections. Mais ce n’est pas ce que ces vaccins nous permettent de faire. Peut-être qu’avec une deuxième, une troisième ou une quatrième génération de vaccins, on s’en rapprochera. Mais pour l’instant, ce n’est pas possible
, ajoute-t-il.
M. Lamarre rappelle lui aussi l’importance de maintenir les mesures barrières.
Dans le contexte où on ouvre de plus en plus et où on laisse tomber les mesures sanitaires, je pense qu'il faut le faire de façon graduelle et prudente. Même si une grande partie de la population est vaccinée, il y a quand même pas mal de transmission. Et les enfants ne sont pas encore vaccinés, donc le virus circule encore dans cette population-là et peut entrer dans les maisons
, dit Alain Lamarre.
Les recherches montrent que plus les gens sont âgés, plus les risques de transmission sont importants. Ceux qui ont des facteurs de risques qui les prédisposent à une forme plus sévère doivent faire d’autant plus attention.
Et même si les gens sont doublement vaccinés, dans un contexte où ils sont dans la maison, ont des contacts étroits et prolongés, les risques sont quand même importants qu'il y ait transmission.